Un message de Cosmo. Une réu’ de toute urgence. Enfin « réu », c’est un bien grand mot. Il voulait te voir quoi. A l’hosto en plus, il s’arrêtait jamais bordel. C’était l’occasion pour lui de souffler, de prendre un peu de temps pour soi. Mais nan, il est toujours en plein dans toutes ces histoires. Le nez dans le boulot. Tu soupires en montant sur ta moto. Encore un qui est in capable de se poser. Tu pouvais pas lui en vouloir, vous étiez pareil sur ce point. C’est l’hôpital qui se fout de la charité.

En parlant d’hôpital, son message tombait plutôt bien. T’avais l’intention de squatter dans tous les cas. Lui apporter des trucs à graille ou à boire, histoire de lui éviter les trucs immondes qu’on lui refile chez les blouses blanches. Et voir comment il allait aussi. S’il arrivait à s’en remettre malgré le défilé d’abrutis qui devaient surement débarquer à l’improviste dans sa chambre.

Donc on peut dire que l’occasion tombe à pic. Sans mauvais jeu de mot. Tu serres les poings sur l’accélérateur en repensant à cette soirée. Quel merdier. Va vraiment falloir se bouger chez les BB. C’est justement parce que tu les considères comme une famille que ce genre de bordel devait plus se reproduire. Plusieurs blessés et morts dans une seule soirée. C’était vraiment le pire des dénouements. Rien qui va comme on dit.

Alors ouais. T’allais faire ta petite vendeta. T’allais fracasser des crânes et briser des mâchoires. Histoire d’être « quitte ». Mais tu pouvais pas tout faire toute seule Brownie. T’en avais conscience. La mifa allait devoir apprendre à se défendre, avec ou sans toi. Faut qu’il soit en mesure de rendre coup pour coup. Pas la peine de chercher la merde comme toi, mais rester en vie et éviter les blessures, c’est la base.

Tu débarques sur le parking de l’hôpital à toute berzingue. Tel un ouragan. Le moteur à fond, un dérapage qui fait gueuler tes pneus et met à mal le bitume. La subtilité, c’était vraiment pas ton truc.

Tu zappes complètement l’accueil et les commentaires des infirmières. T’avais le numéro de chambre et t’étais pas encore assez conne pour te perdre dans des couloirs monochromes. Y’a bien un random qui a voulu discuter avec toi, mais tu l’as dégagé d’un coup de coude avant de tracer ta route. T’avais pas le temps.

T’ouvres la porte sans frapper, c’était pas dans ton habitude de frapper dans une porte, enfin si. Mais pour les défoncer. Mauvais moment pour défoncer la porte donc.  De toute façon s’il t’avait contacté c’est qu’il était seul.

Tu rentres dans la pièce tout sourire, tout en posant sur sa table de chevet un sac plastique que t’avais rempli de trucs à graille. Acheté au passage.

Tiens, un pack de bières, des bonbons et des cookies. C’est sûrement moins dégueu que tout ce qu’ils te servent ici. Et plus utile que des fleurs pas vraies ?

T'avais oublié le salé, mais c'est un détail le salé, surtout à tes yeux. Rien de mieux qu'un peu de sucre pour passer une bonne journée.

Tu t’adosses contre un mur, à côté de son lit. Tu le regardes un moment, histoire de jauger un peu son état. Voir s’il n’est pas trop crevé, s’il est toujours un peu pâle. Inconsciemment tu t’inquiètes sincèrement sur son état de santé. Question d’habitude pour toi. Une habitude que t’avais pris avec TOUS les BB. Encore plus avec lui, que tu connaissais depuis longtemps. Aussi longtemps que tu pouvais t’en souvenir, t’avais toujours traîné avec.

Comment tu te sens poto ? Mieux ? Tu te fais pas trop chier sur ton lit d’hôpital ?

Tu connaissais déjà la réponse. Disons plutôt que ton intuition te soufflait directement la réponse. Il doit voir beaucoup de personnes défiler dans cette chambre, donc à ton avis, il n’avait pas vraiment le temps de s’ennuyer.

C’est quoi l’urgence ? Je dois éclater quelqu’un ? Nettoyer des gêneurs ? T’as des groupies un peu trop collantes ?

Tu le dévisages tout sourire. Tu voulais lui remonter le moral ou au moins lui changer les idées avec un peu d’humour. T’étais pas comédienne mais tu faisais de ton mieux.

La vie sans rire serait bien fade sinon.

Et on adore rire.

Pas vrai Cosmo ?

Au fond de toi. Tout était loin d’être parfait. T’avais le sourire, l’air radieux. Mais t’avais aussi la haine. Une haine qui te prenait aux tripes. Vous aviez trop perdu ce soir-là. Comme à chaque fois. C’est ta famille qui trinque. Faut dire que c’est le gang le moins dégénéré de cette foutu cité de merde.

Mais tu gardais cette émotion tout au fond de toi. C’était pas le moment tu te disais. Tu venais voir ton boss, ton meilleur ami. Ton frère adoptif. T’étais là pour lui, pas pour l’emmerder avec tes états d’âmes.

Pas maintenant.

Pas ici.

Pas comme ça.

T’es sûr ? T’avais pourtant l’air crevé.

T’insistes pas, s’il veut pas se confier, tu le forceras pas.

Et puis la discussion prend un tournant sérieux. Bien trop sérieux. Tu l’avais pas vu venir. Enfin si, mais pas tout de suite. Pas si tôt, pas alors que tu venais à peine de rentrer dans la pièce. Tu ne réponds pas, tu le dévisages l’air tout aussi sérieux. Pas besoin de mots, il suffisait de lui faire comprendre que t’étais à l’écoute, plus que jamais.

Il enchaîne avec une floppé de compliments. Tu clignes des yeux, tu ne t’attendais vraiment pas à ça. Pour être honnête, tu trouves même ça bizarre sur le coup.

Trop de compliments là, tu vas me faire rougir poto arrête.

Tu tournes ça à la rigolade. Le meilleur moyen pour toi de cacher ta gêne. T’en profite pour te jeter vers le pack de bières que t’avais planqué dans le sac pour t’en servir une et poser l’autre à côté de Cosmo. Tu t’assois sur le bord du lit tout en l’écoutant.

Ok on fait comme ça.

Attendez. Une minute. On recommence. On rembobine tout. T’as loupé un passage. Il vient de dire quoi exactement ? Tout est arrivé si vite. C’est passé de 0 à 100 en moins d’une seconde là. Même pour toi, ça va un peu vite là.

Tu recraches sur le mur en face de toi la bière que tu venais à peine d’entamer. Manquant de t’étouffer au passage. Après une bonne dizaine de minutes à tousser. Tu retrouves peu à peu l’usage de ta voix.

Attend, attend. Stop. On arrête tout. Tu viens vraiment de dire ce que je pense ?

T’étais fière au fond qu’il pense à toi. Mais tout arrivait trop vite. T’avais besoin de temps, pour assimiler. Pour arrêter le flot de questions qui déferlaient dans ta tête en ce moment même.

Pourquoi ? Je veux dire. C’est… Merci. Mais pourquoi moi ? C’est… Si rapide.

Tu te tournes vers lui en t’essuyant la bouche, t’avais presque foutu ta bière partout dans la pièce. Oops.

AIl était sérieux, son regard pouvait difficilement exprimait autre chose. Elle le connaissait assez pour savoir qu’il n’était pas là pour rire. Et elle non plus. Tu l’as vite compris, la situation était beaucoup plus grave que tu ne le pensais. Les quadrilles vous avez fait beaucoup de mal. Beaucoup trop. Tu serres les dents, t’avais un désir de vengeance qui te prenais aux tripes. Mais c’était pas le moment.

Alors oui… Mais….

Tu n’as pas eu la force. Lorsqu’il croisa ton regard, tu n’as pas eu la force de terminer ta phrase. Cette dernière se bloquant entre tes lèvres. Son attention était touchante, sa confiance te motivait à elle seule. Comment le contredire ?

Jvais tout donner Cos’.

Et bien plus encore. Quitte à ne plus dormir, tu te consacreras entièrement à cette mission. Veiller sur ta famille. Davantage encore.

Il aborda ensuite le sujet tabou. Solar. En parlant de lui, sa voix se faisait hésitante. Tremblante. Il alla même jusqu’à se frotter les yeux. D’un réflexe, tu passas le bras par-dessus son épaule, pour tapoter celle-ci.

Hey, tu vas gérer. Comme d’habitude. On va le retrouver. Je vais check de mon côté aussi. Je te tiens au courant.

Le retrouver. Ou le venger. Mais tu ne voulais pas lui faire entendre ça. Pas maintenant. Pas alors que la blessure était encore trop fraîche. Pour être honnête, t’osais pas trop y penser aussi. T’avais la haine rien qu’en y réfléchissant. Si tu le pouvais, tu démonterais tellement les personnes qui s’en sont prises à lui que même leur mère ne voudra plus d’eux.

T’avais encore ton bras par-dessus son épaule en écoutant la suite, tout sourire. Y’a pas moyen que tu ne donnes pas toute ta personne pour la famille. Tu t’étais toujours donné à fond avant ça, maintenant t’allais faire deux fois plus.

Yes. Je m’en occupe. On va redresser la barre tu vas voir. On va leur montrer à tous qu’on est toujours debout. Jvais pas leur donner la satisfaction de nous voir dans le mal.

Jamais de la vie. Ils allaient apprendre à quel point on touche pas à un membre de ta clique. C’était mort. Une fois. Pas deux. C’était déjà une fois de trop de toute façon.

Merci. Mais t’inquiète. Maintenant que je suis là, tu vas pouvoir chill. Je vais m’occuper du plus gros pour que tu puisses souffler un peu. Même en sortant de l’hosto. T’as besoin de vacances frérot.

Tu te redressas, non sans lui donner un tout léger coup de poing dans son épaule.

Ordre de ton capitaine. N’en fais pas trop ? Ok.

T’avais un sourire si grand qu’il ressemblait plus à une grimace qu’à autre chose. Tu voulais changer de sujet. Aborder autre chose.

D’ailleurs, t’as eu des nouvelles d’Edge récemment ? Askip c’est le bordel c’est les CG.

C’était pas une discussion plus légère mais, tu faisais de ton mieux, au moins il n’allait pas trop penser à Solar en parlant de son jumeau, du moins, c’est ce que t’espérais. Et d’un autre côté, t’étais aussi curieuse à propos de son frère. Que tu nu connaissais aussi bien que lui. Il avait beau être moins sociable et friendly, il restait un bon gars. Du moins, c’est ce que tu pensais.

Tu l’as pas capté depuis un moment.

Fais pas le con.

Edge.

Je t’en prie.

Te voilà Capitaine. T’avais encore du mal à assumer. A en prendre pleinement conscience. Tu restes un instant pensif. Le regard perdu dans le vide, à travers la fenêtre. T’étais resté tellement longtemps à côté de Cosmo. Qu’il était devenu comme un frère pour toi, après toutes ces années. Donc le voir t’accorder sa confiance également.

Tu étais touché.

Sincèrement.

Après tout, tu t’es toujours entendu avec les Blum. Même Edge, alors qu’il était plus… Compliqué. Ouais c’est le mot. D’autant plus que tu voyais en lui. Autre chose. C’est… Vraiment compliqué oui. Si seulement il se prenait moins la tête.

Tu tournes ta tête vers lui à nouveau, faisant à son sourire, répondant par un sourire d’autant plus radieux.

Yes, jvais y aller doucement. Je vais éviter de me flinguer en surmenage à peine arrivée. J’aurai l’air de quoi sinon ? Je me doute bien que tu seras là ! Sinon je n’aurai pas accepté !

Nouveau rire, nouvel éclat envahissant toute la pièce. T’essayais de réchauffer l’atmosphère du mieux que tu pouvais. De détendre les esprits. De faire en sorte d’apaiser l’esprit de Cosmo. Ne serait-ce que légèrement. Au moins à peine. Rien qu’un peu, et tu serais déjà comblé. Tu n’en demandais pas trop, à peine ce qu’il fallait.

Ouais tu m’étonnes. Et encore « compliqué » Tu fais toi-même des guillemets avec tes doigts. T’es gentil. C’est totalement galère ouais de s’approcher de lui.

Tu soupires, il vous rendait pas la vie plus facile. C’était sûr ça. Bien au contraire même. Et pourtant, t’étais là, l’une des dernières naïves sur cette planète à avoir confiance en lui. A te dire qu’il saura trouver sa voie dans tout ce merdier. A te dire qu’un jour. Qu’un jour très lointain. Vous pourrez à nouveau traîner tous les trois ensembles.

Comme avant.

Comme à la bonne époque.

Un sourire nostalgique se dessina pendant un bref instant sur ton visage. Comme une mémoire lointaine, disparaissant petit à petit. Avant de s’envoler à nouveau. Insaisissable. A peine atteignable. C’était si loin.

J’ai pas de détails. Tu te doutes. Je pouvais pas trop m’approcher des CG. Même avant. Je sais juste qu’ils se tenaient à carreau dernièrement, évitant de faire parler d’eux. Et entre nous, on sait que ça leur ressemble pas de pas foutre un peu la merde. Au moins légèrement. Du coup d’après ce que j’ai pu rencarder, c’est compliqué chez eux. C’est tout ce que je peux te dire.

Tu te masses les tempes, à mi-chemin entre la colère et la frustration de ne pas en savoir plus.

J’espère juste qu’il fait pas le con.

Après tout, seul, il avait la fâcheuse manie de se foutre dans des emmerdes monstres…

La discussion avait bien dévié à présent. Elle n’était pas totalement hors sujet non plus, puisque cette question tu allais bientôt devoir te la poser. Dommage que tu n’en ais pas encore conscience.

Au moins, tu n’étais pas seule, loin de là même. En plus de pouvoir compter sur le soutien de ta famille. Tu avais aussi l’épaule de Cosmo sur laquelle te reposer. Il avait toujours été là et tu avais ce sentiment qu’il le sera toujours. Présent pour t’aider, aussi bien toi que les autres. Pour tous les BB.

Justement, j’aime pas trop ça. Le fait qu’ils se tiennent à carreau m’inspire pas confiance. On risque d’en entendre parler bientôt. Et j’aimerai éviter que ça nous tombe sur la gueule si possible.

D’autant plus après les derniers évènements, après la quadrille. Et sa disparition. Mais t’avais évité d’en parler, de ramener le sujet. Faisant exprès d’être vague à ce sujet. Pas la peine de l’inquiéter à nouveau. T’avais difficilement réussi à lui faire changer de sujet, à penser à autre chose. Pas question de tout ruiner à nouveau.

Ouais, au fond je m’inquiète autant pour les autres que pour lui. J’ai peur qu’il fasse des conneries vis-à-vis des autres surtouts.

Même si tu t’inquiétais également un peu pour lui. Mais ça, c’était plus compliqué. Oui, c’est le mot. Et puis t’avais également peur pour les autres, Edge était pas vraiment du genre patient, pas du tout même.

La prochaine question te prend un peu de court. Vachement même. Tu restes un instant muette. Ne sachant pas quoi répondre. T’avais pas pensé à ÇA Frey. Le fait que tu pouvais pas tout simplement t’éclipser pour prendre des nouvelles. Maintenant tétais capitaine. Tu pouvais juste débarquer avec du Coka et des Cookies en mode « Youhou comment ça va depuis le temps ? ».

Et franchement, cette question t’aurait préféré ne pas te la poser. Vivre dans le déni. T’étais aussi proche de Cosmo que d’Edge.

Je… Je vais gérer ouais.

De toute façon impossible que tu trahisses la confiance de Cosmo. C’était impensable. Tu ferais toujours passer les BB avant TOUT le reste. Même ta propre vie. Mais pour être entièrement honnête. T’avais pas spécialement hâte de voir ce jour arriver. Si jamais un jour, tu devais te retrouver face à lui.

Non pas comme d’anciens amis.

Mais comme de nouveaux ennemis.

Assumer. Tu savais bien qu’il allait assumer. Le souci n’était pas là. Il y avait certaines choses que tu ne pouvais pas pardonner. Même si la personne assumait derrière. S’en prendre aux tiens, par exemple.

Mais tu ne voulais pas insister. Pas ramener davantage le sujet. Vous en aviez déjà assez discuté pour le moment. A la base, tu voulais lui changer les idées. Tout ça pour finir à nouveau dans une discussion sérieuse. Cette fraiche nomination commence déjà à déteindre sur toi. Tu sens un frisson parcours ton échine. T’avais encore du mal à te rendre compte de cette réalité. Assumer cette nouvelle. T’as juste besoin d’un peu de temps.

Yes. Je m’en occupe, j’avais l’intention de les surveiller de loin. Au moins pour éviter les embrouilles.

Du moment qu’on pouvait s’épargner des affrontements et des ennemis inutiles. C’était déjà ça de pris. Le reste ne dépendait que de lui.

Heureusement. Tu n’étais pas seule. Tu ne l’as jamais été. Grâce à lui et grâce aux autres. Tu avais en permanence l’impression d’être accompagné, d’être soutenu. Une fois encore, cette main sur ton épaule, tu étais invincible.

Cette sensation. Ce réconfort. C’est ce que tu voulais protéger à tout prix. Faire en sorte que tous puissent le sentir une fois dans leur vie. Alors, comme une promesse silencieuse. Comme un serment muet. T’allais tout faire pour ne pas le décevoir. Ni maintenant, ni jamais.

Quoi qu’il arrive ici-bas. Dans cette vie et dans les autres. Cosmo ne regrettera jamais son choix. Pas si tu as ton mot à dire.

2 jours ? Large. Je serai prête d’ici là. T’en fais pas ! Et merci encore. Cosmo.

Pour avoir été là. Pour avoir été compatissant. Pour te l’avoir dit ouvertement tout en mettant en avant ta présence. Tu le remerciais pour tout ça à la fois.

Tu l’écoutes ensuite, en levant un sourcil. Avant de te laisser tomber lourdement sur un fauteuil en face de son lit d’hôpital.

Partir ? Nope, c’mort. Tu vas pas te débarrasser de moi comme ça.

Maintenant que les sujets sérieux étaient passés, t’avais aucune intention de partir comme une voleuse. En lui tournant le dos. C’était l’occasion où rêvé de tuer le temps. Il n’aura pas à passer la journée seul et toi, c’était ta façon à toi d’être là pour ton grand frère.

A coup de rire et de sourire. T’allais lui remonter le moral. Peu importe le temps que ça prendra. Du moment qu’il oublie un peu ses doutes et ses inquiétudes. Du moment que t’arrives à lui arracher à nouveau un sourire léger et sincère. Alors à tes yeux, tu pouvais perdre tout le temps du monde. Rien que de le savoir heureux après les quadrilles, ça le valait largement.