Une salle de classe remplie. Des enfants bruyants. Cette petite fille brune aux yeux bleus qui sourit. L’institutrice demande le calme. Silence. Une seule question : “Quelle est la chose que vous souhaitez le plus?”. Les enfants reparlent pour donner leur réponse. Certains se disent vouloir devenir super-héros, d’autres parlent de vouloir la poupée Barbie sortie récemment. Mais, une seule personne n’ouvre pas la bouche, cette petite brune aux yeux bleus. L’institutrice la regarde, nouveau silence.
-Et toi Olympe?
Un instant de réflexion, elle semble perdue dans ses pensées. Puis, la réponse lui parvient. Son regard est planté dans les yeux de l’adulte, un petit sourire.
-J’aimerais que mon papa et ma maman m’aiment.
Surprise.

Réveil brutal, chaleur insupportable. Un mal de tête te ronge l’esprit, accompagnant les larmes et la sueur dans un cocktail ignoble. Tu te levas de ton lit, ta tête tourne un peu, mais tu t’en fiche. Tu ouvras la porte de ta chambre et entends des voix. La porte fermée, tu descendis les escaliers pour aller dans le salon. Alors, ton père te regarda, tu compris, tu allais passer un mauvais quart d’heure.
Il te tendit un papier que tu reconnus sans trop de mal. Et merde, ton contrôle de maths. Tu avais tant essayé de cacher cette note tant tu connaissais les conséquences.
-Tu peux m’expliquer ça, Olympe?
Ta mère était en train de pleurer dans le canapé comme si elle venait d’apprendre la mort d’un proche. Pourtant, tu savais pertinemment que ce n’était pas ça.
-Treize! Tu as eu treize! Tu es une débile ou quoi?
Un grand bruit, sa main contre la table basse. Tu sursautes, pire encore, tu étais toute tremblante. Oui, tu avais peur… Affreusement peur…
-Dis quelque chose merde ! Est-ce que je t’ai élevé comme ça ?
Tu baissas la tête, lui cachant tes larmes le plus possible.
-Je suis désolée…
Ta mère pleurait encore, se plaignant entre deux sanglots de ton manque d’éducation et d’intelligence. Comme si elle ne méritait pas cela…
-Monte dans ta chambre, tu es privée de repas ce soir !
Tu te redirigeas vers les escaliers, la tête toujours baissée. Ton père prit ta mère dans ses bras pour la réconforter.

Tu allais dans ta chambre lorsque ton regard se dirigea vers la porte de celle de Corey. Sans trop réfléchir, tu toquas à cette porte. Un petit silence, une attente, et enfin une réponse. Ta main toucha la poignée et tu ouvris la porte pour entrer dans la chambre de ton frère, la tête encore et toujours baissée. Corey te demanda comment tu allais. Pas de réponses, tu n’arrivais pas à parler. Pouvait-il faire quelque chose pour toi ? Oui… Tu relevas la tête, les yeux embués de larmes. Tu le regardas, tout était flou. Puis, elles coulèrent le long de tes joues. Toi qui tremblait si fort, tu tombas au sol, sanglotant.
-J’ai encore eu moins de quinze.

Jamais la douleur n’aurait pu être aussi forte qu’à ce moment. Pour toi, vos parents ne vous aimaient pas. Ce n’était pas possible autrement. Comment peut-on être aussi cruel avec son enfant? Tu ne pouvais l’imaginer, pas une seule fois. Tu pleurais à chaudes larmes dans les bras de ton frère. Tu t’agrippais à lui comme s’il n’y avait que lui comme appui. Comme si tu allais tomber dans un gouffre sans fin, piégée dans un cycle continuel où tu tomberais encore et encore. Il essayait de te rassurer, de te faire comprendre que tout irait bien. Mais c’était bien plus compliqué et il le savait.

Tu avais un rêve. Celui d’un jour pouvoir faire ce que tu désirais, sans eux pour te diriger, pour te dire ce que tu dois faire, ce que tu dois être. Tu imaginais une liberté qui te permettrait d’enfin décider de ton futur métier et de celui ou celle qui partagera ta vie avec toi. Ce rêve était si doux quand tu l’imaginais. Mais la réalité est bien trop douloureuse. Parfois, tu te dis que jamais tu ne pourrais réaliser ce rêve. Enfin si, mais il fallait précisément faire quelque chose qui t’effrayait bien trop pour que tu agisses.
- Je veux partir Corey… Je ne veux plus les voir.
Un souhait bien trop compliqué pour toi.
- Mais j’ai si peur. Si peur de ne plus te voir toi et Icarus. Peur de ne jamais m’en sortir.
Car tu les aimais bien trop pour penser qu’un jour tu allais partir et les laisser. A moins que vous décidiez de partir ensemble. Parce que tu as toujours cru qu’ensemble rien ne pouvait vous résister. Que tu serais en sécurité à leurs côtés. Car il n’y a rien de plus protecteur qu’un grand frère envers sa petite sœur. Tu étais persuadée qu’avec eux, tu ne pouvais atteindre que le bonheur. Mais seraient-ils seulement d’accord de s’enfuir avec toi… Tu avais cette sensation étrange. Cette sensation qui te disait que sans eux, tu ne serais capable de rien.
- J’ai si peur de plus pouvoir vous voir si je m’en vais. Qu’est-ce que je ferais sans vous?  

Tu le sais que ce n’est pas possible. Tu le sais que tu es encore trop jeune pour prétendre pouvoir vivre seule. Tu sais tout cela. Mais l’envie est si forte, si intense… Et en même temps, la douleur est vive, elle te lacère, te brise. Pourtant, la vérité est telle que tu ne sais même pas si un jour, tu auras ce courage de partir. De faire tes valises et ne jamais revenir. Seulement prendre des nouvelles de tes frères et vivre comme si rien ne s’était passé. Blottie contre ton frère, tu buvais ses paroles avec confiance - confiance brisée - comme s’il essayait de te faire croire que jamais rien ne pourra vous séparer, même la distance.

Tu étais si innocente à l’époque. Tu pensais que Corey serait toujours là pour toi, que tes parents se rendraient un jour compte de ce qu’ils vous font subir. Rien de tout cela ne s’est fait. La réalité, c’est que Corey est un menteur, que tes parents ne connaissent pas le sens de l’expression remise en question. Pourtant, c’était si facile à croire. Et tu poursuivais le rêve de t’enfuir avec lui et Charon, de vivre ensemble comme si vos parents n’avaient jamais existé. Enfin pouvoir être qui vous voulez.
- Si un jour tu t’en vas Corey, est-ce que tu me prendras avec toi?
Tu voulais qu’il te dise oui. Qu’il te donne cet espoir. Qu’il te mente…

Étais-tu horrible finalement? N’était-ce pas toi qui s’es infligé la douleur que tu as ressentie lorsqu’il t’a laissé tomber ? Car finalement, tu es celle qui le lui as demandé. Alors, n’est-ce pas uniquement de ta faute?
- Je préfère mille fois vivre avec toi qu’avec eux.