Combien d’années ?
Un peu trop, qu’elle a vécue à cet endroit.
Postée devant ces ruines, une petite valise tenue dans sa main, ses yeux contemplent un passé qui n’est plus que cendre. Se mord les lèvres, elle ose faire un pas pour pénétrer en ces lieux détruits, confrontant sa mémoire et cette culpabilité qui lui tort le ventre.

Un premier pas, une vague de souvenir lui revient.
Celle où elle est arrivée, où elle a été acceptée dans ce gang qui débutait tout comme elle dans la vie. Adolescents voulant prouver au monde leur existence, elle ne cherchait qu’un refuge où elle a trouvée, au final, un petit nid qui lui apportait du bonheur.

Un deuxième pas, puis un troisième.
Ses yeux observent avec attention ce qu’il reste et.
Sa gorge se sèche.

Son cœur se brise en voyant tout ça.
En constatant qu’il n’y a que les débris là où sa mémoire voyait encore ces moments où tout était encore calme, où il n’y avait qu’eux en train de rire ou pleurer. Eux qui existaient dans leur monde où les rêves étaient permis, où leurs ambitions allaient jusqu’aux étoiles.

Ces rêves ne sont plus que cendre et elle se retrouve là, sur ces ruines, à les regarder.
S’en voulant d’avoir perdus ces derniers moments avec eux, avec cette famille qu’elle n’aura plus. Parce qu’elle s’est perdue à cause de sa faiblesse. S’avance doucement vers une moitié de mur miraculeusement en place, elle pose sa main dessus tout en essayant de contenir ses premières larmes qui menacent de couler.

« … Je suis désolée. »

Un murmure que seul la poussière entendra.
Qui n’apaisera nullement sa peine, mais qui devait être avoué.
Un pardon demandé, mais qui ne sera jamais.
Jamais.
Accepté.

Sa voix résonne tel un glas
Murmure d’un juge à une coupable, l’apostrophant alors qu’elle a conscience de ses crimes.
Elle ose relever la tête pour regarder son bourreau, n’ayant nullement peur de sa sanction.

Edge, dans toute sa grandeur, il s’approche et, de ses yeux bleus luminescent, s’impose en menace pour son existence.

« … Edge, je ne m’attendais pas à te voir. »

Non.
Pas aussi vite, mais pourtant, elle ne recule pas.
Elle n’en a plus le droit.
Sinon, elle n’aura plus de jambe pour courir.

Et pourtant à travers ses mots, de sa question sur sa confiance, une interrogation s’impose à son esprit. Pourquoi cherche-t-il une foi chez une fuyarde ? Pourquoi ne pas la punir avant ? Après tout…

« Je ne suis pas morte. Ce jour-là. »

Voix tremblante, elle ne détourne nullement son regard, affrontant le sien dans une bravoure inconsciente.

« J’ai fui… Sans chercher à savoir s’il y avait des survivants. »

Elle le mériterait, de mourir ici, frappé par le destin qui vient la rattraper. Parce qu’elle le sait, qu’elle aurait dû y laisser la vie. Comme les autres, comme ceux qui sont restés. C’est ainsi qu’elle écarte doucement les bras, un sourire serein.

Oh, elle n’a pas peur.
Elle a trahi la seule famille qui a bien voulue d’elle. Fuir n’a jamais été une solution pour elle, car la vie vient toujours la rattraper pour lui rattraper les erreurs faites.

« Donc oui, je vous ai trahis. Je vous ai abandonnés. Je ne nierais pas ce fait. Donc vas-y. Je ne mérite pas de compassion ou de pitié, simplement le même sort que… »

Notre ancienne famille.
Celle détruite.
Mais ça, tu ne peux pas le dire Rhéa, tu n’en es plus digne.

Elle ne bouge nullement quand il s’approche.
Quand sa main se lève pour lui saisir son cou, il n’y a aucune résistance de sa part.
Rhéa, si fragile, même si elle essaye. C’est perdu.

Sa sentence tombe, elle ne lutte nullement.
Ses yeux dans les siens, jusqu’au bout.

Si elle doit voir une dernière chose avant de se réveiller de nouveau, c’est bien le visage de celui qui l’a protégé avant lui prendre une première vie.

Que-voit-il en face de lui ?
Le vestige d’un passé qui n’est plus ?
Ou une traitresse qui doit périr ?

Elle ne pourrait pas le dire Rhéa.
Car il retire ses doigts, prêts encore à lui broyer le cou il y a quelques secondes.

Nouvelle interrogation, alors qu’elle-même se demande pourquoi il l’a épargné. Mais elle sait, mieux que beaucoup de personnes, qu’il y a des questions à ne pas poser. Qu’il y a des mystères qu’il vaut mieux garder. Et s’il ne veut pas la tuer maintenant, c’est peut-être pour le faire plus tard.

Elle ne doute pas qu’il serait capable de la retrouver pour l’achever lui-même s’il en avait envie, maintenant qu’il sait qu’elle est encore en vie.

« J’ai… arrêtée. Ça. Après… »

Un geste de la main, montrant les ruines.

« Fuir… C’est un gain de temps perdu. Alors j’ai arrêtée. »

Elle a mis un stop, à tout ce qui pouvait lui faire oublier.
Elle revenue, pour assumer.
Même si son corps abîmé lui, lui fait regretter.

« Je suis là parce que j’ai entendue parler de toi, qui a prit la tête des Chili Gazpachos. »

Lui, il a bien avancé.
Alors qu’elle, elle peinait à respirer.

« Alors, je voulais simplement voir… Quel genre de choses tu accomplirais. »

Parce qu’elle a toujours cru en lui, en eux, les PM.
Jusqu’à il y a encore quelques mois.
Jusqu’à ce qu’elle se perde.

« C’est tout. »

Elle n’a pas d’ambition Rhéa.
Elle n’est pas celle qui voudra conquérir le monde.
Elle n’est pas celle qui ôtera les vies pour atteindre ses objectifs.

Non, Rhéa ça a toujours été celle qui dépendait des autres pour vivre, qui regarde ses proches avant de se voir elle. Alors même maintenant, alors qu’il était prêt à la tuer, elle voulait être l’une de celle qui pourrait le suivre. De loin ou de près.

C’est con, pas vrai Rhéa ?
Dire que tu ne savais même pas qu’il était en vie, et maintenant t’oses dire ce genre de connerie.
T’es vraiment minable.

Elle compte les pas, quand il commence à reculer.
Ses sourcils se froncent, sentant quelque chose se déclencher dans sa tête.
Puis il lui parle, le dos à demi-tourné.

Le visage à peine porté sur le sien.
Il va s’en aller.
Elle ose un pas, puis un deuxième vers lui, une légère inquiétude sur ses traits.

« A-Attends ! »

Le retenir, juste un peu.
Juste le temps de lui dire une dernière chose, même si elle ne devrait pas.
Même si elle n’en a pas le droit.

« Edge… Si jamais. »

Aller, sois courageuse Rhéa. Ce n’est pas en te taisant que tu vas réussir à aller de l’avant. Tu as fais des efforts, c’est bien pour quelque chose pas vrai ?

Et pourtant, une profonde crainte lui prend les trippes.
Il l’a épargné de justesse, si jamais elle prenait les choses pour acquises, cela ne la condamnerait pas dans les prochaines secondes ?

« Si jamais… Tu as besoin de moi. Ou de ma faculty… N’hésites pas. »

Pause.
Elle le regarde, elle appréhende mais elle ne peut plus reculer.
Parce qu’elle lui reste loyale, malgré son abandon.
Et que jamais, jamais elle ne pourrait suivre quelqu’un d’autre après ce qu’il a pu faire pour elle.

« Je suis à ta disposition. »

Un serment qui n’oserait être défait,
C’est comme un vœu à demi prononcé.
Elle sera là et ce, tant qu’il aura besoin d’elle.


Si jamais, il a besoin d’elle.

Quand il se tourne et lui offre ce sourire, ses yeux s’écarquillent.
Un souvenir similaire lui revient, s’accentuant alors qu’il lui tend la main.
Comme il l’avait déjà fait autrefois.

Sa proposition tombe, elle sent une joie presque désespérée s’emparer de son être. Est-ce qu’elle le mérite ? Est-ce qu’elle a le droit d’être de nouveau à ses côtés, à le protéger ? Ses lèvres se mordent, ses sourcils se froncent.

Elle contient ses larmes avec tant de férocité qu’on peut difficilement manquer ses joues qui deviennent rouges sous l’émotions et ses yeux qui brillent un peu trop.

Il lui redonne une chance.

S’approche, réduit la distance et elle lui prend la main, trop grande comparée à la sienne qui semble si fragile.

La tête relevée, elle le regarde avec un sourire qui crèverait le cœur de par sa sincérité.

« Merci. »

Jamais plus elle ne te décevra.
Jamais plus elle ne te tournera le dos.
Jamais plus elle ne te laissera.

Nouvelles résolutions, prête à tout faire pour être digne de la nouvelle confiance qu’il accepte de nouveau de lui confier. Pas besoin de mots, de phrases inutiles. Car les paroles sont faciles à prononcer, alors elle lui prouvera par ses actes.

Qu’elle méritera cette main tendue.