Du silence.
Elle devait bien reconnaître que ce quartier général miteux a tout de même ses avantages. Celui de pouvoir faire un peu ce qu’elle veut sans se soucier de ceux qui sont dehors, à attendre patiemment qu’elle sorte tels des rats attendant un morceau de fromage. Les doublures sont utiles aussi, un peu chère mais au moins l’argent fait taire leur joli minois et elles font de bonnes distractions le temps de son absence.

Cassiopée se retrouve donc assise sur le canapé de l’appartement des BR, à moitié allongée en fixant le plafond, un léger sourire au visage.

Ne rien faire et ne rien entendre.
Rien de mieux pour se détendre.

Sa perruque blonde gisant à ses pieds, elle profite simplement.
Ferme ses yeux.
Tête qui part légèrement sur le côté alors qu’elle stabilise sa respiration, elle laisse ses pensées vagabonder dans un exercice de sommeil qu’elle essaie de maîtriser. Repense à sa fausse vie chez les BB, cette chaleur qui l’excède presque tant cette bonté est grotesque. Sa « famille » qui ont simplement le même nom de famille qu’elle et qui pourtant, pour la plupart, semble l’accepter.

Ses faux amis, car ils la laisseront tomber si jamais ils apprennent sa réelle identité.
Celle d’une meurtrière qui n’est là que parce que sa liberté est dirigée par le Staff.
C’en est navrant, certains penseront.

Mais la pire torture pour un être ayant découvert le monde, c’est d’en être privé. Des barreaux impossibles à briser, de la violence partagée dans un matelas miteux ne servant à rien d’autre qu’à contempler le plafond de sa non-existence. Au final, s’il y a bien un point commun que beaucoup de BR ont, c’est cette addiction de la liberté.

Sinon ils ne seraient pas là.

Un son la sort de sa torpeur, ses yeux s’ouvrent instantanément pour que ses prunelles violacées se posent sur la porte d’entrée qui grince, luisant de son pouvoir qui s’active alors que sa main se lève.

Prête à réduire en cendre le premier inconnu qui passerait.

Flamme qui s’amenuise entre ses doigts qu’elle finit par baisser, elle fixe le nouveau droit dans les yeux.

Icarus, celui qui vole trop haut au point de se brûler les ailes.
Un mythe qui pourtant, leur va bien à tous.
Ceux qui ont vu trop haut et qui ont chutés trop bas.

« Icarus. Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Voix posée, elle regarda attentivement sa silhouette avant qu’une odeur familière vienne chatouiller ses narines. Salé, métallique. Puis ses yeux se posent automatiquement sur sa main couvrant une partie de son épaule. Celle qui cache une blessure au vu du sang qui coule entre ses doigts.

« … Une bagarre ? »

Pas venu ici pour se détendre, mais plutôt pour se soigner apparemment. Elle ne l’aurait pas pensée ainsi, après. Elle ne le connait quasiment pas. Pensive, l’espace de quelques instants, elle reprend rapidement ses esprit en reculant de quelques pas.

« Je vais t’aider. Tu auras du mal à te soigner tout seul vu l’endroit où tu es touché. »

Une occasion de voir si ses compétences en médecine sont toujours présentes.

Le coin des AS.
Plutôt vague comme endroit vu la grandeur de ce dernier, ainsi elle le fixe avec un sourcil arqué mais sans en rajouter pour le moment. Son regard le suit quand il va vers la cuisine, sourcils qui se froncent cette fois en l’entendant souffrir ainsi. Ses doigts se serrent doucement sur ses bras quand elle les croise.

Sourire à peine dissimulé en entendant son agacement du moment, elle rajoute face à sa dernière phrase juste un simple murmure.

« Je ne me force jamais en dehors de ma mission. Donc non, je ne suis pas obligée. Tu devrais en profiter, je ne fais pas souvent preuve de compassion. »

Sur ces mots, elle se dirige donc vers la salle de bain en silence.
Non, elle n’aide pas les gens, convaincue que de toute façon, tout le monde ne pense qu’à sa propre personne dans ce monde. Cassiopée l’a vite comprit, le corps n’est qu’un tas de chair et de réflexion, toutes ces choses comme les sentiments, les émotions, la conscience ou la moral, même l’âme, ne sont que des concepts pour expliquer des réactions face à ce qui peut arriver.

Et pourtant, ce domaine invisible qui anime la vie, qui permet de survivre, reste une intrigue. Ces émotions et sentiments animent le réel à travers l’être qu’ils sont. Ils font rougir, pleurer, hurler.

C’est fascinant.
Surtout pour elle.

« Cela sera plus simple avec ça. »

Dit-elle en revenant avec une trousse de premier secours. S’installant sur le canapé, elle pose sa main sur le coussin à côté d’elle avant de le tapoter en le regardant.

« L’idéal serait que tu sois assis, donc à moins que tu préfères faire ça dans une chambre, ce canapé est mieux que ce qui sert de placard dans cette cuisine. »

Pour le coup, elle n’a aucune arrière-pensée en tête.
Même si clairement, vu son sourire amusée, elle sait qu’elle ne va pas s’ennuyer.

Il approche sans trop rechigner, s’installe à ses côtés sans résister.
Cassiopée en profite pour mieux le regarder, laissant ses yeux détailler sa silhouette qui approche avant de mieux observer les traits de son visage. Ses mèches sombres qui l’encadrent, prunelles dont il serait si facile de s’y noyer vu la profondeur qu’elles ont.

Cligne des yeux, remet ses pensées en place quand il reprend la parole.

« Oui c’est la pire idée de se reposer sans soigner ta blessure… Attends, fais attention. »

L’arrête dans son geste, elle saisit le poignet de sa main cachant encore sa blessure tout en le fixant.

« Laisse-moi faire. Je ne vais pas te faire mal, donc détends toi. »

Voix un peu plus douce pour qu’il lui fasse un peu plus confiance. C’est dur pourtant, de l’accorder même un instant, surtout dans leur groupe. Mais s’il est là, c’est au moins parce qu’il a conscience qu’elle ne lui fera rien. Ah, encore une histoire avec ces choses invisibles qui guident l’être vivant.

Doucement, sans détacher son regard du sien, elle lui retire sa main, ôtant sa dernière résistance avant de la poser sur son épaule. Du bout des doigts mais avec une certaine fermeté, elle lui retire donc sa veste sans trop le faire bouger. Le but c’est de le soigner, pas d’empirer la situation.

« Merci. Maintenant il va falloir enlever le reste. Ou alors je découpe ton haut, tu as le choix. »

L’ambiance pourrait être vraiment étrange.
Elle-même en a conscience, mais elle garde son sérieux.
Et pourtant, ces émotions et ces sentiments qui rendent tout si illogique font leur apparition, quel dommage qu’elle sache si bien les faire taire.

Un rire nerveux accueille sa question.
Et il s’essaie à retirer lui-même son haut.
Non sans causer quelques dégâts.

Cassiopée qui le regarde faire sans bouger, l’air décidément bien amusée de ce qu’il se passe. Il se fait encore plus mal pour épargner son vêtement, c’est admirable. Ne jette même pas un regard au pauvre haut qui finit au sol alors qu’il se laisse retomber sur les coussins, elle fixe son visage.

Pour ne pas que ses prunelles dévient sur un torse nu qui est remplie de promesses de belle vue.

« Tu aurais dû oui… Aller, redresse toi un peu, je vais avoir du mal à nettoyer ta plaie si tu restes comme ça. »

Se saisit d’un coton sur lequel elle verse du désinfectant.
L’odeur chimique remplie ses narines mais son air devient soudainement concentré.
Pas trop non plus, puis elle se rapproche en fixant la blessure qui maintenant, est bien visible.

« … Eh bien, on ne t’a pas loupé. Mais à première vue, tu vas vite t’en remettre. »

Pause, elle pose sa main de libre sur son épaule pour la tenir tandis que de son autre main, elle approche le coton.

« Ne bouge pas. »

Dans un premier temps, elle pose le coton sur les bords de la plaie pour nettoyer le sang afin de mieux voir ce qu’il en était. Ce qui ne devrait pas trop piquer.

Les yeux rivés sur la blessure tandis que ses gestes se font rapides et précis, elle prend pourtant la parole au bout de quelques secondes de long silence.

« Qu’est-ce que tu as fait pour que les AS te fassent ça ? »

Ça va le distraire, le temps qu’elle fasse un petit nettoyage avant de passer au grand ménage.
Et puis, au fond, elle a aussi envie d’en savoir plus.

Il s’explique, elle écoute attentivement avant qu’un sourire incontrôlée ne s’affiche sur ses lèvres.

« Effectivement pour la discrétion, on repassera. »

Secoue légèrement la tête, imaginant simplement le pauvre homme se faire congeler sur place. Quand elle y pense, le don du jeune homme est tout l’opposé du sien. Lui gèle, quand elle brûle. Une question se pose, qui gagne entre les deux ? Le feu, ou la glace ? Celui qui frappe le premier ou celui qui résiste ? La logique voudrait que les flammes soient vainqueurs mais…

Il ne vaut mieux pas crier ce genre de chose trop vite.

Une fois le premier nettoyage fait, elle dépose le coton sur la petite table pour mieux examiner la blessure.

« … Hm. Je pense que je ne vais pas avoir le choix. »

Pas besoin de lunette pour voir que c’était profond. Et un peu trop ouvert pour qu’un pansement suffise.

« C’est une lame qui t’a fait ça non ? En tout cas je te le dis, je vais devoir recoudre ta blessure. »

Et ça, ça allait faire mal. Doucement, elle regarde de l’autre côté pour voir si ça avait traversé son épaule mais apparemment non.

« Au moins, il n’y a qu’un côté à faire. »

Combien de temps qu’elle n’a pas fait ça au juste ? Elle se souvient encore de la première fois où elle a recousue une blessure, c’était il y a tellement d’année encore… Sa tête tourne, elle croise son regard et un sourire apparaît de nouveau sur ses lèvres.

« Un glaçon contre quelques points de sutures, je ne suis pas sûre que ça valait le coup. »

Se rassoit, elle prend des compresses avant de les lui tendre.

« Il faudrait que tu utilises ton pouvoir pour anesthésier tes nerfs au niveau de ta blessure pour que ça te fasse le moins mal possible. Ça va prendre quelques minutes mais une fois que tu ne sens plus rien à ce niveau-là, tu me le dis. »

Parce qu’elle n’a rien d’autre pour lui éviter la peine qu’il va endurer.

« … Ça va aller ? »

Question stupide.
Bien sûr que non.
Pourquoi tu poses cette question, Cassiopée ?

Il l’écoute, elle cache la surprise de voir qu’il est si docile mais ne s’en plaint pas.
Au contraire, elle le regarde attentivement quand il use de son pouvoir comme elle lui a demandée, réprimandant un frisson en sentant le froid lui caresser la peau même de sa courte distance.

Ne perdant pas plus de temps, elle se saisit alors d’une petite pochette qu’elle ouvre, dévoilant plusieurs types d’aiguilles, du fil et des petits ciseaux. Comme un kit de couture, mais version chirurgien. Ce n’était pas très qualitatif mais ça ferait l’affaire. Sans hésiter, elle se saisit de l’une des aiguilles et use à son tour de sa faculty pour faire naître une petite flamme sur son doigt et la passer en dessous pour la stériliser.

Il faudrait bien éviter toute sorte d’infection.

« Ne t’en fais pas, je n’en suis pas à ma première fois. Ce qui risque de te faire mal, c’est si jamais tu bouges de trop. »

Pause, report ses yeux pour les planter dans les siens.

« Mais tu dois le savoir, donc je vais te demander de t’allonger maintenant. »

Là, ça serait beaucoup plus simple et son corps sera calé, donc moins de risque de se louper si jamais il fait le dissident.

« … Je te laisse choisir un sujet de conversation, si jamais ça peut te faire penser à autre chose. »

Les yeux sur son aiguille, elle retire sa flamme qui s’éteint quand celle-ci est prête et elle le regarde avant de lui caler l’épaule, prête à s’y mettre.

Elle s’y met.
Ses doigts habiles manipulent l’aiguille avec précision, la chaleur dégagée par la pointe faisant fondre la glace ayant trop imprégnée la peau pour mieux la percer et ainsi, faciliter son travail.

Concentrée, son regard vissé sur ce qu’elle fait,
Elle est pourtant surprise.
Sincèrement.
Par ses paroles.

« … Pardon ? »

Son attention se porte sur le visage du jeune homme, cherchant la moquerie dans un demi-sourire ou le mensonge au fond du regard. Mais rien, peut-être de la confusion dû à la douleur, lui faisant avoir des idées ou pensées étranges, ce n’est pas non plus rare d’avoir des délires à cause de ça.

Pour l’avoir vu, elle sait de quoi elle parle.

Mais elle ne pensait pas entendre ça, pas du tout.
Alors c’est elle qui étire ses lèvres et dont le léger rire fait écho dans la petite pièce.

« Tu as si mal que ça, Icarus ? … Ne t’en fais pas. Je ne vais pas tarder. »

Sourire qui ne quitte pas ses lippes, elle reprend son opération.

« Tu auras besoin de repos. Mais après ça, je veux bien t’offrir un café. Pour te remercier de m’avoir fait confiance. »

Deuxième point de fait.

« … Si tu t’en souviens, bien sûr. Parce que je ne te le rappellerais pas. »

Regard de nouveau planté dans le sien, un air de défi sur son visage.
On verra bien s’il souhaite conserver ce souvenir ou non.