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J’avais pour habitude de déambuler sans but tout au long de mes journées. Une fois mes entraînements achevés, il n’y avait guère d’occupation disponible à mes yeux. Je me tenais toujours aux acquêts, prêt à bondir au moindre message de sa part. Prêt à accourir au moindre de ses appels. Mais en dehors de ces derniers, que me restait-il ? Si ce n’est le loisir de perdre ce temps. De le voir défiler sous mes yeux, au rythme des gouttes tombant du ciel. Au rythme de mon cœur qui bat. Au rythme auquel s’efface mon sourire.

Mes pas me conduisent dans les allées de ce QG, bien souvent désert. Ce groupe n’avait de groupe que le nom. Chaque membre avait leurs propres loisirs, leurs propres objectifs et leur propre vision de la vie. Il n’y a pas grand-chose qui nous rattache les uns les autres. Si ce n’est pas la mission confiée par le Staff lui-même.

Je n’avais pas de loisir propre, pas de vision de vie, pas grand-chose. Mon seul objectif était d’assurer sa protection. A lui. Un vœu que je m’étais donné. A moi, sans que personne ne vienne le réclamer. L’une des premières décisions que j’ai eu à prendre au cours de mon existence.

Au-delà de cette faculty que je ne maîtrise pas encore, loin d’atteindre la perfection. Ma vie manque cruellement de rêves. Jusqu’à présent, je n’ai vécu que pour les autres. Quitte à me sacrifier pour qu’ils accomplissent le leur. C’était là la seule chose qui avait toujours animé ma volonté. Jusqu’à présent.

Mais voilà qu’une voix vient interrompre mon pèlerinage. Mettant fin par la même occasion à ma petite introspection. Ce qui n’était pas pour me déplaire en soit. Je risquais vite de finir à court d’argument. Mon regard s’empresse de chercher la seule personne encore présente dans cet endroit, si ce n’est moi.

Achille. Un assassin de mémoire, au même titre que Duke et Callum. Qui ont un caractère bien à eux. La curiosité leva en moi une multitude de questions concernant le caractère de celui-ci.

Rien de spécial.

J’ai soulevé mes épaules par la même occasion, inconsciemment, renforçant l’oisiveté qui animait ma journée tout entière.

Je… Merci…. Enfin, je crois ?

Je cligne des yeux un moment face à remarque. C’était vrai, certes. Mais de là à me le dire aussi clairement et dès notre première rencontre. C’était pour le moins… original. Je commençais à croire qu’être spécial et étrange étaient des prérequis pour devenir assassin sur cette planète.

Mais… Tu n’es pas occupé toi ? Rapide coup d’œil à la manette et la TV. J’peux attendre que tu termines.


De toute façon mes plans pour la journée se résumaient à attendre. Alors un peu plus ou un peu moins.

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Il a l’air étonnement amical. C’est une agréable surprise il faut avouer. Je m’attendais pas à tomber sur quelqu’un comme lui dans notre groupe. Les autres sont… plus… extrêmes ? Il y rarement de demi-mesure avec eux. Voir quelqu’un d’aussi ouvert m’arrache un sourire presque inconsciemment.

Heuu… Merci.

Pris sur le fait, la surprise se lisait sur mon visage alors que je prenais place dans un fauteuil juste en face de lui. Je le détaille légèrement tandis qu’il éteint la télévision. Me demandant si quelqu’un comme lui pouvait réellement assassiner des personnes de sang-froid. Sans état d’âme.

En face à face. J’avais beaucoup de mal à le visualiser.

Ce que je fais là ? Comment ça ?

Interloqué, une fois de plus, je penche la tête sur le côté, cherchant une signification cachée à ses mots.

Je viens de la terre. J’ai fait de la prison, le Staff est venu me chercher et…. Voilà. C’est tout. Ma vie n’est pas vraiment intéressante désolé.

Je passe une main dans les cheveux, gênés par le peu de conversation que j’étais en mesure de lui offrir.

Oui ça m’arrive. J’ai l’air si renfermé que ça ?

Je me permets même de lâcher un léger rire. A croire que Swan commençait à détendre sur moi. Dans un sens, cette remarque était amusante. Loin de mal le prendre. J’éprouvais une forme de fierté à lui ressembler.

Je suis pas aussi doué que vous pour… foutre le bordel ? Me débarrasser des gens dangereux ? Mais pour tout le reste, je fais de mon mieux.

J’étais transparent, sans m’en rendre compte, j’en avais déjà bien trop dit sur moi. J’étais loin d’être aussi méfiant qu’un habitué.

Et toi ? tu viens d’où ?

Maintenant que la conversation était lancée, mes yeux s’étaient illuminés tout naturellement. Animé par la curiosité d’en savoir plus. Ou alors ému par cette sensation nouvelle. De lier une forme d’amitié.

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Je soupire, incapable de percer l’humour derrière sa phrase. Ou incapable d’affronter la vérité de cette dernière. Quoi qu’il en soit, ses mots étaient vrais, bien trop vrais. Contrairement aux autres, je n’avais encore rien vécu. Presque rien vécu.

Haha.. Ouais… On me le dit souvent.

Et j’aurai pu éviter de le dire à haute voix ça. Mais chasser le galop et il revient au naturel. Ou l’inverse.

Ils sont… bizarres ouais. Mais ils sont pas tous méchant. Suffit d’apprendre à les connaître. Comme toi. Comme moi.

Je lui décoche mon sourire le plus beau et le plus innocent. Dégoulinant de naïveté. Dégoulinant plus que tout de sincérité. Je devais bien être la seule personne capable de voir du bon dans ce groupe. Ce qui faisait de moi le plus fou du lot.

Je muselle ensuite mes lèvres. Ecoutant attentivement ses paroles. Buvant presque ces dernières. Hochant la tête à chaque nouvelle révélation. Sa vie n’était pas de tout repos. C’est le moins qu’on puisse dire. Et loin d’être un long fleuve tranquille. A l’instar de la mienne.

T’as dû en baver. Désolé pour toi.

Certains pourraient voir du sarcasme, une forme avancée de culot dans tes propos. Il n’en était rien. Surtout lorsque l’on croisait ton regard. On y découvrait toute l’honnêteté d’un monde nouveau, s’ouvrant à nous.

Une fois. J’avoue que c’est pas terrible…

Je me passe la main dans les cheveux, machinalement. Cachant avec grande peine ma gêne.

Mais. Si jamais je dois le faire pour le protéger. Je le ferai. Sans hésiter.

Mon regard s’est perdu l’espace d’un instant dans le vague. Pensif. Pour lui, je serai prêt à franchir le pas. Une fois de plus. Pour Swan, je serai prêt à offrir ma vie s’il le faut. C’est le seul à m’avoir recueilli sur cette planète après tout.

Je lui devais bien cela.

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Il semble beaucoup plus chaleureux que son histoire le laisse paraître. Je n’avais jamais pris la peine de m’arrêter sur la vie d’une personne pour la définir. Cette pensée n’avait pas changé. Je l’observe rire, sourire tout en m’adressant un regard chaleureux. Avant de l’aborder, il dégageait une sorte d’aura inquiétante. Une expérience du danger omniprésente semblait l’envelopper. Mais à mesure que ses mots déferlaient dans mon esprit, toutes mes inquiétudes s’échappaient les unes après les autres.

Peut-être. Mais un passé ne justifie en rien une personne.

A mon tour de lui décocher un sourire. Qui se fige l’espace d’un instant en l’écoutant prononcer son nom. Quoique, le rapprochement était évident pour l’un des membres du groupe. Je suis tout de même resté muet, n’osant répondre à cette étrange et pourtant simple question. De peur de braver un interdit.

Muet, je reprends mon observation de ce dernier. Étudiant ses traits et son corps plus en détail. Une vie acharnée se dessinait ici et là le long de ses muscles.

Je l’ignore. Mais moi, je l’aime bien. C'est un peu le grand frère que je n'aurai jamais.

Inconsciemment. Je réponds à sa question. Oubliant l’espace d’un instant les potentielles représailles. Exprimant sans réfléchir le fond de ma pensée. Comme si ces mots étaient sortis naturellement. Instinctivement.

C’est peut-être ça l’un des problèmes de ce monde. Non ?

Encore une réponse franche. Presque trop honnête. Accompagné d’un soupir. Le monde qui nous entoure serait si simple, sans toutes ces mentalités destructrices. A quoi bon courir vers le pouvoir et la gloire. Si c’est pour tout perdre en chemin. N’est-ce pas toutes ces choses que l’on récolte pendant le trajet qui vaillent la peine de le vivre ?

J’avais conscience d’être naïf. Dans le meilleur des cas. Complètement stupide dans le pire. Mais cette idée ne voulait pas quitter le fond de mon esprit. Persuadé qu’au fond. Ce genre de discours idéaliste avait une part de vérité.

Persuadé que dans un autre monde.

Swan pourrait sourire.

Persuadé que dans une autre vie.

Tu pourrais être réellement heureux. (Achille)

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Le monde semble si compliqué. Si enclin à choisir la difficulté. A croire que la simplicité est inconnue aux yeux des hommes. A croire que l’enfer nous sied davantage.

Le monde est souvent complexe.

Un soupir, en écoutant la suite. La conversation devenait personnelle. Plus qu’à l’habitude. Elle m’arrache des souvenirs douloureux, enfouie au fond de moi, mais qui n’ont pas totalement disparues. Des traces, des cicatrices, qui resteront à jamais gravé dans mon corps. A jamais marqué sur mon âme.

Mais ces mots, ces pensées, ne sont qu’une utopie de plus. J’aimerai le voir comme un frère. Mais je doute qu’il me voit comme tel. Alors, seul à le penser, seul à l’espérer, je m’enferme dans cette ignorance. Je m’enferme dans cette espérance. Pour qu’un jour, je parvienne enfin à retrouver ce qui fut perdu.

Elle est restée sur Terre. J’ignore s’ils sont en vie. J’ignore s’ils pensent à moi. La seule certitude que j’ai. Celle de ne pas être en mesure de les oublier.

Un nouveau soupir, vite balayé par un sourire, bien trop forcé pour ne pas être imbibé de peines et de regrets.

Je ne suis pas d’accord avec toi. Pour le coup. On peut toujours changer. Qu’on soit « pourrie jusqu’à la moelle » ou non.

Mon regard se perd dans le vague. Pensif.

L’important, ce n’est pas ce que les autres voient en toi. Ce n’est pas ce que tu vois en toi. C’est ce que tu souhaites devenir. Si quelqu’un désire changer plus que tout au monde. Personne ne pourra l’empêcher.

Avant de replonger mon regard dans le sien.

Et tu auras beau te haïr. Tu auras beau te dénigrer. Le monde entier attendra peut-être ta mort. Mais…. Il restera toujours quelqu’un qui pensera différemment. Qui t’appréciera. Qui aura confiance en toi. Qui saura voir au-delà de la pourriture qui t’étouffe.

Un sourire.

Dis-toi que si tu n’as vraiment aucune personne capable de penser ça. Alors moi, je serai là.

Un silence. Long. Un grand vide qui s’empare de cette pièce. Avant de l’entendre briser à nouveau ce calme.

Je sais me défendre et protéger les autres. Oui. Mais… J’ai des lacunes en maîtrise de faculty…. Et honnêtement… Je ne suis pas très bon pour m’attaquer aux autres.

Mais ça, ce n’était qu’une façon de penser. Ce n’était qu’une limite de ma bonté. Qu’un handicap que je me donnais.

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Je cligne des yeux. Face à la surprise de sa question.

Non. Pas vraiment. Je leur souhaite juste de continuer à avancer sans moi.

Les oublier n’était pas au programme. Que je le veuille ou non. L’action était vaine. Bien au-delà de ma portée.

Je ne peux pas m’empêcher de rire en l’écoutant. Il avait beau avoir l’air dur, il avait beau avoir un passé complexe et semé d’embuches. Bien davantage que le miens. Il n’en demeurait pas moins très amical. De mon point de vue en tout cas. Amical et chaleureux. Il y avait quelque chose qui me réconfortait dans cet air nonchalant. Loin de toute préoccupation, loin de toute crainte.

C’est pas le cas ? A quoi bon voyager pour se faire chier tout du long ?

C’était évident à mes yeux. Probablement pas aux yeux des autres. Je ne pouvais pas le blâmer de penser différemment.

Alors t’es heureux là, maintenant ? Ou tu n’arrives juste pas à changer ?

J’étais l’un des meilleurs placés pour savoir ça. Ce que tu ressentais. Lorsqu’on se retrouve face à un mur. Avec l’impression d’être arrivée au bout du chemin. D’avoir épuisé toutes les options disponibles. Coincé, acculé face à cette réalité que l’on refuse d’accepter. L’impression que quoi que l’on fasse sera vain. J’avais jamais ressenti de sensations plus désagréables. L’impression d’être impuissant. Incapable d’agir. Incapable d’exister.

M’aider ? Sérieusement ?

Je cligne des yeux, incrédule, en écoutant sa proposition qui sort de nulle part. Je m’attendais à une discussion classique. Pas un entraînement. Mais c’était pas pour me déplaire. Plus je devenais fort. Plus j’apprenais à apprivoiser ce pouvoir. Plus je pourrais lui être utile.

Heuu.. Oui… ‘fin…. Si t’as le temps bien sûr.


J’étais plus que motivé en réalité. Jubilant de l’intérieur à l’idée de m’entraîner avec un assassin aussi compétent. Mais je n’avais pas pour autant envie de m’imposer. J’étais désemparé vis-à-vis de ce dilemme. Lui montrer ma motivation ou respecter sa décision. Encore un choix qui devrait être évident aux yeux des autres. Pas aux miens.