Hawkins. Tu allais te lever, dans l'intention de sortir le dernier - sûrement pour rejoindre Callum et l'emmerder - mais il exige que tu restes. Tu plisses les yeux avant de laisser tomber ta tête contre le dossier de la chaise. Tu glousses, goguenard, les joues rosies par la culpabilité et l'embarras. Tu décrottes tes chaussures sales sur la table basse, les jambes tirées, sors une clope de ta poche pour te l'allumer. Bah merde alors, à peine une réunion et t'as réussi à te mettre ton nouveau chef à dos ? A moins qu'il ne veuille parler de cette histoire de duel. Mais ça te fait chier de devoir lui expliquer que ce n'était qu'une mauvaise blague, l'humour de chien galeux n'atteint pas les bonnes grâces des toutous du staff.

— « Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal chef- »

Le silence. Pendant quelques secondes tu phases. Fronces les sourcils. Tu écrases ta clope sur l'accoudoir de ta chaise et laisses le mégot tomber et se glisser entre les lattes du parquet.
Qu'est-ce que tu fous encore ici ? Et de quoi est-ce que vous avez discuté juste avant que tout le monde se casse ? Tu peines à te rappeler du sujet de conversation.

Tu te relèves de ta chaise, fais couiner le sol sous tes bottines. Et sans que tu ne l'es vu venir (et sans avoir pu le sentir ou essayer d'esquiver) ton crâne et une de tes joues s'écrasent contre le mur. Tu vacilles, glisses, sonné, avant de te rattraper malgré tout.
Wow wow wow, c'était quoi ce move de vipère ? T'es confus Duke, et ça te coupe la chique. Tu déglutis, portes une main à ta tête pour soulager la zone endolori. Si tu t'es questionné sur la possibilité d'un black out à cause de la drogue, tu constates qu'il a l'air trop serein pour que ça ne vienne pas directement de lui. Tu reprends contenance, étires un demi-sourire.

— « Vicelard ton tour de passe-passe. »

Pour la première fois depuis un longtemps tu ressens pas le besoin immédiat de répliquer.
Oh, les pulsions meurtrières sont belles et bien présentes, ensevelies derrière les rictus de façade et les regards qui le jaugent. Tu n'es pas stupide Duke, bien que tu aies à coeur de le faire croire. Tu ne tenteras rien avant d'en savoir plus.

Tu le laisses poser ses questions, souffles du nez face à son sarcasme.

— « Ma cible, ma cible... Pheme Willis c'est ça ? Une femme redoutable aux goûts raffinés. »

T'en as rien à foutre de Pheme Willis.
Tu hausses les épaules d'un air désintéressé.

— « L'objectif c'est de tous les tuer non ? Qu'importe l'ordre dans lequel on s'y prend. »

Et il vient définitivement de s'inscrire sur ta liste.

Ton sourire s'était évanoui au premier mot sorti de sa bouche. L'ordre. Tu ne rigoles plus, assommé par des ambitions qui, en effet, te dépassent. Le poids des responsabilités devient plus lourd à mesure qu'il s'amuse à décortiquer la moindre parcelle de ton individualité - en rappelant que ta liberté n'est qu'une mascarade accordée pour motiver votre résiliation. Comment est-ce qu'on dresse un animal pris au piège ? On lui laisse croire que sortir est une récompense méritée et que retourner derrière les barreaux est une punition pire que la mort elle-même.

— « AH ! Je comprends mieux pourquoi ils t'ont envoyé. Tu es beaucoup moins amusant que Fyodor. »

Pour la première fois aussi, tu prononçais correctement son prénom. A croire que tu t'étais lassé de vouloir l'humilier, maintenant qu'il n'était plus là. Sûrement mort, avec un peu d'espoir toujours vivant et assez conscient pour que les exactions du staff aient enfin raison de lui.

La pression monte et pourtant le ton est toujours aussi ferme. Tu l'écoutes sans remettre en question son discours. Ah que c'est frustrant de jouer les enfants sages quand son attitude est un appel à la violence ! Tu agites tes doigts, nerveux et sanguin. Tes yeux fous cherchent quelque chose à fixer afin de détourner ton attention de lui. Ta respiration se mue en des fragments de souffles irréguliers. S'il continue à te violenter de son autorité suprême tu pourrais faire une connerie Duke, te jeter sur lui quitte à tout perdre.

— « Ça dépend. »

Ta voix rauque s'enroue légèrement.  

— « Selon tes attentes tu pourrais ... être déçu, oui. »

Tu avances vers le semblant de bureau miteux derrière lequel il se tient. Tes doigts caressent le bois. Tes sens et ta notion du danger sont aseptisés et floués, à ce moment là. Tu n'as que faire des conséquences, tu n'as même pas conscience des limites que tu veux tester. Murmures, doucereux.

— « Je me demande ce que tes chefs te feront si tu échoues à cette mission, Swan Wallace. »

Toi aussi tu as écouté.

— « J'espère que tu crieras plus fort que ça, roquet. »

Si tes réflexes étaient surtout la résultante d'une souplesse animale, tu n'avais pas su prévoir les gestes et la maitrise de Swan. Il s'était saisi de ton bras avec une telle aisance que ton corps réalisa trop tard ce qu'il était en train de lui arriver. Le torse contre le bureau, le bras derrière le dos, tordu sous la force presque surhumaine de votre nouveau chef, tu serres les dents et encaisses le désagrément imposé par sa discipline.

Encore une fois, son impénétrabilité te perturbe. Tu étires un sourire, tout de même satisfait de savoir que tes mots ont pu (à défaut de lui faire de l'effet) l'atteindre suffisamment pour l'énerver. Sous les assauts fermes de sa poigne, tu te contentes dans un premier temps de gronder, immobile. Viennent ensuite les premières tentatives d'échappatoire, accompagnées d'insultes d'abord murmurées puis presque hurlées - avortées par le violent coup qu'il te porte en écrasant ton visage contre le bois du bureau.

— « SALE CHIEN DE LA CASSE. »

Tu renifles, passes ta langue sur tes lèvres pour récolter le sang qui s'écoule de ton nez. Tu tombes lourdement au sol, et cherches grossièrement à mettre de la distance entre vous, rampant d'abord sur tes genoux. Tu t'accroches à la chaise et te retournes comme un animal aux aboies. Tu le détailles, la respiration sifflante.

— « Je vais te baiser si fort que tu vas- »

Tu ravales ta salive. Qu'est-ce que t'es en train de faire ? Qu'est-ce que tu veux prouver ? Quand il sort son couteau t'as pas le réflexe de te saisir du tien. Tu restes à le contempler d'un air chafouin, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Il a la silhouette abusive, et quand tu fermes les paupières tu le revoies (mr. hawkins) se mouvoir dans l'obscurité. Tu fantasmes l'image de son corps dégradé par les coups le sang les os, tu imagines ses cris de détresse envahir ton esprit.

Est-ce que tu te trouves beau ?
La question te sort brutalement de ton état dissociatif.

— « Oui, évidemment. »

Et tu n'en as jamais réellement douté. Tu restes les fesses contre le sol, fixes la lame du couteau avec insistance. Essuies du poignet le sang séché qui s'accumule sous tes narines.

— « Et plus beau que toi, sans vouloir te vexer. »

Le rire qui s'en suit est malin, mais les pensées font désordre.

Je suis bien d'accord. Et il avoue ! Il concède à te laisser gagner sur ce terrain là ! Tu t'en étoufferais d'effroi si tu avais la lucidité nécessaire pour appréhender la grandeur de ton échec. Tu ne réalises pas tout de suite, et devines seulement ses intentions quand il agrippe tes joues. Ton corps se tend tout entier, et tes iris folles cherchent à se raccrocher aux siennes. Elles s'agitent sous la pression de la lame qui déchire les lèvres et les chairs. Ta peau douce tranchée, ta seule part d'individualité bafouée (car le reste de ton intégrité a déjà été saccagée il y a longtemps).

Malgré la raideur glaciale de la lame, tu tentes d'articuler les muscles de ton visage, déglutis à foison et colles ta langue sous ton palais pour amoindrir la douleur fulgurante qui se ressent jusque dans ta mâchoire. Tu t'accroches au pied de la chaise, te refusant à crier, mu d'une fierté inhabituelle.

Mais quand le couteau, ayant terminé son premier dessin, s'affaire à tracer l'identique de l'autre côté, tu laisses échapper une complainte effrénée.

— « Non ! Non non non non non non ! »

Et il continue, sa cruauté est peut-être la pire des punitions - car si les autres peinent à comprendre, lui a su, dès la première seconde, que les menaces ne seraient jamais suffisantes.
Que les mots n'auront de cesse d'appeler les tiens.
Qu'il n'y que la violence pour piétiner tes sens.

— « NON ! ARRÊTE ! »

Le sang se mélange à ta salive, tu restes stoïque et choqué lorsqu'il s'éloigne. La silhouette qui se dresse devant toi n'est plus qu'une ombre informe, une forme noire et insidieuse à contre-jour. Tu plisses les yeux et te caches du soleil, d'un seul coup meurtrier. Tu ne réponds pas, imagines seulement la laideur qu'il dépeint. Tu passes lentement tes doigts sur tes cicatrices et étouffes un sanglot dramatique. T'as une boule dans la gorge et, lentement dessines le contour des plaies sanguinolentes.

— « Je suis laid, je suis laid, je suis laid. »

Répété comme une litanie discordante.
Les sanglots poussifs se mélangent à un rire caverneux et désespéré. Tu te tiens le ventre et pousses un hurlement avec de reprendre le contrôles de tes gloussements éperdus.

— « Tu m'as défiguré sale merde... HAHAHA. TU M'AS DÉFIGURÉ ?! ... JE SUIS DÉGUEULASSE ? »

Dissocies.

— « Plus beau que toi... »