CaractèreCassandre est une enflure, c’est tout ce que vous avez à savoir à son sujet. Si vous avez une faiblesse, une petite fissure dans le tissu de vos certitudes, il saura y glisser ses mots envoûtants. Il empoisonne votre esprit de ses vils idéaux, il vous soumet avec votre plein consentement, il lit en vous comme dans un livre ouvert. Sa voix douce vous persuadera que toute cette discussion est à votre avantage, que vous menez la danse; dès l’instant où vous vous sentirez à l’aise, il sera déjà trop tard. Vous avez perdu.
Ses yeux hazel vous scrutent, avec un petit sourire en coin. Cassandre sait pourquoi il est là. Il est détendu. Il est confiant. Il sait pourquoi vous êtes là. Quand vous avez passé le pas de la porte, il savait tout de vous. Il savait pour vous, vos enfants, votre compagne, vos amants, votre famille, votre entreprise, votre entourage. Il a pipé les dés pendant que vous essayiez de le cerner. Les manches de sa chemise remontées aux coudes lui donnent un air décontracté, il sait qu’il a gagné dès le moment où vous avez accepté de vous entretenir avec lui. Son regard compatissant vous trompera. Son sourire chaleureux détournera votre méfiance.
Mais Cassandre est une enflure, c’est tout ce que vous avez à savoir à son sujet. Il vous brisera à la moindre occasion, et il obtiendra ce qu’il veut. Si vous percez la carapace de son regard étincelant, vous comprendrez la froideur de son âme. Il ne vous hait pas, pas plus qu’il ne vous estime; vous existez et vous devriez en être reconnaissant. Cette vérité pourrait changer qu’il ne battrait pas d’un cil.
Mais il n’est pas stupide. Si le monde n’est qu’un tremplin pour Cassandre, si les hommes n’existent que pour se soumettre à lui, ils n’ont pas à le savoir. Donc il est bon. Il est bienveillant. Il est amical. Ça ne peut pas être qu’une façade, il doit sûrement estimer certains de ses contemporains. Il doit sûrement tolérer la présence de certains d’entre vous, allez savoir.
Si vous savez vous montrer digne de sa personne, il se pourrait que vous puissiez y gagner aussi. Il n’y a pas toujours un perdant. Il vous offrira un verre de whisky hors de prix, il s’enfoncera dans son siège, les jambes croisées et les bras étendus sur les accoudoirs. Il vous parlera de lui, de finances, de sport, de cinéma. Il est curieux, cultivé et passionné. Vous pourriez vous demander où est-ce qu’il trouve le temps de tout faire, tout savoir; il dort peu, il prend des stimulants sûrement. Comme tous ces riches oligarques.
Il vous parlerai de sa femme, son trophée. Il l’aime réellement, elle est magnifique, elle est puissante, elle est désirable. C’est vrai qu’il la trompe, mais c’est normal pour un homme de sa trempe, les femmes le désirent. Mais il l’aime réellement, elle est la lumière dans ses nuits noires, l’encre qui écrit son histoire.
C’est un sportif, il aime la compétition. Il participe à tous les marathons de la ville, il passe plusieurs heures par semaine sur un tapis de course. Et ça se voit. Sous son costume est dessiné une musculature notable; il est viril, attirant, enviable. Il aime lire le soir. Il aime cuisiner. C’est un type normal au final. Et surtout, c’est une bête de travail. Sur tous les fronts, c’est un trésorier inestimable, une chef d’entreprise émérite, un leader. Quelqu’un qui sait prendre des risques et se mettre en avant.
C’est un type bien au final.
Et voilà, vous avez perdu.