Il y a beaucoup de choses qui te chamboulent ces derniers temps. À commencer par ces longues heures nocturnes passées dans ton salon. Tatouant les oiseaux de nuit qui ne peuvent attendre d’être marqués par ton encre. Tu sembles avoir oublié de ressentir du plaisir à gratter la peau. Tu as juste eu envie d’oublier. Ta frustration. Ta confusion. Ton … Obsession naissante.

Tu es si perturbé ces derniers temps que tu as tout délaissé. Tu tournes au café, à l’adrénaline de vouloir penser à rien. Tu as quasiment ghosté les messages de ton entourage, de ton frère, de ta mère, de tes fidèles amis comme Astar, de tes connaissances au sein du gang au goût et couleur d’un smoothie acide. Tu t’en veux un peu. Malgré tes airs de gros durs, tu as peur d’être abandonné, tu redoutes l’instant où l’on se lassera de toi, où l’on te dira que tu ne sers à rien dans la vie des gens que tu apprécies.

Allongé en étoile de mer sur ton lit, tu regardes le plafond avec une panique qui commence à monter doucement en toi. Tu penses à ces instants sur Terre. Ces moments de grande solitude durant lesquels tu n’as pas pu t’échapper. Ceux-là que tu as affronté tout seul pendant plusieurs mois. Pendant trop longtemps. Tu fermes les yeux, essayant de penser à autre chose.

C’est foutu.
Tu flippes.
Tu as besoin de compagnie.

Tu prends tes affaires, allumes une clope et te perds dans les rues du quartier des AS. Tu respires vite et fort, n’arrivant pas à fumer correctement. Tes doigts tremblent. Tu fous ta capuche sur ta tête et t’isoles un instant dans une ruelle cachée des lumières agressives de la rue. Tu essaies de te calmer, d’éviter la crise de panique.

Cela fait trop longtemps que ça ne t’est pas arrivé. Tu ne sais pas gérer ça. Tu n’as jamais réellement su le faire. Tu prends ton com et décides d’envoyer un message. Quitte à être dehors, autant aller squatter chez quelqu’un. Ça te fera oublier tes tracas, et ta peur bleue d’être abandonné.

De : Loki
à : Astar
T’es chez toi ?

Tu poses l’arrière de ton crâne sur le mur derrière toi et portes ton regard sur le ciel. Toutes ces petites lumières qui scintillent. Cela ne te calme pas, mais tu trouves cela magnifique. Tu as envie de dessiner. Non, tu ne peux pas.

Et puis, le visage d’Alek apparaît dans tes pensées. Ça t’énerve. C’est con, mais rien que de savoir que vous avez été coupé dans vos élans deux fois, qu’il s’est enfui sur la dernière rencontre … Tes nerfs sont en boule. Tu mets ta cigarette entre tes lèvres, pour prendre ton com dans tes deux mains, attendant avec une certaine impatience, la réponse de ton ami.

Alors que ton regard se perd sur l’écran noir de ton COM, tu tentes de contrôler ta respiration qui se fait plus rapide. Plus douloureuse. Depuis combien de temps n’as-tu pas été dans cet état ? Bien trop longtemps. Il semblerait que ces derniers temps, tu aies réussi à tromper la solitude et cette peur d’être abandonné, laissé de côté, oublié … Tu gardes nerveusement ce bâton de nicotine entre les lèvres, pour éviter qu’elles ne se mettent à trembler.

De froid.
De panique.
Tu ne sais pas.
Tu ne sais plus.

Tu as commencé à tapoter d’un doigt l’appareil entre tes mains, frénétiquement. Comme si le fait de le bousculer un peu allait accélérer la réponse du côté d’Astar.

Astar. Un brave type. Tu aimes croire qu’il ne te laissera pas tomber. Même si tu ne peux t’empêcher d’envisager cette possibilité. Avec lui. Avec tout le monde. Tu as peur que Caelus ne te regarde plus jamais non plus, qu’il ne te reconnaisse plus comme un membre des AS.

Tu ne t’aides clairement pas.
En pensant ce genre de trucs.

La ruelle s’illumine à la réception de, non pas un message, mais trois d’affilée. Tu laisses tes angoisses de côté le temps de lire correctement le contenu. Il semble un peu froid, comme saoulé ? Est-ce que tu l’agaces avec ce genre de messages ? Tu ne saurais le dire.

Tu réfléchis.
En vitesse.
Est-ce que tu peux vraiment y aller ?

Tu te décales du mur, et décides de marcher encore un peu pour te calmer. Il s’agit d’abord de penser à autre chose, histoire de ne pas arriver chez Astar dans un état lamentable. Tu es certain qu’on peut remarquer tes cernes à des kilomètres, que ta peau est moche et encore plus cadavérique que d’habitude. Que tu portes la mauvaise mine sur tes traits. Tu pourrais sourire, oui. Faire ce genre de rictus effrayants dont tu as l’habitude, mais clairement, tu n’as pas la tête à cela.

Et puis … Sourire à qui ?
Si seulement quelqu’un pouvait te rentrer dedans que tu te défoules un peu.

Mais non. Tes pas t’ont mené jusqu’à l’endroit où vit ton camarade de gang. Un ami ? Peut-être. Tu n’as jamais eu besoin de demander à Astar si tu étais son ami, s’il te considérait comme tel. C’est un lien naturel qui s’est créé, mais sans doute que parfois, tu as besoin d’être rassuré, toi aussi. Cependant, tu caches tout sous cet air froid et parfois flippant, pour qu’on ne remarque rien. Tu te fais passer pour un débile qui ne pense qu’à frapper, alors que tu es juste un petit enfant effrayé au fond.

Avant de faire quoi que ce soit, comme sonner chez lui, frapper à sa porte, le déranger une bonne fois pour toutes … Tu décides de lui répondre. Tes doigts gelés arrivent tant bien que mal à écrire sur l’écran. Rien que le fait d’être ici te détend un peu. Comme si tu savais que la présence d’Astar à quelques mètres au-dessus de toi suffisait à apaiser cette solitude que tu ressens.

Tu finis ta clope, souffles un bon coup et décides enfin d’entrer dans le bâtiment pour venir squatter chez Astar. Tu frappes de quelques coups assurés, mais pas trop forts non plus. Tu n’attends pas longtemps avant qu’il ne t’ouvre. Il semble là sans en avoir envie. Tu lèves un sourcil et hésites un instant avant d’entrer chez lui.

« Salut. Qu’est-ce qui t’arrive ? On peut dire que ce soir, les choses sont inhabituelles, non ? Je t’envoie un message pour venir plutôt que de m’incruster et t’as juste l’air … au bout de ta vie. »