Il est six heures du soir. Euh, nan attends, il est six heures du matin d’hier soir ? Quoi ?
…
Fin de soirée, donc. Bien mangé. Bien bu. La peau du ventre bien tendue. Enif marche –titube, plutôt ! dans la rue. Evite les charognards qui, faute d’avoir trouvé une proie sans aide monétaire, s’offrent les services de prostituées à la recherche d’un dernier client pour cette nuit. Sous le dôme, les premières lueurs du soleil ne vont pas se montrer avant encore quelques heures. Chaton s’allume une cigarette, tire une longue bouffée de fumée. Bloque la respiration. S’imprégner de l’odeur de brûlé, plutôt que d’inspirer encore la puanteur des bas-fonds après une soirée chargée en substances psychoactives. La sueur, le vomi. Les odeurs tenaces d’ébats multiples et frénétiques. Le cocktail nauséabond de jeunes pleins de sperme et qui puent la défaite, ou l’inverse. Ce qu’il déteste ce quartier, dès qu’il n’est plus perché si haut qu’il en oublie à quel point il pue.
Une main enfoncée dans la poche de sa veste, l’autre sur ses lèvres à tenir la tige de tabac, Nif lève un peu les yeux de ses pieds. La plupart des connards qui traînent ici à une heure pareille sont dans un pire état que lui, alors s’il regarde pas où il va…
Tiens, en voilà un qu’à l’air bien frais. Un Chili, en plus. Le mécano pousse un long soupir, et son visage se trouble derrière la fumée grisâtre qui s’échappe. Avec de la chance, il le reconnaîtra pas. Et Enif pourra tranquillement rentrer chez-
La gonzesse qui vient de bousculer son compère, là, elle a pas chopé un truc ? «
-Putain… » murmure le second. Il sort la patte de sa poche et empoigne le bras de la donzelle. C’est une femme, au moins ? Boarf. On s’en fout.
«
-Hoplà, fouille-merde. Tu vas rendre ce que t’as pris au déchet ambulant, à l’instant. », lance cheveux bleus avec un regard torve vers la pickpocket. «
-Ou alors tu me laisses regarder ce que tu lui as tiré. Et si c’est rien d’important à mes yeux, tu peux le garder. »
Faudrait pas que ce connard vienne de se faire voler des informations sur le gang, si ? Si c’est juste du fric, ou alors une montre hors de prix, Enif s’en contrefout. Par contre, s’il s’est fait tirer son com… Là, y’a bagarre. Pour les deux, d’ailleurs.
«
-T’inquiètes, je me fous de son fric. Je veux pas que tu fasses tourner sa sex-tape, ça m’emmerderait vois-tu ? »
Dans son immense bonté –et sa légendaire impatience, la panthère montre un sourire entendu à sa proie. Tu bouges pas tant que je sais pas c’que t’as volé, gamine.