Cela faisait un moment que je n'avais pas mis les pieds dans ce lieu. Cela faisait remonter quelques souvenirs par la même occasion, des souvenirs que j'avais passé en compagnie d'une très chère personne. Tellement longtemps à vrai dire que l'endroit me paraissait méconnaissable.

Entre les lumières, le bruit des machines, l'ambiance de l'entrée du Casino, La tronche en biais de Tim le videur dont la politesse est à peu près au même niveau que celui de la grande muraille de Chine... hein quoi? Oh juste un truc qui est censé se trouver sur Terre. Je sais pas personnellement, je l'ai jamais vu.

Toujours est-il que la zone Card, elle, était dans une toute autre ambiance, le genre d'ambiance tamisée qui vous laisse dans ce sérieux agréable qui vous change les idées. Tirant de ma poche mon paquet de cigarette, en coinçant une entre mes dents et l'allumer avec mon Zippo.

Une taffe, deux taffes, tirant sur la braise, puis expirant la fumée en faisant un rond avec celle-ci, je m'approche alors lentement du bar, donnant une certaine somme au barman en échange de jetons, et pour commander une boisson par la même occasion. Un Old Fashioned, ne faisant jamais dans les cocktails sucrés, préférant l'amertume et le côté fort de ce genre de cocktail. sans doute que ce barman devait être un nouveau lui aussi, ne devant pas savoir que je ne suis pas censé être là, ou bien a juste oublié de faire la vérification. Mon plan qui se déroule comme prévu jusqu'à présent.

Puis une fois les jetons récupérés, je m'en vais vers une table de blackjack, utiliser le cendrier car j'en ai bien besoin actuellement, buvant une petite gorgée de ce "whisky amélioré" comme j'aime l'appeler, et commençant finalement à miser.

Pas de grosses somme pour le début... Que je gagne ou que je perde, il n'y a pas vraiment d'intérêt au départ. L'objectif c'est plutôt de voir les cartes, et de se faire un plan dans la tête de celles qui sortent, celles qui ne sortent pas... De les compter. Ouais je sais, c'est tricher, mais tant que ça se remarque pas, ça passe, non?

Ce genre de stratégie, c'est comme une araignée qui tisse sa toile au fur et à mesure, pour prendre de court les joueurs inexpérimentés qui ne savent pas y faire... Et je dois dire que c'est foutrement plaisant de les voir sombrer dans le désespoir à force de perdre du fric, et espérer qu'ils puissent quand même gagner pour amortir les pertes... Alors que c'est littéralement ce que veux la banque.

Mais ne dévions pas de l'objectif premier qui est d'attirer celui qui gère l'endroit ici même, à cette table... attirer le traître de service à moi.

Les jetons s'amassent de mon côté... Le sourire est présent sur mon regard... Un 17 affiché, mais le compte y est déjà... Alors je demande une autre carte... un 4 de pique... 21... Blackjack.... Je double encore une fois ma mise... La fumée de ma cigarette emplie l'air de la pièce, se mêlant aux autres effluves de tabac, alors que mon cocktail, lui, est à peine entamé... C'est une règle de base des Casinos, après tout... De servir de l'alcool à un client qui serait un peu trop en veine, pour réduire ses capacités d'attention et donc, l'empêcher d'être pleinement concentré sur ce qu'il fait, le pousser à prendre des risques inutiles.

Et le pire, c'est que cela fonctionne, car à l'instant même où je commence à percevoir des bruits de pas, la personne juste à côté de moi... fait un all-in... avant de tout perdre... Sur mon 21, alors que la banque n'acquiert qu'un 20. Dommage, j'ai envie de dire...
Enfin... Ces bruits de pas, cette façon de marcher, je la reconnaîtrais entre mille. Et une voix au final, qui ne fait que dire mon nom, prenant ma cigarette des mains au passage... Ce n'était qu'une fin à vrai dire, alors j'en ressortais une du paquet qu'un jeunot de 17 ans dont ma tête ne lui revenait pas m'a si gentiment donné après un tabassage en règle...

"-Tiens... Si ce n'est monsieur le directeur. Je me doutais que t'allais arriver, mais si tôt... J'attire autant l'attention?"

Je riais à gorge déployé, alors que je faisais un petit signe de la main en mode "au revoir !" au joueur qui se trouvait à ma table jusqu'à présent. Sortant à nouveau mon Zippo, je rallume une cigarette, l'odeur emplissant l'espace tandis que les volutes de fumée montent vers le plafond.

"-Je doute que l'intégralité des CG aient développé une passion pour toi... Loin de là, je dirais même que la volonté première des CG serait celle de te refaire le portrait..." Un grand sourire, tandis que je me lève de la table, récupérant seulement des jetons la somme que j'avais donné au bar. Éviter les pertes, c'est quand même le plus important.

"-Banque, vous pouvez prendre les jetons que j'ai laissé sur la table... Comme pourboire." Petit clin d'œil en direction de ce croupier qui m'avait au final offert un moment fort agréable. Penchant la tête en arrière pour observer la tête de Caelus, arborant un sourire narquois sur mon visage, comme satisfait d'avoir pu me foutre du système d'une façon aussi magistrale.

"-Oh mais je sais bien que je ne suis pas le bienvenue ici... Dis-moi, la dernière fois, ça t'avais coûté combien, quand c'était encore le Picadilly, ton repère? ça a sûrement du prendre du temps pour amortir le déficit."

J'en ricanais de façon éhonté. Il faut aussi dire qu'à l'époque j'avais la rage contre lui, pour ce qu'il s'était passé. C'était une façon comme une autre de me venger de la trahison, le coup de pute qu'il nous avait fait dans notre dos, à moi et Urielle. Moi qui pensait encore qu'il était mon meilleur pote à l'époque... j'étais tombé de haut... Tu le sais non? Tellement haut à vrai dire que je ne savais plus sur qui compter, excepté les CG. Je m'étais refermé sur moi-même et sur le gang, au point d'en devenir parano. La rage était constante, elle m'en a retourné le cerveau...

"-Enfin... ça a suffit à t'attirer jusqu'à moi, c'est le principal... Il y a un truc dont j'aimerais discuter." le sourire qui s'étire, la provoc' qui est présente de façon constante. Je me délecte des mouvements de tes yeux scrutant la pièce, cherchant les meilleurs options dans le cas où j'essaierai de m'en prendre à quelqu'un. "-À moins que ça te dérange qu'un "freak" de mon genre soit ici à souiller la dorure du lieu de ma présence?"

Je le regarde fixement, les yeux fixés, rivés sur son visage, posant finalement une main sur son épaule, et m'approchant de son oreille.

"-Relax... j'vais pas les frapper, tes clients ou tes employés ~ J'suis pas une brute sans cervelle ~"

Évidemment que j'en suis pas une... contrairement à ces dernières, moi au moins j'ai un cerveau et je sais comment l'utiliser après tout.

Ah, les jeux de mots... Ce genre de petits détails, ça m'avait presque manqué. C'est pas faute de te voir dans un contexte différent quand même assez régulièrement, mais disons que tu étais jusque là une personne dont je n'avais l'envie de m'approcher ni d'Eve ni d'Adam.
Alors sa remarque, je la balaie assez simplement de mon esprit, même pas un petit rire, feignant de ne pas avoir compris ce qu'il insinuait.

La sensation désagréable de ta main passant dans le creux des reins... Une chose que je n'ai jamais, au grand jamais apprécié, et pourtant voilà que ça recommence. J'en plissais légèrement les yeux, avant de balayer plus loin cette main qui n'a rien à faire à cet endroit-là, pour me reculer ensuite, une main dans la poche, l'autre tenant ma cigarette, que je finis alors rapidement, écrasant cette dernière dans le cendrier de la table.

"-Je te suis. Allons donc ailleurs ~"

Et ainsi, il m'amène, dans cette pièce à l'écart du reste, à l'écart de tout, et tandis qu'il s'occupe de refermer la porte, je suis déjà prendre mes aises, en m'asseyant dans un des fauteuils, le pied venant se poser sur mon genou. Posé sur les accoudoirs, mes bras, qui viennent alors se rejoindre de nouveau au niveau de mes mains, chaque bouts des doigts qui se retrouvent collés à celui de la main opposé, détaillant de mes yeux plissés le moindre détail, le moindre changement dans le comportement de Caelus.

"-Honnêtement, je pourrais très bien parler de ça et t'avoir fait bougé pour rien jusqu'ici."

J'en riais, je trouvais la situation tellement bête au fond... Il pourrait parfaitement me piéger ici et maintenant, me terminer... Mais il ne le fait pas alors même que je suis ici, devant ses yeux. Il s'agit de son territoire après tout. C'est peut-être encore une des raisons qui m'ont poussé à rester avec Urie, malgré son attrait prononcé pour la violence.

"-Plus sérieusement... J'ai réfléchi.. Par rapport à tout ce qui s'est passé..."

Je me lève du fauteuil, commençant à marcher un peu autour de la pièce... le besoin de bouger sans doute, l'incapacité à rester en place alors que je parle de ce genre de sujet sensible.

"-Tu sais... Ce fameux moment... où on a appris que c'était toi qui avait révélé l'emplacement de notre QG aux tronches en biais là. ça fait un petit moment... Six mois à peine, que j'ai commencé à réfléchir un peu à ce qu'il s'est passé."

Je marque une pause dans mon discours, alors que les doigts de ma main gauche viennent frotter ma tempe, à moitié dans mes cheveux, pouvant sentir ces derniers sous mes doigts, exécutant un mouvement répétitif, effectuant des rotations légèrement espacé...

"-... Du coup... La question qui me vient c'est ... pourquoi? J'ai beau retourner ça dans tout les sens, j'arrive pas à trouver une réponse qui soit à ma convenance. Pourquoi tu t'es permis de faire ça? Pourquoi t'as mis en danger la vie de ton meilleur pote sans aucune raison? ... Pourquoi tu m'avais rien dit durant ces deux putains d'années?!!"

Je m'apprêtais à balancer mon pied au niveau de la table, afin de passer mes nerfs, mais j'ai préféré arrêter mon action en plein milieu. ça me les foutait en vrac d'y penser... Si là-bas tout à l'heure j'étais le genre intelligent, réfléchissant calmement et stratégiquement à tout ce qui l'entoure, actuellement je tenais plus du membre typique des CG... Celui qui a été teinté par la folie destructrice d'Urie. Le résultat final? Un beau mélange de frustration... Accumulé sur tant d'année qu'il est désormais impossible de l'évacuer.

Crispé, tendu, frustré... C'était les meilleurs adjectifs qui pourraient venir pour me décrire actuellement en t'entendant rire et faire cette remarque, cette pique lancé à notre égard, comme quoi t'étais le dernier des connards...

Je me mis à soupirer, puis me taire, pour écouter ce que tu as à dire. Enfin, j'allais avoir des informations sur ce qu'il s'était passé.. le pourquoi de la trahison. C'était probablement la seule chose à laquelle j'arrivais à me concentrer actuellement sans que la frustration ne me pousse à tenter de frapper mon environnement et passer ma colère sur cette pauvre table qui n'a de toute façon rien demandée.

Alors j'écoute ce que tu as à dire, Caelus... Silencieusement, le regard froid. Un véritable silence de mort alors que tu expliques qu'ils savaient... à propos des labos, du Staff, de ce qu'il s'était passé. Cette fois c'est toi qui t'emporte dans ce que tu dis, buvant du whisky à même la bouteille, avant de me la filer. Au fond, ce n'est clairement pas de refus... et je me décide à prendre quelques gorgées pendant que tu continues de donner ta version de l'histoire.

j'avais beau ne pas donner l'impression d'en avoir quelque chose à faire, mais je notais dans mon esprit chacune des phrases que tu disais, même les plus acerbes à mon égard... Plus ça continuais, plus je ne pouvais m'empêcher de ressentir cette joie mauvaise de me dire qu'il a souffert à cause de tout ça, qu'il a subi un tel coup du destin.

"-... T'as un putain de karma de merde, dis-moi?"

Je me retrouvais à rire sans même m'en rendre compte... Ce genre de rire malsain qu'une personne normale prendrait sans doute pour une moquerie évidente... Mais tu sais que ce n'est pas de ma faute de réagir comme ça, n'est ce pas, Caelus?
Après tout, tu l'avais si bien dit toi-même... On était ensemble à ce moment-là, ce moment où l'on a été abattu comme de vulgaires rats de laboratoire que l'on prépare pour une dissection.

"-Je peux comprendre pour la grande majorité de ce que tu as dit, Caelus, t'en fais pas pour ça... Même si ça n'arrangera sans doute strictement rien à la situation actuelle."

Je finissais de prendre une gorgée de whisky, avant de rendre la flasque, les yeux posé vers le plafond, en pleine réflexion.

"-Mais dis-moi... Tu sais ce que ça fait? de se sentir trahi...? D'avoir cette impression que ton meilleur pote as littéralement vendu ton droit de vie et de mort à une bande de connard? C'est dur à avaler, clairement..."

Mes côtes me font mal, alors que je ne pouvais plus m'empêcher de rire. Rire de l'ironie tragique de cette situation où tout a échappé au contrôle de tout le monde.

"-Ils voulaient nous écraser à l'époque, tu sais...? On était en sécurité littéralement nul part, même pas dans notre propre QG... à cause de cette toute petite info' que tu leur as donné..."

Sortant une nouvelle cigarette, je repensais alors à une des phrases que tu m'avais dit, tout en l'allumant, le sourire toujours affiché sur mon visage.
Urielle n'est selon moi pas folle à lier, malgré ce que tu peux penser. Elle est juste tordue... Comme un putain de fil de fer avec qui l'on a décidé de jouer, pour voir à quel moment il va briser. Et on peut dire que tu as été l'un des principaux architecte de sa vision tordue du monde.

"-Je pouvais pas faire un pas dehors sans qu'il n'y ait un type qui tente de me tabasser la tronche ou de me poignarder... Il y a des moments où j'risquais ma peau pour venir te voir... Quand j'savais pas encore que c'était toi..."

Je me lève alors, et d'un simple pas, l'espace d'un court instant, je me retrouve à quelques centimètres de toi, regardant droit dans tes yeux.

"-Alors, tu penses vraiment... Que j'aurais accepté d'entendre ça, à l'époque? Que t'avais littéralement laissé tomber ton meilleur ami... Pour des putains de terres et des informations...? Désolé mais... C'est risible."

Soufflant la fumée de ma cigarette, laissant l'espace reprendre sa forme initiale, un pas en arrière. Couvrant mon visage d'une main pour essayer de le cacher....

"-C'est vraiment... beaucoup trop risible putain..."

... une main, pour cacher le fait que j'étais en train de pleurer malgré ce putain de rictus gravé.