C'est le corps exempt de saleté que tu te promènes le long du Parsec. Les yeux parfois vagabondent à ta gauche pour admirer nonchalamment les reflets brillants à la surface du canal. Le col de ta veste est remonté, de sorte à dissimuler les traits de ta mâchoire. Tes pas sont lents, comme si tu prenais le temps de profiter de chaque interaction possible avec le paysage autour de toi. Le talon qui claque sur le pavé, la chaleur du soleil qui s'échoue sur ton visage, le cri particulier des oiseaux en vol, et cette silhouette au loin qui te suit depuis maintenant des dizaines de minutes.

Oh, la petite souris pense que tu ne l'as pas remarqué. Tu te persuades d'être le seul à jouer - sans te douter qu'elle a deviné que tu l'entraines droit dans un piège. Car si tu as tourné à droite, puis à gauche, et que tu as descendu les marches qui mène aux quais, c'est dans une intention consciente de vous isoler.

Le com dans ta manche, tu envoies discrètement tes coordonnées à Grey afin qu'il vous trace en voiture, plus haut au niveau de la route. Tu ne sais pas à qui tu as à faire (une femme, en l'occurence) mais tu sais que le diable prend souvent la forme des faibles et des pieux.

Tu t'arrêtes, faisant face à une porte métallique donnant accès aux cabines de maintenance, tu y rentres sans trop attendre, laissant le battant entrouvert pour lui permettre de te rejoindre. Sous les combles humides et sombres, tu restes dos à elle, guettant l'ombre de sa silhouette embrasser la tienne quand elle rentre à son tour.

— « On s'est égaré et on cherche son chemin ? »

Tu te retournes pour la détailler, les paupières plissées et un léger sourire en coin. Aussi doux et bienveillant que tu puisses paraitre, et pourtant tu transpires en tout point la menace.

— « Tu me suis depuis la douzième. »

Ton sourire s'efface.

— « Ou était-ce déjà le cas quand tu es rentré chez le fleuriste, sur la huitième. »

Tu te mords la joue et enfonces tes ongles dans la paume de ta main. Tu ne supportes pas l'idée d'être traqué - surtout pour un traqueur né.

— « Peut-être même que tu me suis depuis que je suis sorti de chez moi. »

Et c'est un affront qu'elle t'oblige à punir.

Elle ne témoigne d'aucune crainte à ton égard. Tu ne sais pas si tu dois interpréter sa fausse innocence pour de la bêtise ou pour de la provocation. Lorsqu'elle se présente, tu hausses un sourcil. Le nom des Alucard ne t'est pas étranger, au contraire et... tu reconnais malgré l'obscurité les traits d'un visage connu, mais lointain. Oh toi l'amoureux des autres et surtout de tes ennemis... tu comprends faire face à une représentante des Carrot Cakes.

— « Maisie. »

Tu répètes le prénom entre tes lèvres pincées, avant qu'elles n'éclosent en un sourire charmant.

— « Ravissant. »

En retour à sa complaisance nauséabonde, tu n'affiches aucune émotion pouvant signifier qu'elle t'impressionne. Tu la méprises et ne t'en caches à peine. Si elle a compris que tu l'avais piégé, alors elle comprendra sans mal qu'elle n'est rien face à toi.

Elle s'approche et tu continues de la dévisager de haut, non sans sourire. Et ce qu'elle déclare te surprend tellement que tu te crispes entièrement. Plusieurs émotions traversent ton regard. Tu ne sais pas comment réagir, d'abord abasourdi... tu reprends vite contenance, t'étranglant d'un rire plus chevrotant qu'il n'y parait. Actives ta faculty encore et encore.

— « Je ne sais pas qui t'as raconté ces histoires... mais je devine que tu as parlé à mon frère. Ce sale rat est toujours prêt à me diffamer pour ne pas avoir à assumer ses péchés. »

C'est toi qui n'assume pas.

Tu ne comprends pas. Cela ne fait pas de sens. Etait-elle en train de te mentir ouvertement ? Oh, tu paierais cher pour déceler les mensonges, Cecil, car certains se révélaient plus forts que toi à ce petit jeu là. Tu plisses les yeux et la dévisages. Elle le savait avant d'en parler à Romeo. Elle a donc bien parlé à ton frère. Tu sens la colère et l'impatience gronder en ton fort intérieur.

— « Pourquoi as-tu cherché à rencontrer cet incapable en premier ? »

Pourquoi lui, quand on peut t'avoir toi ? Tu imagines d'un coup qu'elle ait pu le menacer. Tu décides d'enlever ta facutly pour mieux comprendre son mécanisme. Sûrement que la tienne empêche la sienne d'exister. Et si c'est un piège grossier, il ne te restera plus qu'à la tuer...

— « Je ne tronque pas tes souvenirs, non. »

Le fait qu'elle accuse Blanche aurait pu t'arranger, mais non. Tu es trop stimulé par la position du génie qui a tout manigancé. Pour une fois dans ta vie, tu veux qu'on te reconnaisse comme celui que tu es. Le victorieux et non la victime.

— « Ce n'est pas elle. »

Tu t'avances, aussi puissant que mystérieux.

— « Comment est-ce que tu le sais ? Dis-moi ton secret et je te dirais le mien. »

Peut-être.

Elle décrit avec aisance et sans peur les effets de ta faculty sur elle. Mais il n'existe de la confusion que lorsqu'on assiste directement à l'acte. Comment peut elle être persuadée de leur existence ? Elle n'y étais pas. Tu t'approches encore, presque menaçant. Tes doigts se lèvent vers ses épaules, prêts à l'enserrer (prêt à l'agresser) quand elle joint ses mains dans un mouvement si brusque que tu en viens à sursauter.

C'est merveilleux !
Tu écarquilles les yeux, décontenancé par son enthousiasme. Ton regard s'illumine ensuite d'un intérêt nouveau. Tu l'écoutes te demander de le refaire... tu fronces les sourcils. Puis c'est le nom de Molly qui s'échappe d'entre ses fines lèvres et tu comprends. Tu comprends qu'elle sait tout.

Elle dit voir tes vices, tout ce qui fait de toi un être mauvais. Tu restes en suspens, le souffle en otage dans ta bouche comprimée. Elle est le jugement... et elle te trouve... exceptionnel.

— « Je- »

Toute la tension s'évacue, de tes épaules qui s'affaissent à ta grimace qui disparait. Tu la contemples comme une merveille du monde. Même Samael n'a pas réussi à te faire cet effet la première fois que tu l'as vu.

— « Exceptionnel, tu dis ? »

Ton coeur se réchauffe. C'est ça, c'est ça ! C'est ce que tu veux être... c'est ce que tu es, et que tu ne peux partager à personne.

Hm. Tu dois maintenant tenir ta promesse.
Mais tu ne les tiens jamais vraiment, si ? Elle te ressemble trait pour traitre. Tu ne dois pas lui faire confiance, et ce malgré le cadeau inestimable qu'elle t'a fait.

— « Je peux... agir sans conséquences. »

Tu étires un sourire mystérieux.

— « Et je choisis un bouc émissaire. »

Tu penches la tête sur le côté, curieux.

— « Est-ce que ça te plait aussi, de voir leur visage se tordre de douleur ? »

Une question qui te parait naturel, parce qu'elle a le même sourire que toi quand tu te regardes dans un miroir.

Le sourire, lentement s'amenuise. Tu la contemples comme une curiosité étrange. Tu as pris un risque de lui révéler ta vraie nature - mais cette femme semble en connaitre déjà toutes les coutures. Tu aurais peut-être aimé que quelqu'un comprenne ce penchant sordide pour les autres, merveilleux pour Samael, de voir de la beauté pure au travers de la douleur.

Mésange Hortense Alucard, comme elle s'est elle même présentée, te dicte avec quelles intentions ennuyeuses, elle a planifié de te tester. Tu l'écoutes sobrement, sans réellement réagir. Évidemment, elle te flatte. Évidemment, elle te couronne, te pare d'un charisme intelligible que tu es fier d'incarner.

Vois ça comme une déclaration d'amour. Tu hausses un sourcil ; intrigué mais surtout secrètement passionné... mais elle se rattrape bien vite. Elle déteste les gens qui s'aiment. Tu te sens obligé de préciser.

— « Je ne suis pas sûr d'être capable d'aimer comme les autres. »

Tu étires un sourire doux à cette réflexion. C'est la stricte vérité, mais jamais tu ne l'avais verbalisé à voix haute.
Mais elle continue de parler, cette Maisie. Elle aborde des sujets trop importants à tes yeux : la loyauté et la dévotion. C'est qu'on t'a plus souvent servi que trahi ; et ceux qui t'ont trahi ne sont plus là pour le dire.

— « Je t'écoute. »

Le temps est en suspens. Elle aussi a réussit l'exploit de te créer des attentes. Qu'est-ce qui pourrait bien mériter la loyauté de Miss Alucard ?

— « Oh. »

Tu penches la tête sur le côté pour étouffer un rire cristallin et macabre.

— « Oui, je vois. »

Écartes les bras avec légereté, comme une évidence.

— « Tout. Je veux tout. »

Tout posséder.
Tout détruire.
Pour régner sur tout ou pire.