Les produits sont dispatchés dans un certain ordre par Ambrose, à la manière d'une pièce en plusieurs actes, du moins efficace au plus efficace. Peut-être est-ce un toc ou peut-être est-ce là la manière qu'il a de procéder. La hiérarchie du dominant et du dominé. Tout se doit d'être identifié, posé dans une case, celles qu'Ambrose a choisit comme piliers, comme références.

Mado semble être celle qui complète la ligne bien que sa position aux yeux du bellâtre ne soit pas encore réellement acquise.

Je suis certain que les zébrures du marbre se marieraient à la perfection avec ce sang versé. Les flux s'enlaceraient probablement dans un tango des plus agréables à observer. Ambrose est sur son trente-et-un, il est vrai. Chaque scène de crime est une représentation à laquelle il est convié, il est d'ordre d'être propre sur soi, on ne sait jamais si l'artiste en vaut la peine.

La vérité, c’est qu’Edge pourrait employer plus ou moins n’importe qui pour faire ce genre de choses, mais il ne s’enquiquine pas des détails, il a une relative confiance en ces deux loubards, ils feront quelque chose de bien, quelque chose de propre.

Ambrose laisse égoïstement Mado débuter le nettoyage, il observe Une travailler tandis que l'autre se penche par-dessus son épaule, la gueule ensanglantée, rapiécée. A la manière des 4 saisons de Vivaldi, l'ombre de Mado semble arborer mille et un états, mais son physique ne change jamais, son ombre porte les traits d'une autre femme. Il est intrigué mais son œil demeure entiché par la pièce à laquelle il a été convié. Cette minute de contemplation lui suffira pour aujourd'hui. Il remonte alors les manches de son col roulé et délaisse à autrui la vision de ses bras tantôt meurtris par des cicatrices que par de magnifiques tatouages monochromes, Il niche ses doigts à l'intérieur de ses gants de cuir - Seule pièce rapiécée de son entière tenue - avant de débuter son œuvre.

Bien vite, il se retrouve seul à travailler. Bien que Mado soit là, elle ne l'est pas vraiment, il l'observe de temps à autre discuter avec elle-même, se laisser distraire par des scénarios factices. Ça la mènera à sa perte, il sait pertinemment qu'un jour il sera amené à nettoyer une scène de crime où le bouquet final sera le corps de celle-ci, du moins il se l'imagine sans mal. Ambrose mène sa mission avec une minutie maladive, ses gestes sont mesurés, rien n'est laissé au hasard et pourtant parfois ses yeux se perdent sur sa camarade lorsqu'elle est le moins à-même de le remarquer. Il observe l'ombre de celle-ci prendre d'affreux tournants, d'affreux visuels, allant probablement de paire avec ce que sa camarade est en train de s'imaginer. L'homme est servit : Devant lui se déroulent deux pièces de théâtres toutes deux se dirigeant vers un funeste destin. C'est tout là l'art de danser avec les morts, l'un n'est plus et l'autre décrépit, petit à petit, s'enlaçant dans la fatalité qui lui colle si bien à la peau.

Elle se lève enfin. Elle a cédé. L'homme dresse un sourcil faussement surpris avant de lui prêter son regard, la jugeant dans un silence particulièrement bruyant.

« — Je suis désolée, il faut que j’aille prendre l’air, sinon je ne serais d’aucune utilité.»

Il hoche sobrement la tête, exaltant alors un « Mmh. » ; ne pipant pas un son de plus. Il est finalement satisfait, peut-être que cette escapade lui permettra de redevenir efficace, il en profitera pour passer derrière la jeune femme, réparant les erreurs qu'elle a pu commettre dans son tourbillon de pensées incapacitantes. D'un geste de main, il la congédie, lui signifiant d'une certaine manière son accord dont elle peut se ficher ou non, il n'en a que faire, leur temps est compté.

Peut-être s'amusera-t-il un jour à la confronter à son ombre, peut-être se fera-t-il une joie de l'obliger à faire face à ses peurs les plus inavouées et pourtant les plus visibles. Cette femme l'intrigue. Ou peut-être est-ce celle qui la diriger qui l'intrigue ? Il ne sait pas encore. Ça reste à découvrir.