Te voilà devant la porte de son bureau. Doucement, tu y frappes, attends sa voix qui autorise l'entrée pour venir t'enfermer avec lui. Un tête à tête, car tu avais besoin de lui parler seul.
Ce qui avait eu lieu hier allait changer les choses, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Aviez-vous réellement besoin de ça ? Mais tu n'étais pas là pour juger des choix de ton chef.

- Bonjour Kokoro.

Tu te veux agréable et ouvert. Ton sourire est présent, doux et amicale. Tu t'approches pour t'installer face à lui. Vous aviez à parler, car il y aurait beaucoup de choses à faire.

- Ce qu'il s'est passé hier va faire grand bruit.

Tu ne voulais pas imaginer les conséquences. Ce n'était pas entièrement ton job.

- Mais tu me donneras tes ordres plus tard, si tu veux bien. Car je voudrais d'abord parler de toi.

Tu ne le lâches pas du regard. Tu t'inquiètes pour lui. Hier, il était différent, méconnaissable... Comme s'il n'était plus lui même. La colère pouvait parfois changer un homme... Mais tu ne pensais pas qu'il aurait été jusque là...

- Je ne t'ai jamais vu comme ça. Comment te sens-tu ?

Tu l'invites à te parler, à se livrer s'il en avait besoin. En espérant que l'espace d'une nuit l'avait un peu calmé.

Si tu ne lui as pas demander comment il va directement, c'est parce que tu sais qu'il va mal. Tu l'as vu hier. Tu te doutes que cela continue, que le mal qu'il ressent en lui continue d'affluer dans son esprit, encore et encore. Ressasse-t-il toute la scène en boucle ? A-t-il réussi à dormir ? Toi, quand tu avais mis fin à la vie de la personne que tu avais cru aimer, tu n'avais pas pu fermer l'oeil pendant ce qui te semblait une durée interminable. Ce n'était que lorsque ton corps avait fini épuiser que tu t'étais reposé, sans pour autant que ton esprit ne le soit. Alors, oui, même si tu n'es pas dans les pensées de Kokoro, tu peux te douter aisément que ça ne va. C'est pour cette raison que tu l'as invité à se livrer à toi. Car dire ce que l'on ressent, c'est différent. En silence, tu écoutes, observant la moindre de ses expressions, tandis que tu croises les jambes sur le siège en face de lui.

Il souffre et il se rend compte de la folie dans laquelle il est entré. Tu aimerais le consoler, mais les mots que tu avais n'aiderait pas. Car effectivement, il avait fait la veille quelque chose de malheureusement horrible. Autant pour lui que pour d'autres. Tu pousses un soupir silencieux avant de prendre la parole.

- De fait, tu es un monstre. Ou plutôt, tu l'es devenu. Je sais, ce n'est pas ce que tu voudrais entendre, et je m'en excuse. Toutefois, c'est la vérité. Pas forcément à cause de ce qui s'est passé hier. Ce n'est qu'un ajout supplémentaire. Et certainement le pire pour toi.

Ce n'est pas pour rien que, petit, tu t'étais éloignés de Kokoro et ses amis. Leur idée de gang ne t'intéressait pas, comme si instinctivement, tu voulais préserver ton innocence d'enfant, déjà meurtri par la vie domestique au sein de ton foyer. Mais finalement, en sombrant dans le mal, tu l'avais rejoint...

- On dirait que l'Homme ne peut rien faire de bien dans la vie, qu'il est rythmé par le désir de violence et de destruction. Je ne te blâme aucunement. J'en fais également partie. Ce serait ironique que je te fasses des reproches alors que nous sommes assez similaires.

Tu finis par te redresser, marcher dans la pièce pour contourner le bureau, devenir plus proche de lui. Tu ignores comment il prend tout ce que tu lui dis. Tu sais que tu ne prononces pas des mots agréables et qu'il est affaibli, pouvant prendre tout encore plus mal. Délicatement, comme pour t'assurer que tu pouvais faire ce geste sans répercussion sur ta personne, tu poses une main sur son épaule.

- Tu dois rester fort en public, mais tu restes humain aussi. Et quoi qu'il arrive, je suis ton ami. Alors ne reste pas planquer avec tes émotions négatives. Cela ne fera qu'empirer. Et je ne tiens pas à te voir revivre cette folie une nouvelle fois.

C'est bien pour ça que tu as toujours éviter les trop hautes responsabilités. Elles peuvent changer un homme, le torturer, le briser.

Tu avais toujours été franc avec lui, et cela même dès l’enfance. Au moins, il ne t’en voulait pas. Mais tu le savais blessé. Car qui ne le serait pas après une vérité cruelle, mais vraie. Malgré tout, tu n’es pas sans coeur. Tu le lui as dit : tu serai toujours son ami. Il était la personne que tu avais décidé de suivre, celle que tu avais rejointe et auprès de qui tu étais resté.

Ta main se resserre un peu sur son épaule. Ta mâchoire se crispe légèrement en entendant sa question. À tes yeux, ce n’est pas à toi de le dire, pourtant c’était bien à toi qu'il venait de le demander. Tu pousses un soupir et retires ta main. Tes bras se croisent et tu lèves le nez vers le plafond, comme pour y trouver l’inspiration.

- Tu me poses là une question difficile.

Tu finis par poser à nouveau ton regard sur lui.

- Dans ton état d’esprit actuel, non.

Tu te déplaces pour t’asseoir face à lui, de l’autre côté de son bureau. Tu t’y accoudes, joins tes mains.

- Je ne te dis pas ça contre toi, mais pour toi. Je me doute de la souffrance que tu ressens d’avoir été trahi par quelqu’un de si proche. Je connais la douleur que l’on vit quand on se rend compte qu’on a mis fin aux jours d’une personne qu’on aime.

Sauf qu’au vu de la place importante qu’il occupait, se faire emporter par ses sentiments étaient néfastes, autant pour lui mentalement que pour son image. Tu aimerais lui dire de prendre une pause, de souffler, de prendre du temps pour lui. Mais tu te doutes de l’impossibilité de la tâche. Voilà l’une des raisons pour lesquelles être chef est une tâche ingrate. Diriger, manipuler, se jouer des autres, mais pouvoir sombrer à cause de la pression de soi-même et d’autrui. Un pas de travers et tout bascule. Une erreur et le château de cartes se met à trembler.

- Kokoro, j’aimerai vraiment t’aider. Pose à plat tes sentiments, tes idées, tout ce qui te traverse l’esprit. Fais le tri ensuite. Ce qui a été fait est fait. Personne ne pourra plus le changer, mais ce n’est pas non plus une raison de te torturer mentalement à vie.