Penthouse de Caelus
Réapparition suite à la mort de Blanche dans "aucun lendemain"

Elle n'entendit plus le fracas de son crâne contre les débris de verre, contre le sol, et les coups qui faisaient vrombir l'intérieur, à en devenir sourde. Elle n'entendit plus que son propre silence et une immensité affligeante muette de toute présence. Elle n'entendit plus son coeur dans sa poitrine, elle n'entendit plus son souffle faire grandir ses poumons, elle n'entendit plus rien que le croassement écoeurant d'un oiseau malade.

Il battait des ailes faiblement. Et les jambes de Blanche, tout à coup très légères, se grandirent pour la guider à la poursuite du volatile. Le corbeau la guida dans les ténèbres.

Attends !

Le bras se leva mais elle n'en effleura pas même les plumes. Elle se persuadait qu'elle courait mais son corps était lourd et elle s'imaginait faire du surplace.

Attends, attends !

Le corbeau avait déjà volé plus loin et ne l'avait pas attendue. Alors Blanche se retrouva seule, et hoqueta.

Ne m'abandonne pas...

Un long silence, interminable désert sonore, la gagna. Et elle ne sut s'il s'agissait d'heures, de secondes, de jours, de semaines, de mois. Le temps n'existait plus. Elle ferma les yeux, affligée, et s'abandonna.

Tout à coup, des douleurs gagnèrent l'épiderme. Des sons revenaient à elle et martelaient contre son crâne. Une multitude de voix se battaient en elle dans un brouhaha insupportable. Elle ouvrit les yeux avec peine, et entre ses paupières plissées, sous ses longs cils noirs, elle distinguait vaguement les couleurs de l'environnement qui se présentait à elle. Le bruit était assourdissant, et elle leva une main à son front, à son crâne.

Elle se persuada qu'elle prononça des mots, mais ne s'entendit pas parler. Elle mit ça sur la faute au boucan qui occupait tout l'espace. Mais lorsqu'elle ouvrit les yeux, et se releva de sa torpeur, affalée dans un canapé qu'elle ne connaissait pas, elle fut forcée de constater qu'autour d'elle, il n'y avait personne.

Elle fronça les sourcils, circonspecte. Les voix ne voulaient pas s'arrêter - mais d'où venaient-elles ? Elles avaient l'air si proches, mais Blanche ne rêvait pas : il n'y avait dans cette pièce qu'elle et son désarroi.

Un vertige la prit alors. Elle voulu se lever mais rapidement sa tête la fit souffrir : elle chancela, et retomba dans le canapé. Elle ne reconnaissait aucun des meubles, aucune des odeurs, aucun élément du décor ne lui évoquait quoi que ce soit. Et le coeur tambourina dans la poitrine à lui faire perdre la tête. Elle tenta de se remémorer la veille - que s'était-il passé, pourquoi était-elle là ?

Mais chaque fois que son esprit accédait à la moindre lueur de lucidité, les voix reprenaient de plus belle, et l'empêchaient de penser - l'empêchaient de se concentrer.

Un cri s'échappa d'elle - ou elle le croyait. Mais rien ne sortit.
Et malgré le bruit, malgré les voix, elle réalisa.
Elle n'avait pas crié.
Elle avait essayé, pourtant, mais elle n'avait pas crié.

Une angoisse la gagna. Seule au milieu d'un salon dont elle ne reconnaissait rien, en proie à un vacarme incessant qui lui prenait la tête, c'est lorsque son regard capta un mouvement près de la porte qu'elle sursauta.

Prise de panique, son corps tout entier s'était tendu, et elle recula dans le fond du canapé, le regard effaré détaillant la silhouette qui venait d'entrer.

Caelus Moore.

Elle ouvrit la bouche. Mais encore une fois rien ne sortit. Seul témoin de son état de choc, les yeux grands ouverts ne quittèrent plus sa silhouette hypnotique. Et lorsqu'il entra, alors, le vacarme s'apaisa.

Elle papillonna des paupières.
Elle n'entendait plus que de vagues pensées, ici et là, tout était plus calme.
Elle respira enfin, mais restait alerte, son regard figé sur le maître du salon.