☽ Né d'une mère turc et d'un père chinois. Il vit à Hong-Kong avec ses deux parents, tout se déroule convenablement. Il est un élève agréable et attentif à l'écoute, à la maison c'est un bon garçon. Il fait l'honneur de sa famille, ne déroge pas aux règles, il suit le mouvement de ses camarades.

☽ A ses dix ans, sa mère décède d'un cancer du poumon foudroyant. Personne ne s'y attendait, certainement pas Dante. Les relations se tendent entre lui et son père, ils n'ont jamais été vraiment proches et ça se ressent uniquement maintenant. Le jeune garçon était très proche de sa mère, ils passaient beaucoup de temps ensembles (si ce n'est la majorité de ses journées lorsqu'il n'avait pas école).
Son père devient plus dur, exige plus de choses de son enfant et celui-ci écoute malgré tout, parce qu'il sait que c'est ce qu'aurait voulu sa mère.

☽ Les choses ne vont plus à la maison, l'école quant à elle, il suit, parce qu'il a besoin d'une stabilité quelque part depuis qu'elle a quitté son foyer. Son père est abrupte, violente, il ne se retient plus avec son fils, lui rappelle qu'il est une plaie, que ses efforts ne sont plus suffisants, qu'il va devoir travailler s'il veut rester sous son toit. Alors Dante trouve un travail à ses seize ans, dans un petit supermarché près de chez lui. Il y a travaille le soir, entre 18h et 23h et y termine ses devoirs. La fatigue commence à se faire ressentir, son argent termine très souvent dans les poches de son père mais il est usé Dante. Il n'a pas envie de se battre.
Alors il joue le jeu. La rage commence à lui brûler l'estomac. La colère parcourt ses veines, lui laisse les yeux ouverts la nuit. Il n'arrive plus à dormir, les choses tournent en boucle dans sa tête. Putain faites que ça s'arrête.

☽ Dante s'épuise. Peut-être trop. Mais la fureur elle, elle continue de s'alimenter dans son être, elle grandit, s'embrase, se prépare à sortir, à être tyrannique et incurable, repoussante, pas regardable. Prête à tout dévaster sur son chemin.

☽ Puis il a 18 ans Dante. Il a grandit depuis. Il se dit que peut-être, il serait temps de partir, de s'échapper de cette vie. Alors il fait ses affaires, rassemble ses quelques vêtements dans un sac, les quelques souvenances de sa mère et il prend un vol pour la Catalogne. Dante s'installe à Barcelone, d'abord dans un hôtel puis il cherche un appartement, une colocation, qu'importe. Il a besoin d'un endroit où vivre. Il a de bonnes bases en espagnol et en catalan, il a appris sur internet puis il apprendra ce qu'il ne sait pas sur le tas, comme tout le monde.

☽ L'adaptation d'une nouvelle vie se déroule, elle suit le cours des choses. Dante va à l'université, il suit des études de lettres, ça l'intéresse, il aime lire, il aime écouter les chapitres de ces auteurs encore inconnus à ses oreilles. Et puis en dehors des cours on lui parle d'un club, là où on peut faire des paris, où on peut se mesurer à d'autres types, que ce soit du poker à la baston, qu'il pourrait se faire un peu de blé. Parce que c'est vrai, t'es un peu juste Dante. La vie n'est pas la plus chère au monde, mais elle reste coûteuse. Alors il accepte, il suit ce pote qu'il s'est fait en allant à la salle de sport pour se muscler, penser à autre chose que la colère qui continue de patauger dans son corps.

☽ Un club dans une ruelle étroite, une ruelle sombre qu'on ne remarque qu'à peine si on ne la connaît pas. Des trucs illégaux, des trucs qui paraissent incroyables aux yeux de Dante. Merde. Ce que c'est cool. Dante c'est un petit voleur, son pote le sait, il l'a déjà surpris à faire les poches de certains camarades, alors ici il pourrait faire pareil. Ils pourraient être comme un duo, l'un pille et l'autre fait diversion, ça semble être bien, comme idée. Alors il accepte, ce grand sourire aux lèvres.

☽ Les bonnes choses ne durent qu'un temps. Et ça, Dante ne l'avait pas vu venir. Parce que depuis deux ans, tout va bien. Tout roule. Il s'épanouit, il se fait un petit nom. Il a prit goût au poker la nuit, aux parties de cartes avec des énormes paris sur la table. Avoir une carte dans sa manche, sous sa paume, distraire les regards pour mieux en profiter. Puis les combats aux poings dans la cours arrière, il essaie de s'y faire Dante, mais c'est compliqué. Il n'est pas spécialement fort, pas spécialement robuste, mais la colère qui l'anime elle, elle est bien présente, ça le fait tenir malgré les frappes titanesques de ses adversaires, malgré le goût du métal qui obstrue la salive dans sa gorge.  Il s'y fait, il s'améliore, il apprend à se battre, à aménager cette rage, à s'en servir pour sévir contre les autres, à sortir en toute discrétion une arme de sa poche pour l'utiliser contre, comme s'il ne s'était rien passé.

☽ Dante il est devenu trop sûr de lui, comme si le monde n'était pas prêt à l'affronter. Qu'il pouvait l'abattre d'un revers de main, d'un souffle trop fort. Mais ce jour-là, ce n'est pas arrivé. Il s'en est prit aux mauvais joueurs, aux mauvaises personnes. Sa main a terminé là où elle n'aurait pas dû, dans les poches de ce type un peu trop blindé, un peu trop affluent. Et en retour, on lui a tout prit, on l'a laissé au coin de la rue, le visage meurtri, le corps tuméfié et cette fureur qui ne cesse de s'enflammer. Comme un brasier qu'on ne contrôle plus.

☽ Il est enragé, Dante. Il ne décolère pas dans cette rue, il hurle à pleins poumons que Putain, bande d'enc-és, qu'il va les retrouver et les défoncer un par un. Puis un type se fout de sa gueule de l'autre côté de la rue, lui demande pourquoi un merdeux comme lui en veut autant à la terre entière. Alors Dante il lui demande de répéter, il l'affronte du regard, le bouscule. Et puis ça dérape. Il ne s'en rend même pas compte.

☽ Ses paupières s'ouvrent et ce sont les mains glacés par le sang qu'il découvre, le corps inerte en face de lui. Merde. Il part, il fuit, il décampe. Il s'enferme dans son appartement Dante. Putain, il a que 20 ans, merde. La police le retrouve plus tard, il doit s'expliquer. Il le fera.

☽ Il ne gagne pas le procès, on fait passer ça pour un homicide involontaire. Dante fait passer ses blessures comme si c'était lui qui les avaient faites, comme  si c'était sa faute, qu'il n'avait fait que se rendre. Il termine en prison malgré tout. Il en a pour trois ans, peut-être moins, il en sait rien.

☽ En prison il ne se fait pas discret, loin de là. Il se fait une petite réputation de dur à cuir, parce qu'il encaisse les coups, il sait les rendre, il connaît des ruses Dante pour s'en sortir. Alors il s'en sort. Il a de nouveaux tatouages qu'il ne saurait expliqué, il ne représente rien de bien sincère à ses yeux. Ils sont là pour lui rappeler simplement qu'il est en vie.

☽ Il commence à ravaler sa propre empathie, il commence à s'oublier, Dante. Il en oublie même sa mère et lorsqu'il y pense, c'est l'amertume qui vient faire des relents dans sa gorge, qui bousille son cœur, qui le fait vriller. Alors Dante il apprend, il se laisse sombrer, n'y pense plus. Il n'y aura plus rien à sauver à l'extérieur, ni les apparences, ni sa famille.

☽ Et puis Dante il continue ses malices, ses méfaits. Il devient plus agressifs avec ses camarades, il veut toujours prouver plus, qu'il veut aller plus loin. Il n'hésite pas à se montrer violent, à prendre ce qui n'est pas à lui, à s'immiscer, à montrer qui I, dans ce quartier, c'est lui qui décide. Puis il pense, Dante il se dit que peut-être, il pourrait faire ci ou ça, pour avoir plus d'ampleur dans la prison. Que ces putains de gardiens aient peur, quand il le voit lui et ses camarades. Alors il y pense. Puis il le fait.
Il ne se doutait pas des conséquences Dante. Il y pensait pas, qu'elles seraient aussi lourdes. Il essaie de tuer un gardien, il y arrive. Comme un acte de rébellion, il veut prouver des choses Dante. Montrer que lui, il est là.  Que lui, il va faire changer les choses, que ces putains de gardiens lui doivent du respect, que c'est pas un clébard. Pourtant.

☽ C'est la perpétuité qui attend Dante. La peine maximal pour avoir tué un gardien, il échappe de peu à la peine de mort. Il la frôle.

☽ Aujourd'hui il est aux services des BR et si au départ on le pensait docile, on s'est vite rendu compte qu'en dehors de son aptitude à ouvrir un peu trop sa gueule, Dante, il n'en fait qu'à sa tête mais on lui a proposé la liberté. Ne plus croupir dans sa cellule, car il ne reverra probablement pas la couleur du ciel pendant longtemps. Alors il a accepté par dépit.

☽ Puis il est mort Dante. Dès le deuxième mois sur Mars. L'orgueil lui a coûté cher. Un coup mal placé, en plein dans le cœur, un combat qui devait être loyal mais il ne l'a pas vu venir, qu'il n'y avait pas que lui, qui pouvait être sournois. Il s'est réveillé Dante, la douleur dans la poitrine, dans la tête, dans les membres. Il a voulu crier, et il n'a jamais pu.