Petit prince arborant fièrement une couronne de papier incrustée d’illusion, tu brilles Marius. Tu brilles presque aussi fort que tes fantasmes. Tu te plais à pavaner dans ton plus bel apparat et à crier partout que tu es le roi de ce monde.

Empereur d’un royaume chimérique empli de solitude, tu dissimules tes peines dans ton inconscient fantasmagorique. Brandissant ton narcissisme comme un écu doré afin de parer les agressions du monde réel.

Qu’importe comment les autres te traitent, leurs actions et leurs mots passent inéluctablement par le tamis de ton monde utopique.
Souverain loyal, brave et juste, tu n’es pas toujours le seul à penser que tu es digne de ce rang.

Tu es un soleil éclairant les plaines sombres de ton cœur. Espérant désormais, ne plus être le seul astre pouvant le réchauffer.

Deux hommes se tiennent au bout d’une immense salle faîte de pierre grisâtre. Cette dernière est divisée en deux par un long tapis pourpre brodé d’or, qui remonte jusqu’à une dizaine de marche en marbre. Le plus jeune se tient nonchalamment assis sur un splendide siège en ébène ornementé de sculptures recouvertes de feuilles d’or. On note la présence d'une couronne tout aussi abondante qui se tient de travers entre ses boucles platines. Le second, au visage plus marquée et plus ancien, porte une longue robe verte cousue de fil d'argent, d’allure beaucoup plus modeste.

“Vous pouvez être fier de vous mon Prince. Vous vous êtes montré compréhensible avec votre peuple aujourd’hui. Vous ne vous êtes mentionné vous-même que quarante-deux fois sur les dix-huit doléances de ce matin.”

Le souverain se tourna alors vers l’autre homme.

“Je ne vois pas en quoi cela consiste en une quelconque amélioration Jasper. Toutes ces personnes ont une vie tellement ennuyante et triste. Ils ont besoin de m’entendre conter mes fabuleux récits pour voir à quelle point la vie peut être merveilleuse.

Il se leva d’un bon et brandit son épée hors de son fourreau de cuir.

""Comme la fois où j’ai tranché la tête de cet hérétique Roi du Nord d’un seul coup de lame bien placé."

Il trancha l’air avec son sabre.

""Sa tête roulait ensuite sur le sol terreux des grandes plaines. Ce même sol où ses troupes prêtèrent serment à mon immensité quelques minutes plus tard."

Il se retourna vers l'homme en vert, les yeux brillant de passion pour son récit.

“Ou encore la fois où j’ai repoussé seul l’envahissement de notre précieux royaume par les pilleurs du désert. Ces êtres avides de meurtre et d’argent qui auraient pu asservir notre capital toute entière si je ne leur avais pas montré toute l'étendue de ma grandeur. Je m’en souviens encore comme si c’était hier."

Il se mit alors de profil et tourna lentement sur lui-même. L’homme en vert récitant à voix quasi-éteinte les mêmes paroles, comme s'il connaissait cette histoire par cœur lui aussi.

“L’air était lourd et sec ce jour-là. Ils étaient tous là à l’entrée de la ville, une vingtaine de guerriers prêts à en découdre. J’étais seul, la garde royale ayant dû quitter la ville pour aider les villages voisins attaqués par leurs alliés. Je pris alors une grande inspiration avant de me jeter dans la mêlée. Un coup à gauche, woosh, un coup à droit, woosh, un coup de pied en face, sbam, esquive sur la droite wishh !”

Il mimait la scène avec son épée en ajoutant des effets sonores, comme dans les vieux spectacles ringards. Pendant ce temps-là, l'homme en vert ne mimait plus les paroles et poussait à la place un léger soupir, les yeux las devant ce tableau qu’il semblait avoir vu à de trop nombreuses reprises.

“Monsieur, monsieur", s'avança-t-il prudemment la main levée, comme quand on veut interrompre un enfant turbulent. Le guerrier ralentit alors ses coups de lame frénétiques.

“Je ne le sais que trop bien et votre peuple aussi. Vous êtes un héros aux yeux de tous, indiscutablement”, il se rapprocha de son interlocuteur, maintenant qu'il ne représentait plus un danger mortel.

“Cependant, les citoyens ont parfois besoin d’entendre que l’on comprend leur problème et qu’on va les considérer avec la plus grande importance. Cela aussi “nuls” peuvent-ils être. Comme vous l’avez si bien dit tout à l'heure à cette charmante vendeuse de légumes...”

“En même temps, c’était vraiment très très nul comme problème. Qui trouverait intéressant des histoires de carottes ?”

“Probablement, probablement, mais il faut parfois savoir faire quelque peu semblant pour être un peu plus apprécié, vous comprenez ?”

“Vous voulez dire que tous ces gens, ce qu’ils aiment, c’est le mensonge ?”

“Euh… en quelques sortes, oui, mais pas tout à fait”

“Arg, ça me dégoute encore plus. Ne comptez pas sur moi pour me soumettre à leurs péchés immondes. Je suis bon et digne et compte bien le rester”

Il rengaina son épée et retourna s'asseoir.

“Bon, tant pis on retentera encore une prochaine fois.” finit par lâcher tout bas l’homme en vert.

“Et Jasper ?”

“Oui mon prince.”

“Avons-nous reçu une missive de père aujourd'hui ?”

“Non malheureusement mon jeune souverain. Le roi de la Terre doit probablement être très occupé vous savez. C’est d’ailleurs pour cela qu’il vous a nommé souverain de Mars, afin de gérer ce royaume à sa place.”

Un sentiment de déception apparût alors sur le visage du Prince. Le conseiller y voyait également des traits marqués de solitude et de lassitude. Ce dernier l’avait élevé et éduqué depuis son plus jeune âge et savait ce qu’il lui traversait l’esprit en ce moment précis.

“Vous savez monsieur” fit-il, en regagnant sa place initiale. “Il n’y a pas un jour qui passe sans que la Reine me manque à moi aussi. Mais, tous les matins, je me rassure en me disant qu’elle serait terriblement fière de la personne que vous êtes devenue. Certes, vous n’êtes peut être pas fait pour la diplomatie ou la sociologie, mais vous protégez et veillez sur toutes ces personnes, comme si elles faisaient partie intégrante de votre famille. Et selon ses mots…”

“... c’est là, que réside la qualité primordiale d’un bon roi !”, compléta le suzerain aux boucles dorées, les yeux humides.

Un silence envahit la pièce. Après quelques longues secondes vierges, le prince secoua finalement la tête avant de se lever, les mains sur les hanches, en vociférant :

"Jasper ! Fait-donc entrer le reste de la plèbe ! Ils doivent mourir d’impatience de faire la rencontre de leur grandiose majesté !"

L’homme en vert sourit largement, satisfait de cette réponse, avant de se diriger vers la grande porte en bois massive.

...

“Monsieur Lamour, monsieur Lamour”

Marius ouvrit les yeux. Devant son visage se trouvait un très ravissant jeune homme habillé de son plus beau sourire et d’un ravissant uniforme bleu roi.

“Nous arrivons sur Mars dans quelques minutes. Si cela ne vous dérange pas, il faudrait que vous rattachiez votre ceinture.”

Marius se rassit correctement dans son siège et hocha la tête, un rictus légèrement séducteur sur les lèvres. A travers son hublot, il percevait désormais distinctement les pigments rouges de la planète du dieu guerrier

“Je vais enfin pouvoir rencontrer mon peuple !”

résumé

1996— Marius naît fils unique d'un père ingénieur dans le domaine de l'eau et d'une mère professeure en langue étrangère 2006— sa mère décède d'un cancer du sein à 36 ans, Marius en avait alors 10 2006-2008— Le père de Marius s'enferme totalement dans son travail, pendant que Marius, désormais seul, sombre dans son monde imaginaire pour se protéger. Il ne rentre plus dans les normes stupides de la société et commence à se faire harceler à l'école. 2010— son père invente avec ses associés un système révolutionnaire de traitement des eaux usés qui s'implante sur Terre et sur Mars pour remplacer les systèmes obsolètes. La famille Lamour devient très riche. 2010-2014— Marius s’habitue à cette vie de facilité et d’abondance. Il est désormais à nouveau entouré. Bien sûr, Marius ne voit pas la nature charognarde de ces individus, bien trop déformée par son prisme cérébral. Il finira par subir une multitude de déception et d’arnaque en tout genre. Bien qu’un peu dépassé par tout cela, son père tente tant bien que mal d’améliorer les relations de son fils avec le monde extérieur. Cela conduit involontairement à son isolement dans une sorte de cage dorée dont ils ont pourtant tous les deux la clé. 2015—  Marius est nommé fictivement "responsable commerciale" par son père au sein de son entreprise dans l'espoir de le responsabiliser. 2017— Son père transfert le poste de Marius sur Mars, après l'échec total des dernières dispositions. Il en est persuadé la Terre ne pourra jamais apporter le bonheur à son fils. Il repose alors tous ses espoirs sur la planète rouge. 2018— Envahit par la solitude et la monotonie Marius décide de rejoindre les BB. Il choisit ce gang par rapport à leur idéal de loyauté et en espérant y trouver enfin une famille qui l'apprécie pour ce qu'il est réellement. Cela sera d'ailleurs le cas, même si, ils sont souvent envie de s'en débarrasser...