Parfois, tu te demandais pourquoi tu faisais tout cela. Tu étais tout simplement épuisée. Dernièrement, ton sommeil te jouait des tours. Tu dormais peu, te réveillais tôt pour pouvoir accueillir Semna ou emmener Léo chez quelqu’un ou à la garderie, te rendais à tes cours à l’université puis au travail. Mais tu ne pouvais pas penser à te reposer, ne serait-ce qu’un peu. Le soir, tu retournes chercher Léo, vous rentrez à la maison et tu prépares le repas. Bien évidemment, tu passes un peu de temps avec ton fils, tu lui fais prendre son bain et vous regardez un peu la télé. Puis, quand cet adorable garçon va se coucher, tu te reconcentre sur tes cours avant d’aller te coucher.
Ton quotidien rythmé te donnant parfois l’envie de tout arrêter. Mais tu arrivais bientôt au bout de tes études, tu ne pouvais pas abandonner en si bon chemin. De plus, voir Léo si souriant te donnait la force de continuer. Tu voulais lui offrir un avenir radieux, un futur qu’il méritait pour t’avoir apporté autant de bonheur depuis que tu savais son existence.

Ce jour-là était comme les autres : difficile. Tu finissais bientôt le travail, ta tête te faisait mal, tu avais hâte de voir ton enfant. Encore heureux que tout soit calme. Tu préparais un bouquet de fleurs à un homme en te disant que la personne qui allait l’avoir était sacrément chanceuse. L’homme paye, ravi de ton travail, et part avec un grand sourire. Toi aussi, tu souris. Puis, tu accueilles le prochain client.
-Bonjour, que puis-je faire pour v…
Tu t’arrêtes. Reconnaissant la personne se trouvant en face de toi. Ton visage prit une teinte rosée. En face, tu avais l’habitude de l’appeler monsieur Morales. Mais dans tes pensées, tu disais simplement River. C’est un peu con à dire, mais tu le connaissais surtout parce qu’il travaille au centre de loisir où tu emmènes Léo. Parfois, rien que le fait de le croiser en coup de vent te rendait heureuse. Tu aimais aussi beaucoup discuter avec lui. Tu avais même pris l’habitude d’emmener Léo plus souvent au centre histoire de le voir un peu même de loin. Mais la vérité était telle que tu n’osais pas essayer d’aller plus loin.
-Quelle surprise.
Une pointe de timidité se fit entendre dans ta voix.
-Comment allez-vous monsieur Morales?

Petit silence. Une gêne s’installe. Tu penches doucement la tête, le regard toujours fixé sur lui. Tes joues avaient pris une teinte rosée. Tu te perdis dans ses yeux, attendant toujours sa réponse. Tu allais finir par oublier que vous vous parliez de base. Tu finis par te rendre compte de la situation, lui aussi visiblement. Il bégayait. C’était mignon. Tu émis un petit rire, charmée par la maladresse du jeune homme. Il était vraiment adorable.

Il te demanda de l’appeler par son prénom ce qui te fit rougir encore plus. Jamais tu ne pouvais t’autoriser à l’appeler River devant lui. Bien qu’il te le permettait, tu ne te sentais pas légitime. C’est vrai, tu n’étais qu’une mère amenant son enfant au centre de loisir parmi tant d’autres. Votre relation n’était pas si fusionnelle où tout du moins assez développée pour que tu puisses lui parler comme si vous étiez proche. Cela ne voulait pas dire que tu ne le voulais pas, au contraire, juste que tu n’osais pas. Tu n’osais pas lui proposer de se voir en dehors de votre travail ou juste pour Léo. Tu n’osais pas lui demander si cela lui plairait d’aller au restaurant ou au cinéma, on ne sait jamais. Et il était hors de question de vous alcooliser pour faire “évoluer” la situation. Si jamais cela devait arriver, tu voudrais que cela se passe doucement, mais surtout sûrement. Oui, tu y avais déjà pensé.

Il était donc là pour une commande… Enfin, oui, c’était évident sinon il ne serait pas là. Mais tu n’aurais jamais pensé que la commande soit au nom de Salomé Morales. C’est con, mais tu ne t’étais jamais posé la question sur le nom de famille de cette femme. Tu avais pris l’habitude de la voir souvent en très peu de temps, et c’était une femme véritablement adorable. Tu esquissas un sourire, celui de la jeune fleuriste joyeuse et optimiste.
-Oui, nous en avons bien une. Je vais chercher tout cela.
Tu regardes une liste sur laquelle se trouvait la fameuse commande tout en te demandant si ta patronne n’avait pas déjà préparé tout ça. Tu te rendis en arrière-boutique. Tu étais un peu perturbée. La vérité était telle que tu aimerais engager la conversation, parler plus avec lui, en apprendre plus sur lui. Alors, tu haussas un peu le ton de ta voix pour qu’il puisse t’entendre correctement.
-Madame Morales est votre mère ? Peut-être votre tante ? Dans tous les cas, je la trouve vraiment adorable. On voit qu’elle aime les plantes.
Tu regardas un petit carton sur lequel rien n’était écrit et regarda dedans. Non pas ça. Un autre peut-être alors. Oui! Le nom est écrit! Tu pris le carton et le ramenas là où se trouvait River. Dans le doute, tu allais recompter si tout était bien là tout en les mettant dans un sac.
-Elle vient assez souvent, elle doit aimer les plantes non?
Tu souriais toujours, regardant correctement s' il n’y avait pas d’erreur.

Bien! Tout était nickel. Il ne manquait plus qu’une chose. Tu tournas vite fait dans le magasin, cherchant quelque chose en particulier et pris finalement un bouquet de campanules. Automatiquement, tu le rajoutas dans le sac.
-Ce n’est pas demandé dans la commande, mais c’est la maison qui offre.
Tu aimais faire ce genre de choses.
-Ce sont des campanules. Cela veut dire que l’on exprime une certaine gratitude envers la personne qui les reçoit.

Il te tendit timidement l’une des fleurs que tu avais toi-même offertes au départ. Tes joues devinrent rouges à nouveau. Aux yeux de tous, c’était sûrement un geste banal. Mais, à tes yeux, c’était comme qui dirait un tout. Soyons honnêtes, tu l'aimes… bien? Enfin, je suppose que l’on peut dire ça comme ça. Disons qu’il te plaît. Ça, c’est certain. Là, dans ta tête, c’était un volcan d’émotion. Un peu comme dans les dessins animés comiques que tu regardais à la télévision étant petite. Cette fille amoureuse qui s’imaginait déjà mariée, avec deux enfants et un chien avec prénom débile. Bon ok, ce n'était pas réellement comme ça dans ta tête. À vrai dire, c’était même plus comme ça : “ Oh mon dieu, est-ce qu’il m’aime? Et s’il m’aime est-ce que ça veut dire qu’on va se mettre en couple? Léo sera d’accord? Après il l’aime bien donc il ne sera peut-être pas contre! OLALA IL M’A OFFERT UNE FLEUR!” Ouais, t’étais quand même sacrément “excitée” pour ce simple geste. Mais en soit, c’est un peu mignon. Enfin, je trouve personnellement. Une femme “amoureuse” se pose tellement de questions, elle tente de plaire à celui ou celle qui lui plaît. C’est adorable et tellement pur. Si on enlève les femmes qui sont tellement prêtes à tout et qui foutent la merde bien sûr.

Tu tendis ta main et pris la tige de la fleur, caressant du bout des doigts la main de River. Tes yeux plongés dans les siens, essayant parfois de les fuir, mais restant prisonnière de ses iris, un petit sourire timide. Ta main était restée sur la sienne, comme collée. Ou alors tu ne voulais juste pas rompre ce contact. Reprenant “conscience”, tu retiras ta main, tenant fermement la fleur. Tes yeux se libérèrent de l’agréable prison dans laquelle ils étaient enfermés. Tu devais dire quelque chose, vite!
-M.. Merci…
Mouais, pas mal. Mais ça aurait pu être mieux. Aller! Essaye de dire autre chose, au moins pour débloquer la situation! N’importe quoi. Tu posas délicatement la fleur à côté de la caisse et replongeas ton regard dans le sien. Puis, prise d’un courage soudain, tu pris ton tablier dans tes mains, serrant fort pour te donner plus de courage et demanda subitement :
-Est-ce que ça vous dirait qu’on se voit en dehors de nos activités professionnelles?
Ton visage entier était rouge, tu n’avais jamais osé faire cela avant. En même temps, généralement tes parents t’interdisaient toutes relations amoureuses, prévoyant ton propre mariage depuis un moment.
-Enfin… Je veux dire… Peut-être aller au cinéma… Ou au restaurant.. Je ne sais pas comme vous voulez. Enfin, si vous êtes d’accord….
Tu fuyais son regard, envahie par la gêne et la timidité.