Une ombre. Asterion est une ombre silencieuse. Docile. Sage. Il parle doucement, il se déplace avec délicatesse. Il n’est pas facile d’être son ami, il n’est pas facile de parler avec lui, parce qu’il ne dit rien. Rien d’important. Rien d’intéressant. Le silence est son ami. Le silence, c’est ce qui lui permet de continuer. Observateur, il passe des heures à regarder le monde qui l’entoure, à apprendre, à amasser autant de connaissances que possible. Tout un monde qui lui a été volé, une éternité de souvenirs, et il veut tout apprendre, tout savoir, tout connaître. Il veut des listes de toutes les plantes qui existent dans le monde, de tous les oiseaux sur Terre. Il veut des centaines de livres, des dizaines de collections. Il veut voir, s’émerveiller, de chaque chose créée dans ce monde.
L’ombre de lui-même. Effrayé. Terrifié. En permanence. Asterion a peur du monde entier. Il a peur de ce qui est fort, de ce qui est puissant. Il a peur de se blesser. Il a peur de s’attacher, de souffrir. Il a peur des gens qui parlent fort, il a peur de l’ivresse, il a peur des grandes fêtes. Il a peur de sa
faculty. Il a peur d’être abandonné, délaissé, ignoré. Il a peur d’être entouré et il a peur d’être seul. Mais quand tout est effrayant, rien n’est effrayant. Serpillère humaine, n’importe qui qui parlerait avec une grosse voix pourrait le forcer à faire n’importe quoi. A se mettre en danger. A se plier à ses quatres volontés. Obéissant. Docile. Mais pour qu’il ouvre la bouche et laisse échapper ce qu’il sait, il faudra déchaîner plus que les enfers sur lui : il faudra un miracle.
La confiance d’Asterion est difficile à obtenir. Mais une fois qu’elle l’a été, l’ombre n’existe plus. Il est une autre personne, capable d’être au moins un peu lui-même. Il aime les plaisirs simples, la bonne nourriture et les bains chauds. Il n’a pas honte de ce qu’il aime. Il aime paresser, observer les étoiles, lire des livres et s’enfuir dans son imagination. Il aime se faire passer pour ce qu’il n’est pas, se changer en une autre personne, tromper ses adversaires, vaincre, surmonter les difficultés, courir en pleine nuit et bondir de bâtiment en bâtiment. Il aime les vêtements doux et les peluches. Il aime dessiner, s’exprimer sur papier ou sur la peau des autres. Son art, oui, c’est parfois l’essence même de sa vie. Il se plonge dans son œuvre, quelle qu’elle soit, au point d’en oublier le temps et le monde qui l’entoure. Et il veut aimer ce monde, lui offrir tout son bonheur.
Et tout détruire.
La colère. Elle est sournoise mais bien présente, au plus profond de son coeur. Cachée sous des couches et des couches de douceurs. La colère de toutes ces souffrances, de ces injustices. La colère qui lui donne envie de hurler jusqu’à ne plus avoir de voix. Disparaissez tous. C’est tout ce que vous méritez. Et s’il peut mettre fin à la souffrance de cette ville, de toutes les villes, du monde entier, même par une seule action, il en sera ravi.
Qualités Loyal Calme Attentif Discret Appliqué Bienveillant | Défauts Peureux Indécis Manipulateur Apathique Cachottier Docile |
I don’t remember.
Une page blanche, voilà ce qu’il était en ouvrant les yeux. Une main posée sur sa tête, des voix.
Il reprend connaissance. Silence… silence… Son crâne allait exploser.
Il a perdu tellement de sang. Incapable de bouger. Pourtant, il se déplaçait. Les lumières au-dessus de lui tremblaient. Le sol sous son dos bougeait. Etait-ce le sol ?
Vous m’entendez ? Aucune envie de répondre. Des lèvres entrouvertes, et aucun son. Et puis, comme un sifflement tout droit sortit des poumons, un faible gémissement, plainte douloureuse. Le chant d’un homme qui se meurt.
I don’t remember.
L’hôpital et ses couleurs trop blanches. Il en avait la nausée à chaque instant. Combien de jours passés allongé ? Chaque mouvement semblait être une torture. Tous les médecins y étaient entré et ressorti. Chacun y allait de son commentaire, de ses questions. Mais il restait un mystère pour tous. Un fantôme. Celui que personne ne connaissait. Et toutes ces journées à regarder le plafond ne lui apportèrent rien de plus qu’un bref répit.
Quel est votre nom ? Où habitez-vous ? Que vous est-il arrivé ? Quel âge avez-vous ? Est-ce que vous-vous souvenez de quelque chose ? Et un seul mot qui réussit à franchir ses lèvres :
Asterion.
I don’t remember.
Dénutri, faible. Beaucoup d’hypothèses étaient exprimées sur ce qui avait pu lui arriver, mais aucune confirmation. Des cicatrices, vieilles et jeunes. Un jeune homme maltraité, sans aucun doute. Une identité que personne ne connaissait, une existence qui n’avait jamais eu lieu.
Asterion, qui es-tu ? Que t'est-il arrivé ? Il n’en savait absolument rien. Et personne n’en savait rien.
I don’t remember.
Une apparition, comme s’il n’avait jamais vécu avant ce jour. Lentement, heure après heure, jour après jour, il réapprit à marcher, à parler. A vivre. Il voulait vivre, Asterion. Vivre, à n’importe quel prix. Exister. S’il n’avait aucune identité, il pouvait être n’importe qui. S’il pouvait être n’importe qui, il ne serait personne. Ou tout le monde. Qu’est-ce qu’iels allaient bien pouvoir faire de lui ? L’envoyer à l’école ? A son âge ? Lui trouver un tuteur ?
I don’t remember.
Sage et silencieux. Deux mots parfaits pour le décrire. A la surprise de tout le monde, il n’était pas une coquille vide, un revenu d’entre les morts. Contre toute attente, il avait survécu jusque-là.
Apprenez-moi. Apprenez-moi le monde, apprenez-moi la vie. Il avait soif de connaissance, de savoir. Soif de vivre. De trouver sa place. Une place. N’importe quelle place.
I don’t remember.
Quoi qu’il lui soit arrivé, ça ne devait plus arriver. On ne lui mettrait pas la main dessus. Il refusait de se faire attraper. S’il devait courir toute sa vie, alors il allait courir. A n’importe quel prix.
I don’t remember.
Courir. C’était devenu une habitude. Courir dans les rues, courir dans les airs. Bondir, escalader. Asterion était devenu, jour après jour, une véritable ombre dans la ville. Un monde entier de découvertes devant lui, et de dangers. Des mois à observer, à écouter. En enchaînant les petits boulots, les petits jobs plus ou moins légaux, à vivre de morceaux de pain, de bric et de broc. A survivre. Libre.
I don’t remember.
Un tuteur, ce n’était pas vraiment ça qu’il avait trouvé. Lorsqu’il le pouvait, il dessinait ce qu’il pouvait observer en haut d’un toit, en haut d’une vie. Et il n’y avait qu’un aveugle pour ne pas s’en rendre compte : le petit avait un don. Un don aux doigts d’or et d’argent. Les portraits de rue et les grands artistes ne l’intéressaient pas. Il ne voulait pas être vu, il ne voulait pas être visible. Mais de murmure en murmure, il finit par se trouver une petite place, dans un quartier mal éclairé, à apprendre à imprimer, dans l’ombre, l’encre noire sur toutes les peaux. Il n’hésita pas à cacher ses propres cicatrices sous l’encre. Une encore noire et colorée, des décors sublimes sans aucun symbole. Un visuel magnifique, aucune saveur. Un sublime emballage, mais aucun chocolat à l’intérieur.
I don’t remember.
Un carnet et un crayon, assis par terre. C’était tout ce qu’il restait de l’humain perdu. Il dessinait la vie, espérant peut-être y retrouver quelque chose. Un souvenir. N’importe lequel. En vain. Mais s’il ne pouvait pas retrouver son passé, peut-être pourrait-il y trouver son futur. Sky. Une tête blonde et amicale. Une migraine ambulante pour lui, une bulle de calme pour elle, sans doute. Asterion n’était pas là pour juger les choix de qui que ce soit. Comment l’aurait-il pu ? Il n’était pas même capable de juger ses propres choix passés : il n’avait même pas conscience des choix qu’il avait pu faire, ou ne pas faire. Mais sa présence à ses côtés était agréable, et au fil des jours, des mois, des années, cette existence devint… une amitié. Quelque chose comme ça.
I don’t remember.
Incontrôlable. Cette capacité toujours aussi pénible, avalant tout sur son passage et le laissant toujours plus démuni. Le nez en sang, assis contre le mur d’un bâtiment. Encore une trahison, hein ? De lui-même, par lui-même. Toujours la mauvaise personne. Toujours au mauvais moment. Il fallait vraiment qu’il apprenne à ne pas se faire avoir.
I don’t… remember.
Non. Il ne se souvenait vraiment de rien. Ni de son nom, ni de son passé. Lewis ? Mauvaise idée. T’es super, tu sais. Mais s’il fait une connerie, s’il se retrouve encore dans des ennuis, ça te retombera dessus. Wiels. Mh. Ok, pourquoi pas. Wiels. C’est bien, Wiels.
I… don’t… remember.
Il était juste jaloux. Asterion en était conscient. Jaloux que son élève, son employé, soit meilleur que lui. Et maintenant, l’oiseau perdu était dans la rue ; sans job, sans lieu où dormir, et bientôt sans rien à manger. Alors l’ange blond était arrivé presque comme un miracle. Acid, truc ? Mh. Ok, pourquoi pas. Acid Smoothie, pourquoi pas.
I don’t… want to remember.
Une grande fête. Voilà le genre d'endroit où il n'était pas à l'aise. Des sourires. De l'alcool. Des camarades. Une liste infinie de noms qu'il pouvait reconnaître, une liste interminable de
faculty qu'il pourrait dérober sans le moindre effort. Et sans le faire exprès. Faire bonne figure.
Êtes-vous bien sûr qu'il est fait pour ça ? Qu'il mérite sa place ? Des murmures. Tout va bien. Tout va bien.
Il n'a rien à faire ici. La tête qui tourne, les yeux qui se ferment. Les fêtes, ça n'avait jamais été son fort. Trop de monde. Des silhouettes inconnues. Inconnues ? Familièrement inconnues. Des questions, des menaces. Et Asterion, le silence. Entre les nausées et les hauts-le-coeur, les fourmillements dans tout le corps et l'envie de fuir à toutes jambes... le silence. Le silence absolu. Existe-t-il une chose suceptible de terrifier une telle créature ? Oh, si seulement vous saviez. Tout est terrifiant. Si tout est terrifiant, rien n'est terrifiant. Sourire à des inconnus avec un verre d'alcool en main, c'était tout aussi terrifiant que de se faire kidnapper. Le regard tremblant. Et les lèvres scellées. Est-ce qu'il va être torturé maintenant ? Pour des infos ? Ah, s'il avait sû qu'il allait mourir ce soir, il aurait picolé plus que ça, pour rien sentir.
Faut pas mentir, Asterion. Si tu mens, Sky aura une migraine. Elle aime pas les mensonges. Si elle apprend que t'as menti, elle va se fâcher. S'il faut pas mentir, alors il vaut mieux rien dire. Attend que ça passe. Gémit. Serre les dents. Mais garde tout ce que tu sais dans ta tête. Et surtout, surtout, contrôle ta
faculty. Contrôle-toi. Hurle. Pleure. Mais contrôle-toi. Comme si ta vie en dépendait. Est-ce que ta vie en dépend ? Aucune réponse. Attend la mort. Tu rejoindras Sky après, hein ? Elle t'apprendra à vivre après une mort. Si tu l'ouvres, peu importe l'information qui te sera arrachée, ce sera une de trop.
Et tu veux rester avec eux, pas vrai ? C'est un peu ta famille, maintenant. Tu sais pas trop ce que c'est, la famille. Mais ça aussi, tu veux l'apprendre avec eux. Alors ne dis rien.I don’t… want to remember.
Une paire d’yeux qui avait vu peu de pays, mais beaucoup de choses. Trop de choses. Des choses qu’on préfère oublier. Des choses qui empêchent de dormir, parfois. Cette nouvelle vie qu’il s’était créé par lui-même, elle était loin d’être idéale. Elle le faisait bouillir de colère, d’injustice. A l’intérieur. Très profondément à l’intérieur. Et malgré tout ce qu’il avait pu voir, humer, ressentir… rien ne semblait être assez horrible pour lui rappeler son passé, ou lui faire oublier son présent.
A quoi donc ressemblait sa vie d’avant pour qu’il en arrive à en perdre tout souvenir ?
I’m scared to remember.
Ferme les yeux. Oublie. Garde tout en toi. Et ne te souviens jamais. Je vous en supplie, ne revenez jamais. Disparaissez pour toujours. Pour toujours.
résumé | OCT. 1999— Naissance FEV. 2014— (15 ans) Début de ses souvenirs Début 2016— (16 ans - 2 ans) Devient apprenti tatoueur Fin 2016— (17 ans - 2 ans) Rencontre Skylar qui finit par lui donner un nom Fin 2017— (18 ans - 3 ans) Entre chez Acid Smoothie sur recommendation de Sky, espérant continuer à tatouer MAR. 2020— (20 ans - 6 ans) Devient informateur pour le gang |