Velvet purple
Suite à l'échange de SMS

Elle avait rejoint Edge à l'endroit convenu, sans se poser davantage de questions. Elle avait laissé derrière elle ses clés d'appartement ainsi qu'un bouquet de chrysanthèmes blanches et bleues, sans explications ou sans notes particulières. Mais le message était clair, et serait limpide pour Cosmo et Brownie, elle en était certaine.

Elle ne sut décrire si elle se sentait libérée ou si c'était le vertige qui la prenait soudainement de s'imaginer les quitter ; tous ; sa famille d'hypocrites.

Elle n'avait adressé aucun sourire à Edge, l'avait simplement regardé, complètement neutre. Elle avait appris à être plus naturelle en sa présence - songeant qu'il était de toutes façons imperméable à tous ses faux-semblants. Ainsi, lorsqu'elle hocha la tête et qu'une lumière fugace se dessina au fond de ses pupilles, chaque émotion qui traversait son visage était sincère.

Cela me convient.

Elle entra sans demander plus d'explications, et traversa les allées, ses yeux devant s'habituer à l'obscurité soudaine. Ceres se sentait plus à sa place plongée dans l'ombre - et elle apprenait, doucement, à embrasser cet état de fait.

Entourée de monde, elle adressa un regard derrière elle à Edge, mesurant qu'il était toujours sur ses talons. D'une certaine manière, savoir son regard qui la surveillait avait quelque chose de rassurant. Il avait donné sa parole qu'il la protégerait, après tout.

As-tu rencontré des déboires à me faire suivre ?

Un rire s'annonça à ses lèvres mais ne se déclara jamais, poursuivant son idée.

J'ai repensé à ce que tu disais. J'y songe depuis la première fois. Dans le couloir de l'hôpital, tu le mentionnais déjà.

Elle se retourna complètement vers lui, cessant sa marche brutalement.

Tu as raison.

Papillonna de ses paupières un instant pour marquer une pause.

Je n'avais pas ma place chez les Banana Breads.

Ils étaient trop doux, trop gentils, trop purs. Elle en avait tué un, avait causé la mort du second ; combien de temps allait-elle encore les détruire avant de réaliser que le problème venait d'elle ? Que c'était elle, leur maladie ? Elle était trop instable - trop rongée de l'intérieur - pour correspondre à leurs valeurs. Et ils n'auraient jamais le courage de la confronter ; ils lui pardonneraient éternellement sous couvert de leur foutue loyauté.

La vérité, c'est qu'ils étaient trop lâches pour accepter de la punir.
Et Ceres avait besoin qu'on la cadre, qu'on la limite.
Elle avait besoin de quelqu'un qui l'arrête avant qu'elle ne faute.
Elle n'avait pas besoin de pardon. Elle avait besoin de ne pas se sentir dangereuse à nouveau. Et ils étaient faibles.

Edge ne l'était pas.
Dans sa propre vision, en tous cas.

Je les ai quittés.

Elle leva les yeux vers Edge, sans ajouter quoi que ce soit de plus. Il était rare que Ceres laisse place au silence et n'envahisse pas l'espace sonore ; mais pour une fois, elle ne se sentait pas inquiétée, pas en danger, pas vigilante. Elle était apaisée, d'une certaine manière.

En sécurité, pour une raison qui lui échappait ; une sensation qu'elle n'avait plus ressentie depuis si longtemps qu'elle lui paraissait étrangère.
En sécurité, sous le regard de Edge.

Velvet purple
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A la question de Edge, Ceres se mit à rire, d'une mélodie tendre et insouciante, un peu décadente. Ce n'était pas l'adrénaline dont elle était en quête - Ceres chassait ses souvenirs. Ils lui glissaient toujours au bout des doigts, la hantaient quand elle avait le dos tourné, et dès qu'elle voulait leur faire face, ils s'évaporaient. Elle voulait ressentir ce qu'elle avait ressenti ; elle voulait se rappeler la douleur et se rappeler l'amour.

Car tous les jours, elle avait le sentiment d'avoir oublié. Et de temps en temps, sur une respiration ou l'autre, elle avait la sensation de le retrouver. Alors elle en voulait plus, toujours plus ; et n'était jamais rassasiée.

Elle tendit une main à Edge, se saisit de ses doigts pour l'emmener danser, comme à sa demande. Et à son corps enthousiaste qui partait conquérir la foule, elle se retourna vivement vers lui.

Tu te trompes, Edge.

Elle ferma les yeux, lui tourna le dos, pour ensuite revenir vers lui. La musique ressemblait davantage à du bruit, mais la farandole de Ceres était bel et bien une danse.

Je n'ai pas peur du danger, ou de mourir.

Elle avait peur de ne jamais pouvoir fermer les yeux, de ne jamais pouvoir respirer.

Tu ne t'es pas demandé pourquoi je voulais que ce soit toi qui me protèges ?

Pas un autre, pas une unité, pas un de ses sbires ; il fallait que ce soit Edge, et personne d'autre.

Pourquoi fallait-il que ce soit toi qui me surveilles ?

Elle virevolta à nouveau, se fit bousculer par l'un ou l'autre des corps environnants, un sourire sur le visage, avant de revenir, irrémédiablement, à lui.

Pas parce que je fuis le danger.

Pencha la tête, se rapprocha de son visage.

Mais parce que je le cherche.

Elle posa un doigt sur son torse, le désignant.
Le danger en satellite autour de lui, systématiquement.

Le but était de me protéger, certes. Mais étais-je seulement protégée ? Si c'était ma survie qui m'importait tant, je me serais enfuie plus loin, j'aurais cavalé, j'aurais erré. Et personne ne serait jamais parvenu à m'attraper.

C'était tout l'art de se téléporter.
Mais Ceres en avait assez de "survivre". Elle voulait ressentir.

Un jour, Frey Bowie viendra à moi. Elle voudra me tuer. Et j'ai l'intention de la laisser faire.

Sa voix était plus calme, la proximité entre elle et Edge lui permettait de ne pas tant hausser le ton.

Alors crois-moi, je n'ai pas peur de flirter avec la mort.