La partie la plus difficile avait été de le convaincre, mais au final, tu ne t'es pas si mal débrouillé apparemment, puisque Winter se trouve avec toi dans cette ville que tu ne connaissais pas. Car oui, on t'a bassiné avec Elysium depuis ton arrivée, mais personne n'avait été disponible pour y aller avec toi. Parmi les personnes dont tu supportais la présence. Car il y avait bien Jean-Charles et son pote dont tu as déjà oublié le nom qui auraient très certainement été volontaires... Sauf qu'ils sont un peu chiants. Certains te diraient que non, que c'est la personne que tu as emmené avec toi qui est véritablement ennuyant, mais pas à tes yeux. Chacun a ses préférences, et les tiennes sont simplement à un autre niveau.

Avant de venir ici, tu avais entendu dire que la ville était chère, mais plutôt paisible la plupart du temps. Alors pourquoi ressens-tu cette atmosphère étouffante, plus étouffante que le café le plus bondé de Venus Ville ?? Ce n'est pas du tout ce à quoi tu t'attendais. C'est la mine déçue, mains dans les poches, presque boudeur que tu avances dans l'une des rues populaires.

- Ah... C'est pas du tout ce qu'on m'avait vendu. À moins qu'il y ait une face cachée ? Une porte secrète à traverser ?

Ton aîné, pourtant physiquement tout aussi jeune que toi, confirme tes soupçons. La petite soeur de Venus Ville n'est pas ce que vous espériez. Tes pensées volent et virevoltent pour venir flirter avec les ragots entendus récemment, ceux qui t'avaient poussé à sauter le pas et venir ici aussi. Il fallait bien paraître un minimum bon informateur.

Winter te propose de continuer à avancer et tu approuves d'un mouvement de la tête.

- Tu as raison, allons-y.

Tu lui emboites le pas, écoutes ses propos.  Un fin sourire se loge sur le coin de tes lèvres.

- Toi aussi c'est donc ta première fois ici...

Au moins, si vous vous perdez, vous serez deux.
Tu captes son regard quand il te demande si ça valait vraiment la peine de faire le déplacement jusqu'ici. Au fond de toi, tu n'en es pas certain, mais qui ne tente rien n'a jamais rien.

- Aucun idée. C'est peut-être mieux plus au centre. Mais c'est vrai que c'est bien plus... paisible ?

Une part de toi te dit que c'est ici que  tu aurais du venir t'installer. Mais si cela avait été le cas, tu n'aurais pas pu avoir certains amusements sous la main.

- Et puis, tu as du entendre ce qu'il se disait sur ici, non ? ça ne t'intrigue pas ? Pour trouver des trucs intéressants, il faut parfois fureter, se perdre et tendre l'oreille. Imagine nous revenir avec une info inédite...

Ton sourire s'élargit, sincère. L'idée te plait. Tu as dans l'idée de grimper les échelons progressivement. Peut-être pas de te faire une place indispensable, mais suffisamment pour prouver à cette société qu'elle ne mérite pas ta valeur.

Tes pas vous entrainèrent dans le centre de la petite ville, en son coeur, pour voir comment il battait.

Alors que vous vous avancez dans la ville, Winter t'aurai presque arrêté net avec son "quoi ?" Tu hausses un sourcil et le regarde. Qu'y avait-il de si surprenant. Était-ce un mal de donner un minimum de crédibilité  aux histoires que l'on entend ? À  tes yeux, non, car il y a bien quelque chose sur lequel réside les rumeurs et les histoires farfelues.

- Tu trouves ?

Telles sont donc les pensées de Winter ? En même temps, vu son métier, il doit avoir besoin de preuves constantes sur lesquelles se fier à 100%. C'est la joie des chiffres. Alors que toi, avec le droit, avec l'idée de devenir avocat, c'était les histoires des autres qu'il fallait écouter, trouver le vrai parmi le faux. Ou l'inverse, selon les personnes.

- Les rumeurs amplifient les histoires de base. C'est vrai et je suis bien d'accord. Cependant, il y a très certainement une base véridique. Il faut juste la trouver et démêler le vrai du faux. S'il s'agit d'une histoire qui ne nous intéresse pas, ce n'est pas grave. Il ne dépend alors que de nous pour l'amplifier et tromper nos ennemis en leur faisant croire que c'est pire que ce qui est dit.

C'est fourbe de jouer ainsi sur les dira-t-on. C'était même petit. Mais c'était à la hauteur de ta taille. Si tu ne sais pas te battre physiquement, il te suffit de gagner par un autre procédé. C'est aussi simple que cela.

- Et si tu observes bien, les personnes que nous croisons ne semblent pas avoir passé de bonnes nuits. À moins que ce soit la mode élysienne qui dicte le port de cernes ? Mais c'est peut élégant, tu ne trouves pas ?

Tes pas sont presque enjoués. Trop heureux d'être dans cette ville, tu détonnes parmi sa populace flasque. Et ton acolyte qui  pointe là où ça fait mal. Car oui, tu as l'impression de devoir prouver qui tu es.

- À quelqu'un, pas vraiment. Mais c'est très frustrant de redémarrer à zéro. J'avais tout. Et ici, je n'ai rien. C'est une raison suffisante.

C'est que Winter a de bonnes idées en fait. Tu avais eu raison de l'emmener avec toi dans cette ville. Un natif, ça pouvait toujours aider, même quand ça ne connaissait pas entièrement la ville. En revanche... Effectivement, si on y allait de la sorte, jamais nous n'obtiendront une réaction positive vis-à-vis de nos interrogations. Tu t'arrêtes, pousses un soupir, les mains sur les hanches.

- Pas comme ça voyons. Il faut savoir s'y prendre un peu.

Manier les mots, encore et toujours. Avec tact, ce que ne possédait pas ton ami. Ou alors c'est suffisamment enfoui en lui pour être invisible. Tu relèves la tête vers lui, prends un sourire légèrement en coin.

- Je m'occuperai de prendre la parole.

Et peut-être de choisir la cible. Une femme, peut-être une mère, ou même une grand-mère, pouvait être plus encline à parler avec deux jeunes hommes bien éduqués et sympathiques. Winter... S'il te plait, sois sympathique quand il faudra approcher une personne...

La discussion avait fini par tourner un peu autour de toi, de ta venue sur Mars, de ton envie de prouver qui tu es. Tu fais une petite moue ennuyée, comme si tu étais naturel avec lui.

- Hmmm. Par obligation familial, je dirai. Parce que ça fait "bien". Parce que ça leur donne du "prestige" à eux et moi aussi quand je reviendrai. Aussi sûrement par défi de la part de mon père envers son beau-frère. Mais ça, ça ne me regarde pas.

Tu préfères te tenir éloigner de leurs histoires, les trouvant inutiles. Certes, tu ne ferai pas les même erreurs que ta cousine, mais en même temps... Tu avais peu de chance de tomber enceinte, toi. C'est quelque peu.... impossible.
Tu balaies tout cela de la main et reprends  la marche en observant autour de toi. Trouver une personne qui pourrait être réceptive. Et là, tu la vis. Une jeune femme, dans la trentaine, un enfant en poussette et surtout le doudou qui venait de tomber par terre.

- Suis moi !

Tu souffles les mots à Winter avant d'aller rapidement ramasser le doudou oublié. Alors tu hèles la jeune mère, tandis que l'enfant allait commencer ses pleurs infatigables.

- Madame, excusez-moi, vous avez laissé tomber ceci !

Et tu tends la précieuse peluche pour l'enfant, histoire qu'il se calme dès son doudou entre ses petites mains potelées.

- Est-ce que je peux vous poser une question ? Avec mon ami, on vient de Venus Ville, on voulait fuir la ville et son ambiance sinistre... Mais j'avais cru comprendre que Elysium était beaucoup plus vivante.... Il se passe quelque chose ?

Tu joues le jeune adolescent qui fuit la misère pour une bulle d'air qu'il ne semble pas trouver ici, le jeune homme qui cherche la sécurité d'une ville dite rassurante et qui finalement ne le trouve pas vraiment. Et tu espères que cette dame te livrera son ras-le bol sans pour autant vous envoyer voir ailleurs...

La conversation est trop courte. La dame s'en va trop rapidement à ton goût, mais ta bienséance t'interdit de lui courir après. Tu pousses un soupir. Au moins vous saviez qu'effectivement il y avait quelque chose d'étrange dans cette ville. Qu'est-ce qui poussait les gens à rentrer aussi vite chez eux ??

- J'aurai aimé aussi qu'elle soit plus précise.

C'est frustrant. Tu regardes Winter qui te fixe et tu acquiesces à ses paroles.

- Cela me va. Puis, si on furète de trop, ça va attirer l'attention.

Alors tu reprends ta marche dans la ville et ta conversation, celle avant d'apostropher l'habitante.

- Oh et je te rassure. Même si ma présence est dû à une obligation, elle me convient un peu. J'ai pu retrouver ma cousine. Et puis, mes études, c'est moi qui les ai choisies. Au final, je me porte bien et c'est le principal.

Tu es un peu contradictoire, mais la situation en elle-même l'était également. Dans toute obscurité pouvait se trouver de la lumière et inversement. Rien n'était tout blanc ni tout noir.

- Sinon, les rumeurs parlaient de bruits, non ? Et si on tendait l'oreille pour voir si on ne les entend pas pour s'y diriger ?

Car si l'ambiance d'Elysium avait changé, si les gens étaient fatigués, c'est qu'il y avait quelque chose qui les empêchait de dormir, non ? À moins que ce soit une peur chez eux de quelque chose que la mère avait cru bon de nous cacher. Mais justement, si fallait fuir, elle vous l'aurait dit clairement, n'est-ce pas ? Tu décides donc de te fier à ton ouïe en espérant que cela ne vous conduise pas simplement aux bêtes travaux d'une rue adjacente.

La discussion s'écoule. Tu apprends à connaître un peu plus Winter et sa manière de penser sur la vie. Il prendrait presque soin de toi ? Qu'aurait-il dit si tu lui avais dit que tu avais été forcé et que c'était une corvée pour toi ? Qu'aurait-il potentiellement fait ? Dans tous les cas, il était plus facile de s'émanciper ici sur Mars loin de ta famille, si l'envie t'en prenait, mais c'était également te fermer une porte de sortie.

Puis l'objet de votre venue dans cette ville, en plus d'une découverte pour toi. Les bruits, les gens, la soirée... Il te demande l'heure. Tu regardes alors ta montre à ton poignet.

- Il est 19h04. Tu penses qu'on aura plus de chance encore plus tard ?

Tu hausses un sourcil. Tu continues de te perdre en sa compagnie. Pour ta part, tu ne sais pas du tout où vous vous trouvez et où vous vous dirigez. C'est comme Venus Ville, tu t'y perds trop facilement. C'est peut-être pour cela que ça t'étonne qu'il t'offre le fait de prendre les devants, mais ça ne tombe pas d'un l'oreille d'un sourd.

Les minutes passent, quand tu l'entendis. Sourd, tu n'es donc pas. Tu esquisses un sourire en jetant un regard vers Winter. Tu lui avais dit que tu ferais en sorte d'être discret. Mais il t'avait dit de foncer également. Sacrément contradictoire notre adepte de haches. Tu lui saisis la main pour l'entrainer une nouvelle fois avec toi, vers l'origine de ce bruit qui avait fait trembler tes tympans. Tu essaies de te faire discret, te passer d'ombres en ombres, de devenir la furtivité même. Tu pourrais presque te croire dans un très mauvais film d'infiltration. Peut-être les zombies de la ville d'Elysium vont venir vous attaquer car vous approchez du but de votre quête.

Dans quel endroit vous êtes-vous fourré ? Tu n'avais jamais mis les pieds dans une mine, tu découvrais le lieu pour la première fois et jamais de ta vie tu n'aurais pensé que ton pied en foulerai le sol.

- Dit moi que toi aussi tu les entends ?

Un murmure entre l'assourdissant bruit qui se répercute.

Un travail de nuit. Tu regardes ton acolyte et tout passe par le regard. Vous semblez silencieusement d'accord sur le fait que ce n'est pas possible. Tu ne lis pas ses pensées et pourtant vous avez les mêmes. Ce serait beaucoup trop. La population se serait bien plus plainte. Vous en auriez entendu parler si il y avait eu surexploitation des marsien d'Elysium. Sauf s'il s'agit d'une autre main d'oeuvre, de volontaires, d'autres gens ? Mais dans quel but feraient-ils cela ? Généralement, lorsque l'on travaille de nuit, c'est que le temps manque, c'est qu'il y en a un besoin véritable immédiatement.

Au loin, tu vois les petits points de lumière. En y ajoutant le bruit, tout donne le parfait spectacle d'un début de film d'horreur. D'habitude, tu les regardes, tu ne joues pas dedans. Oh. Et si c'était pour un nouveau film ? Mais si loin des studio ? Tu restes dubitatif.

- Si tu les entends aussi, c'est qu'on est sur la bonne voie.

Et que tes oreilles ne te jouent pas des tours.
En revanche, souhaites-tu t'y rendre. Tu pousses un soupir, hésitant entre deux choix. Tu avais dit un peu plus tôt que vous seriez prudent. Que vous n'étiez là que pour voir et écouter. Que vous resteriez loin du danger...
N'était-ce pas se jeter dans la gueule du loup que de s'y rendre ?
Cependant, tout en toi appelait à la curiosité, à aller voir.

- Oui. Autant se faufiler parmi les ombres. Si on reste ici, on n'en saura jamais davantage. Et puis, dans le pire des cas, nous ne sommes que deux amis qui se sont égarés lors de leur première visite de la ville. ça reste tout à fait probable. Sauf si nous avons une armée de zombies face à nous. Mais nous ne sommes pas dans un film d'épouvante. Donc tout ira bien.

Tu parles trop Hyacen, tu le sais, mais tu ne peux t'empêcher. Heureusement que ton contrôle sur ta faculty a un peu augmenté avec les mois que tu as passé sur Mars. Imagine un peu que tu la déclenches simplement en t'adressant à Winter alors que vous essayez d'être discret. Une catastrophe.

Tu sembles sûr de toi. Et c'est avec cet aplomb que tu avances avec autant de discrétion que possible vers ces lumières et ce bruit. Soudainement, tu t'arrêtes et te retournes vers le trésorier des PIC.

- Mais si tu juges que c'est trop dangereux ou quoi que ce soit. Tu peux rester en retrait.

"Laisse faire la vraie jeunesse". Tu te retiens de lui sortir la pique, il n'en a pas besoin, et ce n'est définitivement pas le moment. Tu attends un peu sa réponse avant de te remettre en marche furtivement, avec ou sans lui.