C'est déraisonné que je ressente un puissant sentiment de trahison maintenant que je suis fatigué d'avoir épuisé tout mon cerveau depuis que je suis gardé enfermé ici. Je me demande même si j'en ai le droit.
Je n'ai pas encore perdu la notion du temps, ni ne suis devenu complètement fou - en revanche, j'ai eu le temps de réfléchir.
Je ne suis pas attaché, ce qui fait que j'ai de la place pour faire de l'exercice, méditer ou encore tourner comme un lion en cage.
Je sais pourquoi je suis là, je ne me fais aucune illusion sur la suite des événements.

Il doit être assez tôt lorsque deux gorilles ouvre enfin ma cage et m'accompagnent jusqu'à ma future destination inconnue.
Je reçois quelques coups de l'un, plus pour la forme que dans la réelle volonté de me faire avancer, mais je ne bronche pas, sachant que ce genre d'homme de main n'hésitera pas à faire plus que le nécessaire juste par plaisir incompris.

Mes yeux ont du mal à s'accoutumer à la nouvelle clarté, pourtant si familière du couloir du QG des Carrot Cake, si bien que je dois mettre mon bras en visière pour me laisser le temps de m'habituer au changement d'environnement.
Enfin, je n'ai pas réellement le temps de trop m'inquiéter pour ma vision, car, dès lorsqu'on s'arrête, c'est avec ce qui me semble être un dernier battement que mon cœur cesse de fonctionner.

On est devant cette pièce... Bordel, dire que si je n'avais pas été dans les conduits...
Je fais tout pour retarder mes mouvements cette fois, mais on ne m'en laisse pas l'occasion, m'invitant à rentrer.

Je devine à quelle sauce je vais être mangé, et pourtant, c'est d'un naturel faussé que je me détends, semblant ignorer le visage de Kokoro qui en dit long sur son état actuel.  
Je fais ce qu'il me dit par mécanisme, oubliant presque mes longues heures tuées à réfléchir en un claquement de doigt.

- Je ne vois pas de quoi tu veux me parler, Kokoro.

Encore une fois, je nie l'évidence avec une telle facilité que je me doute qu'avec les informations que je sais qu'il a, je ne fais que mettre les feux aux poudres plutôt que d'au moins tenter de l'apaiser en dévoilant la vérité.

Le problème, c'est que j'ai peur d'en dire plus que nécessaire alors je choisis de décaler le problème à plus tard, ce qui me semble ridicule, même si je le fais quand même.
Je connais Kokoro mieux que quiconque. Pour dire, je le connais dans ses bons comme ses pires moments et je sais que ma réaction va plus l'agacer que l'apaiser, pourtant, je me laisse une chance, une chance de me dire que ma mission n'est pas encore terminée.  

Ma situation est un fardeau à elle seule et j'ai du mal à trouver une façon de lui montrer du respect pour notre amitié, pour tout ce que nous avons bâti jusque-là, malgré notre rupture, mais je me retrouve malheureusement à ne pas savoir quoi dire.
J'ai l'impression d'être autant à sa merci que je le suis de mon secret et c'est peut-être pour cette raison que même ce qu'il y avait de positif dans notre relation ne pourra pas rattraper ce qui semble me menacer.

Je n'ai pas envie de commencer la dispute, par prudence, mais je ne peux pas non plus faire comme s'il ne se passait rien.

- Je me sens tendu, je cherche à savoir ce qui se passe. Mes paroles se dirigent vers une solution facile pour contourner ce qui me dérange.
Pour une fois, je ne lui ai pas menti. Masquer ma faiblesse ne servirait à rien, car j'aurai l'air d'un con à lui dire que je rayonne alors que je le sais actuellement formel avec moi.
Même sans qu'il sache mes connaissances de l'utilité de la salle, mes précédents propos perdraient en crédibilité en niant un fait aussi simple que celui-là.

J'ai plus envie de récupérer les informations qu'en donner, alors que je me doute que c'est l'objet même de ma visite dans cette pièce.
Basiquement, j'ai peur que le ton montre trop vite, bien que je le laisse malgré moi, et sûrement pour la toute première fois depuis que nous sommes enfants, prendre le dessus sur la conversation.

J'imagine qu'il doit trouver sa position agréable, alors que je cherche juste un moyen de m'extirper de ce bourbier.
Cependant, je reste réaliste sur la conversation et j'anticipe déjà ce qui pourrait arriver de pire, car, ce n'est pas après 24h passé en isolement que Kokoro me laissera filer avec des réponses aussi légères à ses questions elles-mêmes à demi-mot.

Il me traque.
Le mec que j'ai devant moi n'est plus l'éventail d'un souvenir agréable du passé, une relation qui aurait pu être épargnée si j'avais été plus prudent ou comme avant.
Non, ce type-là, maintenant ; c'est mon ennemi.

Et je m'y étais préparé, pourtant.
Alors pourquoi je n'arrive toujours pas à digérer l'information ? Pourquoi je pense pouvoir sauver notre amitié alors que je l'ai moi-même brisée en acceptant la proposition de Cosmo ?

Je suis un traître - et un lâche...