Mains dans les poches et baskets montantes, vous passez les portes en bande organisée du Sunset Paradise. Que font les chiens de la casse de sortie ce soir ? Ils vont jeter des billets aux pieds d'artistes féminines respectables aux seins refaits et aux shorts moulants motifs vichy. La clope au bec, c'est trainé par la pire fréquentation des CG que tu te jettes dans un des petits canapés en cuir usé face à la scène. Tes yeux se posent sur les danseuses, le coeur chahuté par leurs déhanchés. Mais soit, tu ne montres rien et ne témoignes à tes camarades que d'un rire graveleux en écho aux leurs.

— « Oh merde alors, y'a la tafiole de sortie. »

Parce que parmi les meilleur.es il y a aussi des silhouettes plus carrées au visage de poupon. Les hommes sont peut-être moins présents mais ils n'en restent pas moins excellents. Tu penches la tête et relèves le menton, les cils démesurément longs qui batifolent dans le jugement.

— « Alors Valdez ? Il arrive à te faire bander avec sa barre de fer ? »

Tu ne réponds pas, faisant craquer tes doigts dans un sourire froid qui s'évapore rapidement - tu arbores une mine plus inquiétante quand tu soupires.

— « Oh merde, il t'excite vraiment ? T'AS LA GAULE VALDEZ ! »

L'un d'eux vole un billet qui déborde de ta poche et le jette au pied du danseur. Tu croises son regard, éléctrique, puis te jettes sur ton pote pour lui éclater la gueule d'un poing bien placé - usant de ta faculty pour ramasser le billet avant qu'il ne s'échoue sur le lino vitrifié de la scène.

— « Désolé, mon ami ne sait pas viser. »

Il a le nez cassé et la dent de devant qui menace de tomber.

— « Tu le veux ? »

Agites l'argent devant Astar. T'es tellement grand que t'es presque à sa hauteur malgré le rehaussement de la scène.

— « Danse pour moi et peut-être que je serais d'humeur à le laisser tomber. Hm. »

Le reste du gang te hue. Tu décides de les ignorer, déjà matrixé dans ton délire sordide. T'as pas besoin d'eux pour être une merde et t'as encore moins désireux de leur approbation de connards imberbes.

Tu restes de marbre, ravalant ta fascination pour n'afficher qu'une mine imperturbable. Donc ce qu'ils ont volé de ta poche pour lui offrir n'est pas assez. T'aimes ceux qui ont du cran, qui tendent la joue sans peur de s'en prendre une. Tu craques, Cole, et pinces tes lèvres dans un sourire amusé et cruel. Tu ne réponds pas, fais mine de chercher d'autres billets. Tu sors une petite pochette où est rangée une liasse, puis lui tend. A ce prix là, il t'appartient jusqu'au lendemain. Avant qu'il ne puisse l'attraper, tu l'éloignes, le regard brillant.

— « Pour cette prestation unique, je veux être époustouflé. »

Tu fais craquer les articulations de ta nuque, puis penches le bras pour coincer l'argent entre l'élastique de son caleçon et sa peau. Il est en équilibre, c'est parfait. Il ne manquerait plus que ça le fasse tomber. Tu pointes du doigt un de tes potes, et le visage dénué d'expression particulière, tu demandes.

— « Je veux que tu utilises son corps à lui. »

Tu t'assois sur la scène, plaques tes mains vers l'arrière et écartes légèrement les genoux, spectateur intimiste.
S'il est convaincant, peut-être que tu lui redemanderas en privé, qui sait. Ton collègue, lui, n'a pas l'air ravi.

— « Attends, quoi ? Wowowoh. J'suis pas à l'aise gars. »

Rien à faire. Le voir se tortiller sur ton pote t'excite pas pour un sous. Les poings sur les cuisses légèrement écartés, tu tapes du pied avec impatience - visiblement sous tension. La nervosité grimpe à son apogée quand il inverse leur place, s'adresse à toi après lui avoir roulé une galoche. T'en as des frissons jusque dans le bas du dos. Des envies de leur écraser la gueule sur le sol à tous les deux. Quand le danseur (ou le pute, selon ce qu'on pense) se tourne de nouveau vers toi, tu imagines malgré toi que la salive de Ben brille sur ses lèvres. Ça te débecte.

— « T'es sûr qu'il t'en reste encore ? J'ai l'impression que t'as tout donné, là. »

Tu le toises avec sévérité, la graine de la possessivité déjà bien plantée. Qu'est-ce que tu t'emmerdes à lui payer la soirée ?

— « Normal, on est pas d'ici. »

Les autres n'osent plus rien dire. Le fameux Ben est encore sonné par le baiser. Quand il sort de sa transe, c'est pour repousser Astar d'un coup de pied bien placé dans le bas du dos.

— « Dégage de là, sale tarlo*ze ! »

Tu fais craquer les articulation de ta nuque et te lèves, mains dans les poches. Tu tends la main au danseur, et le hisses avec une force démesurée - comme s'il était aussi léger qu'une plume.

— « Ne respire pas, sinon ton poumon peut se déplacer. »

Tu places une main à l'arrière de sa tête pour éviter le coup du lapin, et uses de ta faculty pour vous déplacer. En une fraction de seconde vous voilà à l'autre bout de la salle.

— « Si tu gerbes, c'est pas sur mes pompes. »

Vous voilà tranquille pour le reste du tarif. Tu sais même pas pourquoi tu instaures cette intimité. T'as peut-être rien à lui dire mais tu veux pas que les autres entendent.

Tu n'avais prédit cette réaction. D'habitude, les gens gerbent sur tes pompes malgré l'avertissement - alors tu te retrouves dans l'obligation d'honorer ton serment et tu leur pètes la gueule. Là, le danseur s'exclame et fanfaronne. Il darde sur toi un regard pétillant et vicieux, que tu perçois comme une provocation évidente et sous-jacente. Qu'est-ce qu'il te veut à te mater comme ça ? Il n'est pas content que tu l'aies éloigné de tes connards de potes ? Tu vas pour répliquer, acerbe... avant qu'il ne t'interrompe avec des propos lourds de sens.

— « Ce qui me dégoute, c'est que tu prends la confiance et t'oublies que je peux te plier en deux sans faire aucun effort. »

Tu penches la tête sur le côté, faisant craquer l'articulation de ta nuque au passage. Il plaque ses mains sur ton torse pour te forcer à reculer. Tu lui concèdes un pas, pas plus, avant de braque tes jambes sur le sol. Il aura beau pousser de toutes ses forces, tu bougeras pas d'un millimètre. Pire, tu penches en avant, et tu le vois vaciller.

— « Il est où ton mec, alors ? »

Tu hausses un sourcil, ne dissimule pas le jugement dans ton regard médusé.

— « Il est ok avec le fait de te voir te trémousser sur les bites de random dès qu'il a le dos tourné ? »

Tu passes ta main sur son épaule, y enfonces tes doigts pour l'agripper. Ainsi, il ne pourra pas s'échapper quand il se rendra compte qu'il ne peut pas te repousser. Tu ne témoignes d'aucune gratitude face à ses flatteries. Tu t'en fous Cole, t'es passionné par quelque chose de plus précieux que son attirance sexuelle à ton égard : son impertinence insolente.

— « C'est toi, Astar Stratford. T'es mort pendant le quadrille. »

Balancé comme ça. Ce qu'il est en vérité, tu t'en fous. L'important c'est qu'il te plait.

— « Pour quelqu'un dont les gangs se battaient la tête, je trouve que tu la ramènes un peu trop fort. »

Tu savais pourquoi tu venais.
Mais t'as aucune idée de quand tu repartiras.