Mars, 2022 ▬ A l'origine, ils étaient cinq. Cinq amis pour la vie, cinq amis pour la mort. Et ils se sont fait une promesse : celle de renverser le gouvernement, et être libres. Mais après la création de leurs gangs respectifs, les évènements les plus traumatisants ont définitivement bousillé leurs rêves face à leur ennemi juré et commun : Le Staff. C'est ainsi que s'entretient le chaos sur Venus Ville, la capitale de Mars. L'anarchie, le désordre et les promesses de mort...
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11.08.22 ▬ Jumeaux Les inscriptions sont fermées !! Lire l'ANNONCE suivante pour être à jour, car un event final arrive bientôt
18.06.22 ▬ Jumeaux Les personnages jumeaux ne seront plus acceptés à l'exception d'une future réservation. Aussi, nous avons ajouté une nouvelle règle dans le réglement
27.05.22 ▬ Groupes libres Tous les groupes sont ouverts aux inscriptions. Inondez-les de votre amour ! Aussi, nous recherchons 1 Sous capitaine AS, 1 chef de garde BB, 1 chef de garde CC, des BR à foison ainsi que des membres Pitaya !
15.05.22 ▬ MAJ V3 MAJ V3 du forum ! Lire présentation de la MAJ ici : WWW. Note : Tous les Bottins sont à jour !
Ancienne prison désaffectée Semaine suivant la réunion BR
Le pas lent, mesuré, résonnait dans l'immensité désaffectée des locaux vides, froids, humides. Sordides. Il les avait visités deux jours avant de l'y convoquer.
Il ne pensait pas que Reiko Stone était un mauvais élément, mais il songeait qu'elle avait échoué aux mauvais moments et que de ses échecs elle n'avait pas tiré les bons enseignements.
Il avait sélectionné leur lieu de rencontre en ne laissant aucune place au hasard. Ce qu'il n'avait pas prévu, en revanche, c'est qu'elle s'y présente avant lui. Sans doute envisageait-il qu'elle soit en retard.
Bonjour, Stone.
Il s'était approché d'un pas lent, et semblait plus détendu que lors de leur première entrevue ; s'autorisait davantage de relâche lorsqu'il estimait qu'il n'avait pas à parenter son vis-à-vis.
Marchons, veux-tu ?
Il l'invita à marcher à ses côtés mais n'attendit pas sa réponse, et traversa de longs couloirs dont les cellules adjacentes arboraient encore les souvenirs gravés aux murs de ceux qui jadis avaient été enfermés.
Le Staff n'a pas été ravi des... échecs perpétrés par mon prédécesseur.
Il ne songea pas un seul instant qu'il était meilleur. Il ne connaissait pas Fyodor, et ça ne l'intéressait pas. Mais lorsqu'il voyait de quelle équipe il avait hérité, il ne trouva pas étonnant qu'il ait échoué. Comme tout bon capitaine, il payait pour les erreurs de ses subordonnés, en avait pris la responsabilité.
Ils ont choisi de le destituer... et de le renvoyer sur Terre.
Il lui adressa une œillade, curieux d'appréhender sa réaction à la réponse qu'il lui offrait quant à la question de la fois précédente.
Une convocation. Elle se croirait revenue à l’école. mais à l’école, tu n’allais pas à ces convocations. parce que tes amis trouvaient ça stupide et te persuadaient de ne pas te pointer au rendez-vous. de ne pas montrer le mot à tes parents. ne rien dire, mentir, ça revient au même. et la punition reste la même, mais la volonté de tout foutre en l’air dans cette maison n’en est que renforcée.
Reiko n’a pas eu le temps de se rendre sur les lieux avant, n’y a jamais posé les pieds tout en ayant déjà eu vent de cet endroit abandonné. Alors, aussi surprenant soit-il, elle a pris de l’avance. Repérer d’éventuels pièges, s’assurer que les environs soient aussi abandonnés qu’ils en paraissent. Être certaine de ne pas marcher dans la gueule du loup.
Depuis cette stupide réunion, elle n’a pas beaucoup réfléchi. Elle n’aime pas ça, Rei, penser dans le vide, se surchauffer les méninges sans but précis. Elle sait que la réflexion n’est pas son point fort, alors elle a quasiment arrêté d’essayer. Se contente d’obéir aux ordres, quand elle le veut. Mais maintenant que Fyodor a disparu, où sont les ordres ? Elle n’a pas envie de remuer la queue devant le nouveau. Froid, détaché. Produit d’expérimentation du Staff. Il n’est pas à sa place à la tête des BR.
Assise sur le rebord d’une fenêtre éventrée, elle le voit approcher. Se tend inconsciemment mais reste immobile, se contentant d’un bref hochement de tête en guise de salutation. Elle ne veut pas aller dans son sens, mais elle a besoin de réponses alors elle se lève, le suit, finit par marcher à son niveau. Elle sent son cœur battre dans sa poitrine, ses mains bien rangées dans les poches de son bomber. Elle n’est pas à l’aise avec lui. Ne le sera pas avant un bon moment.
Les mots qui suivent la crispent. Elle ne devrait pas prendre ça pour une attaque envers Fyodor, mais elle le fait, sent sa poitrine se serrer, ses poings faire de même, jusqu’à ses dents. Elle fixe le sol poussiéreux, ses bottes soulevant de petits nuages particulaires, et elle grogne.
« On verra si tu feras mieux. »
Hargneuse. Comme un bon chien de garde qui attend le retour de son maître. Maître qui ne reviendra pas.
au moins il n’est pas mort. Elle fait tourner les mots de Swan dans sa tête, les yeux rivés sur le sol. Au moins il n’est pas mort. Juste renvoyé sur Terre. Juste-
Elle frappe le mur de son côté, phalanges nues contre le béton, et laisse échapper un cri. Rage, douleur, tout est mêlé et effraie un rat qui s’échappe de la cellule pour se réfugier au fond du couloir. C’est bête, tellement bête. Combien de temps aura-t-elle pu profiter de la présence de son ami d’enfance ? Si peu de temps. Et qu’ont-ils fait de beau, ensemble ? Il a dû la tuer. Ha. Ha. Elle frappe encore une fois au souvenir de cet épisode, le visage d’Edge gravé dans son esprit. Des gouttes écarlates s’écrasent sur sa veste, constellent le mur.
La respiration lourde, elle garde la tête baissée, la nuque exposée à Swan. Elle s’en fiche, ne pense pas. Sait qu’il ne constitue pas une menace pour l’instant, qu’il ne l’a pas convoquée pour la tuer. Si ça avait été le cas, elle serait déjà morte, non ?
les émotions sont une spirale infernale dont il est difficile de s’extraire – casser le cycle, se libérer de ses chaînes incandescentes
Ancienne prison désaffectée Semaine suivant la réunion BR
Il s'arrêta pour contempler sa rage, décrivit du regard sa silhouette lamentable et son sang sur le mur, l'expression de sa frustration. Il demeura respectueusement silencieux, pendant de longues secondes durant lesquelles il n'interrompit pas ce moment qu'il jugea être le sien, laissa l'espace à l'émotivité exacerbée dont elle faisait preuve.
Tu as raison.
Il regarda ailleurs, après avoir jugé qu'il avait suffisamment détaillé la scène qu'elle lui avait jouée.
La réussite de notre mission dépend de chacun des membres de notre groupe. Mais la première tête à tomber en cas d'échec est forcément celle du chef.
Il fit claquer sa langue contre son palais.
Je ne considère, personnellement, pas que Fyodor Tsitsianov ait échoué. Pas seul.
Il commençait à devenir davantage glacial que froid - mordant. Son regard se déposa à nouveau sur Reiko, et son visage semblait sévère.
Crois-tu que je t'ai donné rendez-vous en ce lieu pour te tendre un piège ?
Il n'en avait jamais eu l'intention. Mais il accordait de l'importance aux symboles, et ils se trouvaient en territoire ennemi. Celui des Chili Gazpacho.
Officiellement, votre échec en ces territoires était du fait de mon prédécesseur. Il en a assumé l'entière responsabilité. Mais compte tenu de l'affect particulier que tu sembles lui accorder, j'ai des raisons de penser qu'il t'a couverte.
Il était resté calme.
Oui ou non, as-tu fait échouer l'action menée auprès des Chili Gazpacho ?
As-tu laissé tes émotions entraver ta mission, comme tes émotions débordent depuis le départ déjà ? Swan n'avait aucune intention de sévir. Seulement de prendre les mesures nécessaires pour que ça n'arrive plus. Et il comprenait que ce n'était pas la punition qui ferait de Reiko un élément fiable - n'avait pas l'intention de lui faire violence.
Elle finit par sentir son regard sur elle, avant que la sensation ne s’estompe. Elle ferme les yeux, la poitrine toujours gonflée de ce surplus d’émotions qu’elle n’arrive plus à contrôler. En a-t-elle déjà été capable un jour ?
Sa voix, froide, traverse le brouillard de son esprit. Les sons se présentent, seuls, mais rapidement, prennent forme et sens et elle se redresse doucement et se tourne, lui adressant un sourire sarcastique. Swan est donc là pour lui faire la morale, n’est-ce pas ? Elle a envie de rire, sent encore les bulles incandescentes de sa frustration éclater dans sa poitrine.
Les questions qui suivent ne font que confirmer ce qu’elle avait déjà supposé. Une putain de leçon. Pour qui se prend-il, elle se le demande, les lèvres pincées. Elle lui rend son regard, n’a pas peur de ses yeux de glace. mais tu sais, reiko, tu es remplaçable. tu n’es pas en présence de fyodor, tu fais désormais face à un leader qui ne veut que de l’efficacité. pas de l’émotion digne d’un roman mal écrit. tu n’es qu’un investissement, un pion que l’on peut changer dès qu’il montre des signes de dysfonction.
« Ah, tu veux parler de cette stupide mission avec Edge ? »
Amertume. Elle repense à ce qui s’est passé dans le parking presque chaque jour. La nuit, quand elle essaie de s’endormir. Préfère boire pour oublier. Frappe pour se venger. Jamais sur la bonne personne, pourtant.
Elle serre le poing. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle prend conscience de la douleur aiguë qui irradie de ses phalanges mises à nues par le béton. Elle y jette un bref coup d’œil, voit le sang s’écouler doucement de la peau en lambeaux. Elle pousse un soupir, accueillant la douleur comme une distraction bienvenue, et sort un mouchoir d’un paquet de sa poche, le pressant contre les plaies, avant de reporter son attention sur Swan, se remettant en marche, vers le fond du couloir sombre.
« Et pour te répondre- je sais pas. »
Une réponse franche. Honnête. Grondante de frustration bouillonnante.
« Je le maîtrisais. Tout allait bien. Fyodor allait me filer les armes qu’on avait cachées dans le coin. Je maîtrisais cet enfoiré. »
Elle ne veut pas évoquer le reste de ses souvenirs. C’est flou, mais douloureux. Ses mains frémissent, elle s’humecte les lèvres. Pourtant, il faut parler, ne pas s’attarder ici. En finir avec ce stupide donneur de leçon, rentrer chez soi et oublier. Faire des recherches sur Fyodor, échouer. Oublier, encore.
« Et puis, j’ai pas compris ce qui s’est passé. Il m’a lacéré l’œil. J’ai perdu la vue, mais de ce que Fyodor m’a dit, ce fils de pute s’est suicidé. Un putain de lâche. »
N’importe qui pourrait détecter la haine pure qui fait vibrer la voix de Reiko. Ses doigts se crispent mais la douleur la fait revenir dans le moment présent et elle prend une inspiration, si lourde. Elle tourne la tête. Le regarde.
« La suite, tu dois la connaître. »
Sourire. Aucune joie. Aucune satisfaction.
« Je sais pas si c’est la réponse que t’attendait. Mais de mon point d’vue, j’ai pas fait foirer la mission. Y’a juste eu des choses imprévisibles avec lesquelles on a du se débrouiller. »
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Reiko n'omettait aucun détail, et Swan le nota avec une attention particulière. Il aimait qu'elle soit précise et appréciait l'effort qu'elle mettait dans son récit, quand bien-même elle n'avait pas l'air ravie de lui conter. Lorsqu'elle se remit à marcher, il l'avait suivie d'un pas tranquille, légèrement en retrait.
Bien.
Comment Edge Blum s'en était-il sorti pour les prendre tous les deux par surprise, lui-même qui était acculé ? Elle le maîtrisait, c'étaient ses mots. Et Swan ne remettrait pas sa parole en question. Contrairement à ce qu'elle imaginait, il n'était là ni pour lui donner une leçon, ni pour lui faire la morale. Il était là pour comprendre, et pour corriger ce qui devait l'être. Si l'erreur ne venait pas de Reiko, alors il corrigerait ce qui avait fait échouer leur opération.
Edge.
Penses-tu qu'il ait utilisé une faculty dont vous n'aviez pas connaissance ?
Leurs informations seraient-elles erronées ?
Est-il possible que ta première mort t'ait rendue suffisamment imprudente pour l'erreur commise soit, certes incontrôlable, mais tout de même de ton ressort ?
La voix était ferme, implacable. Mais Swan semblait plus curieux que véhément. Il ne cherchait pas à l'humilier, pas particulièrement.
Il ne pensait pas que Reiko était un animal à dompter comme pouvaient l'être Callum Quinn ou Ryan Dredd. Il n'avait pas ce genre de pensées à son égard.
Ne t'y méprends pas. Je ne me permettrai pas de sévir pour ce qui n'est pas de ton fait.
S'il devait punir, c'était pour inscrire un message dans la chair, pour que des erreurs, plus jamais ne se reproduisent. Mais si les erreurs de Reiko étaient dues à ses pertes et ses excès, alors il ne pouvait rien y faire. Et la punir ne ferait qu'aggraver le cas.
Mars est une planète cruelle. A chaque nouvelle vie qu'elle nous offre, elle nous rend un peu plus faibles.
Swan, lui, n'était jamais mort. D'abord parce qu'il n'était revenu que depuis quelques semaines, ensuite parce qu'il avait appris à vivre comme un fantôme. Une menace qu'on ne soupçonne pas - qu'on élimine pas.
Si je te pose la question, c'est parce que je vais avoir besoin de savoir si oui ou non tu pourrais être apte à reprendre cette mission. Si ta rancune à l'égard de celui qui t'a arraché un œil est suffisante pour que les erreurs commises ne se reproduisent plus, alors j'aurais besoin de toi. En revanche, si tu compromets l'opération, je préfère t'assigner à une autre tâche.
Elle secoue la tête, doucement. Une autre faculty ? Comment pourrait-elle le savoir ? Tout est si flou, même lorsqu’elle s’arrête pour y repenser, même lorsqu’elle se rejoue la scène en boucle. Elle aurait aimé savoir, elle aussi. Comprendre.
Reiko serre les dents, préfère examiner sa plaie plutôt que de lui montrer de l’attention. Mais elle écoute tout de même, se remet en question, songe à ses faiblesses. Trop de faiblesses. Le saignement s’est tari sous la pression, mais plier les doigts refait jaillir le liquide écarlate. Elle plisse les yeux, appliquant de nouveau le mouchoir taché sur ses phalanges, la douleur comme des millions d’aiguilles, comme une brûlure, lancinante, passant de vive à sourde, l’accompagnant dans cette épreuve. Cette conversation. Cette évaluation.
« Je peux pas prédire l’avenir. »
Un fond d’agressivité. Des mots qu’elle pose simplement, bousculés par les émotions qu’elle ne peut contenir.
Ses pensées se brouillent. La rancune, oui, elle en a bien assez. Mais elle possède également cette lassitude, cet abandon d’une cause qu’elle veut se persuader d’être perdue, sans trop savoir pourquoi, sans trop vouloir savoir, en réalité.
Cette petite altercation avec Edge a laissé une cicatrice. Cette peur du noir, de nouveau. Ce besoin de protéger son visage dès qu’un adversaire se rue vers elle. Cette crainte absurde de perdre la vue, et de ne pas pouvoir la retrouver. Le traumatisme d’avoir goûté une nouvelle fois à la mort, de la main d’un ami longtemps perdu, retrouvé seulement pour disparaître de nouveau. Se retrouver de nouveau face à Edge impliquerait une bataille du cœur, de l’esprit : qui de la rancune ou de la peur, prendrait le dessus ?
Reiko retire son mouchoir, le fourre dans sa poche. Préfère laisser sa blessure respirer, faisant attention à ne pas bouger les doigts. Ça pique encore un peu, mais ça lui permet de garder les pieds sur terre, de rester ancrée dans cette conversation.
Elle n’aime pas abandonner. N’aime pas tourner le dos à ses problèmes. Chaque chose a une solution simple, c’est ce qu’elle s’est toujours dit. Il y a toujours un moyen de résoudre un problème, le moins complexe le mieux. Ici, ça serait de tuer Edge. Elle ne sait pas il est mort combien de fois, mais une balle en pleine tête ne serait pas de trop. Cependant, il faut trouver Edge. Le suivre. S’assurer qu’il soit seul. Ne pas se faire remarquer. Et pouvoir lui faire exploser la cervelle sans que tout retombe sur Reiko. Une arme de tir longue distance pourrait fonctionner, elle pourrait demander à Dredd de l’aider, sans doute, mais,
c'est tellement compliqué.
Et elle n’est pas d’humeur à réfléchir à quoi que ce soit.
« Tu penses vraiment que j’ai un regard objectif sur moi-même ? Ecoute, pour avoir cette réponse, il aurait fallu demander à Fyodor. Trop bête, il est pas là. »
Une gamine. Elle en a marre. Se dit qu’il faudrait vraiment couper court à cette conversation.
« Tu sais quoi ? Si on me donne toutes les instructions nécessaires pour le coincer, ou mieux, qu’on me livre Edge à mes pieds, je veux bien le tuer pour vous tous. Sinon, comptez-pas sur moi. »
Et immédiatement, la petite voix qui chuchote « lâche, lâche, lâche », qui lui fait serrer la mâchoire.
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Un regard objectif ? Je n'en attendais pas tant.
Le regard était sévère, la voix n'avait pas changé d'intonation. Il observait avec vigilance sa subordonnée, quand bien-même elle était plus proche de l'insubordination que la dévotion.
La moitié d'un regard objectif, éventuellement...
Il ne s'habillait d'aucun ton moqueur, quand bien-même les yeux se dirigeaient naturellement vers son cache-œil. Juste de quoi rappeler la douleur - pas celle qui devait prendre sa main à l'heure actuelle, mais celle d'avoir été prise en échec.
A quoi me sers-tu, Reiko ?
A part à faire du bruit, détruire des murs et pleurer l'ancien chef disparu ?
Tu es instable, tu manques de courage et maintenant tu ne veux même plus t'impliquer dans une cause qui est pourtant plus personnelle que professionnelle. Alors quelles sont les raisons pour lesquelles je devrais te garder ?
Il ne le lui laissa pas le temps de répondre, car Swan savait déjà pourquoi il la voulait elle et pas un autre. Il pointa du doigt sa main blessée.
Cette rage-là. J'ai besoin de cette énergie que tu dépenses inutilement. J'ai besoin de toi parce que tes sentiments sont une clé qu'il me manque.
Il fit claquer sa langue contre son palais.
Je ne t'offrirai pas ta vengeance. Mais je peux te permettre de l'accomplir toi-même. A condition que tu ais encore une once de dignité à l'intérieur. Et d'honneur. Cette vengeance ne concerne pas que toi, n'est-ce pas ?
Il y avait Fyodor.
Je ne suis pas là pour le remplacer. Je suis là pour poursuivre son œuvre.
Elle ne comprend pas d’abord, puis voit son regard. Serre les dents. Contracte les muscles de ses bras, gardant les extrémités immobiles. Elle a souvent eu des réflexions sur son œil inutile. Traitée d’infirme. Médiocre. A fini par s’en détacher. Mais les yeux de Swan sur sa faiblesse ont une autre signification. Ils mettent en lumière son point faible, celui qu’elle porte à la vue de tous, sans pouvoir faire autrement. Elle sait se battre sans son œil, l’a toujours fait, ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que ses ennemis n’ont qu’à cibler l’autre pour la rendre totalement inutile. Et ça la met hors d’elle.
Elle regarde droit devant elle, la pénombre, les formes gigotantes des rats. Les plantes qui ont pris pied dans les fissures du béton, résilientes et inattendues. Elle regarde toujours droit devant au moment où les mots de Swan claquent. Elle ne peut s’empêcher de tressaillir à la violence de l’élocution, et à ce qui ne manque pas de suivre.
petite, tu as reçu des sermons de ce genre. des remarques acides, amères. sans pitié. on t’a craché une haine infondée au visage. et au départ, tu courbais le dos, tu baissais la tête, tu la rentrais dans tes épaules. tu laissais les mots te blesser, tu les laissais te taillader la peau.
mais tu as fini par arrêter tout ça. tu t’es redressée. tu as levé le menton. tu as carré tes épaules. et tu as tout encaissé, finissant par répondre, par cracher en retour, par crier ta rage, ton sentiment d’injustice.
Reiko regarde droit devant elle tandis que les mots se déversent, brûlants, sur sa peau abîmée. Sa gorge se serre mais ses yeux restent secs. Elle sait qu’au fond, il a raison. Que ce qu’il lui dit, elle le mérite. Que ce n’est pas cette « haine infondée » qu’elle a toujours connue, peu souvent tolérée. Alors elle le laisse parler, ne le coupe pas, sent qu’il a encore des choses à ajouter.
Mais malgré tout, ça fait mal. Parce qu’il l’a trop bien cernée. Et qu’il finit par tomber sur des contradictions qui n’ont aucun sens, que Reiko elle-même ne comprend pas. Elle se débat avec ses pensées, ses principes, sa vengeance, tout ça depuis qu’elle est revenue sur cette satanée planète. Et c’est difficile d’y voir clair.
Elle baisse brièvement les yeux sur sa main rougie. Le sang a séché autour de la plaie, coagulé au sein de la peau à vif. ta rage, reiko stone. quelque chose que tu n’as jamais accepté, que tu as toujours détesté, qui te pèse et te conduit aux pires atrocités. et maintenant, il en a besoin. il veut que tu utilises cette faiblesse, que tu en fasses une force. en seras-tu capable, reiko ?
Sa langue se promène sur ses lèvres gercées. Elle réfléchit à ses mots. En elle pulse encore cette colère, ce ressentiment envers ce nouveau chef. Mais elle apprécie sa façon de parler. Son honnêteté. Au moins une chose qui ne lui hérisse pas le poil. Alors elle pose son regard au loin sur le mur. Déglutit. Sa main valide se serre et se desserre dans le vide, chassant l’air et l’accueillant de nouveau à chaque mouvement.
« Je… »
Elle ne sait pas quoi dire. Elle ne devrait pas avoir peur à l’idée de se mesurer à Edge, de nouveau. Elle ne devrait pas trembler à la pensée de perdre son œil une nouvelle fois. Et pourtant, Reiko le ressent jusqu’au fond de ses entrailles, cette crainte absurde et pourtant légitime. Mais, contre cette peur glacée qui gît en son sein, il y a autre chose. Quelque chose d’âpre, d’atrocement chaud. Elle ferme les yeux.
« Je sais pas si j’en suis capable. »
Se revoit face à lui. Se souvient du craquement de son bras, du sentiment de victoire, déjà. Puis se souvient de la douleur dans sa jambe. Et celle dans son œil.
« Peut-être que… Peut-être que c’est pas possible, au final. »
Pendant un instant, elle redevient une enfant terrifiée et traumatisée. Prise dans un tourbillon irrésistible. Mais ses ongles s’enfoncent dans sa paume et elle revient à la réalité. Cette mission ratée, ça a fait mal à son ego. Et tuer Léto au nouvel an n’a rien changé. Même, ça l’a bousculée, déstabilisée. Swan a raison. Elle est complètement instable.
Elle secoue la tête. Se reprend.
« Si j'rate une nouvelle fois, j'suppose que le Staff se passera de mes services ? »
Il y a ça, aussi. Cumuler les échecs n'est pas le bon moyen de rester sur Mars. De réussir à accomplir sa vengeance. Mais, ici, a-t-elle le choix ? Swan semble vouloir la mettre sur cette mission. Tuer Edge. Cependant, elle n'est pas sûre de le vouloir.
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Le dos droit, l'allure fière, il regardait Reiko se débattre avec ses propres émotions, et chacune qui traversa son regard lui parut un peu plus intense que la précédente. Il décortiquait avec une attention particulière tous ses mots, ses intonations, analysait davantage.
Si c'était le cas, aurais-tu peur ?
Swan haussa les sourcils, croisa les mains dans son dos, les épaules droites.
L'échec n'a jamais fait partie des options, et vous le saviez dès le départ, pas vrai ?
Si l'opération des BR venait à mal tourner, ils seraient tous en tête de liste pour se faire exécuter. Le Staff couvrirait ses arrières en les tuant avant qu'ils ne parlent.
Depuis le début de cette mission, chacune de tes actions, chaque mot prononcé, peut te faire valoir d'être évincée. Mais ce n'est que maintenant que tu t'en inquiètes ?
Il était temps qu'ils comprennent que leurs décisions avaient un impact. Que leurs actions avaient des conséquences.
Si la menace du Staff ne t'a pas inquiétée la première fois, elle n'a pas à le faire ici non plus. Comme Fyodor l'a fait pour toi, si une tête devait tomber pour vos erreurs, ce serait la mienne.
Son regard s'était adouci, mais pas tant son visage, toujours ferme.
Parce que je ne vous dénoncerai pas.
Il avait décidé d'être un chef. Pas un pleutre.
Mais pour cela, il va falloir me prouver que vous en valiez la peine. Alors réponds à cette question. Si tu devais faire face à Edge, maintenant. Tremblerais-tu ? Hésiterais-tu à lui arracher la tête ?
Les mots s’enfoncent, l’atteignent plus qu’elle ne le voudrait. Beaucoup de choses ont plus d’impact sur elle que ce qu’elle souhaiterait.
Elle pince les lèvres, serre les poings. La peau se tend, elle le sent et elle peste en rouvrant la main, doucement. La douleur lui fait du bien, l’empêche presque de sentir son cœur se tordre. Elle a honte d’éprouver de la honte devant cet homme. S’est toujours crue invincible, imperméable aux personnes de ce genre. Engagée par le Staff, mais hors de leur portée. Quelle naïveté. Et maintenant, ils viennent toquer à sa porte par le biais de ce chef qui semble beaucoup trop bien la cerner pour son bien à elle.
Sa poitrine se soulève sans douceur. Une inspiration, brève. Elle regarde toujours devant elle, ne veut pas croiser le regard trop perçant de l’homme qui marche à ses côtés. est-ce que tu as peur, au final ? est-ce que malgré l’absence d’animosité de sa part, malgré le calme dont il fait preuve, tu trembles sous ton armure trop grande ?
Ses mots finissent par couler à ses oreilles, de plus en plus fort, elle les perçoit avec une acuité effrayante, ruisselants, grondant avec violence et une clarté phénoménale. Pourtant, il n’a pas haussé le ton. Reiko tourne la tête vers lui, le regard dur. Sa question mérite une réponse claire, venant du cœur.
« Non. »
Elle reprend son souffle.
« J’lui arracherais la tête sans hésiter. C’est pas l’envie qui manque. »
Elle détourne le regard un court instant.
« Mais est-ce que je tremblerais ? Sans doute, ouais, que ça me plaise ou non. »
Parce qu’elle redoute comme elle attend une nouvelle rencontre. Se venger, mais à quel prix ? Elle a déjà trop perdu. Est-elle prête à tout miser de nouveau ? Elle ne se sent plus autant à la hauteur qu’au début de la mission. Elle se sent diminuée, changée, et surtout, l’absence de Fyodor se ressent jusque dans ses entrailles.
mais tu ne peux continuer de ressasser des choses, alors que le monde autour de toi avance, évolue, s’améliore. tu dois faire ton deuil, passer à autre chose. ne plus y penser. ne plus en pleurer.
« Ça te va, comme réponse ? Ou tu penses que j’suis trop instable pour reprendre la mission ? Eh, c’est toi qui décides au final, chef. »
On pourrait chercher du respect dans ce dernier mot prononcé, on n’en trouverait pas à des kilomètres.
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Ancienne prison désaffectée Semaine suivant la réunion BR
Comme toujours, il avait marqué une pause, un long silence. Qu'elle était trop instable était une évidence, mais chacun des membres de son équipe l'était. On n'attendait pas d'anciens prisonniers la stabilité. C'était exactement pour ça qu'ils avaient été choisis. Pour leur chaos.
Il voulait savoir si elle pouvait être efficace, peu importe de quelle manière. Il voulait tester sa volonté, lui faire traverser la peur qui l'habitait, la faire s'étioler.
Et à voir son regard plein de hargne, il songea qu'il y était arrivé.
Ca n'a pas d'importance. Je ne comptais pas t'assigner à la chasse de Edge.
Il la toisa froidement, ne bougea pas d'un pouce, alors qu'il laissa l'information tomber.
Mais s'il faut lui arracher la tête, comme il semble aimer le faire lui-même, je te laisserai ce loisir.
Urie Stratford ne démentirait pas.
Je me devais de vérifier que ta rage était bien en place.
Comme un moteur, et pas nourrie par la peur.
Tu te trompes de cible en me prenant pour l'ennemi. Et c'est ce que tu sembles faire depuis que je suis arrivé.
Il se plaça devant elle, droit et solidement enfoncé sur ses appuis. Il leva le menton, serein.
Laisse-moi te proposer ceci.
Il fit craquer sa nuque, deux fois, avant de replacer son visage droit.
Cette colère que tu as contre moi, je peux l'encaisser. Si cela te permet de l'extérioriser, et de la maîtriser, alors frappe-moi. Frappe-moi maintenant, en face, ou ne frappe jamais.
Les épaules droites, carrées. Swan n'était pas particulièrement grand, mais sa stature restait imposante - musclée. Les expériences qu'il avait subies dans les laboratoires du staff l'avaient fait devenir un monstre.
Un mélange non miscible. Soulagement et déception. Ne pas pouvoir pister Edgy, ne pas pouvoir partir à sa recherche, suivre sa trace, le tuer, ou du moins, essayer une nouvelle fois. Non, pas essayer. Le déchiqueter, ne rien laisser de lui.
Sa conscience tremble devant la violence de ses sentiments, et sa lèvre inférieure en fait les frais, torturée mais pas encore ouverte. Son regard rencontre le sien, et elle est frappée par ce qu’elle y lit. C’est si étrange, cette rencontre entre le feu de son œil restant, et les orbes glacées de Swan. Ses mots suivent, rapidement, et elle le fixe. Un frisson la parcourt.
Elle reste figée, le temps que les autres mots coulent à ses oreilles, se réchauffant au fur et à mesure de leur trajet, la brûlant au passage. Sa mâchoire se serre, elle devine ce qui va suivre sans vraiment y croire. Non, il ne proposerait pas ça, quand même. Non.
oui.
Elle ferme les yeux, faisant face à une offre si alléchante qu’elle semble irréelle, si étrange qu’elle en deviendrait onirique. Il sait qu’elle rêve de lui foutre un poing dans la gueule depuis qu’elle a posé le regard sur lui. Il sait qu’elle ne se retiendra pas. Alors pourquoi fait-il tout cela ? Pour la grande et honorable cause des Black Rottenegg ? Non. Ce n’est pas possible.
Reiko ne comprend pas. Elle est frustrée, ça se voit sur son visage crispé, dans la tension qui habite ses épaules. Et puis, ses paupières se soulèvent.
« Ok. »
Elle lui lance un regard étrange. Repense à Fyodor. Sent quelque chose bouillonner au fond de ses entrailles.
« Mais défends-toi, au moins. »
Elle prend une grande inspiration. Au vu de la proximité, préfère déplacer son pied droit légèrement en arrière, se donnant un léger élan pour armer son bras et envoyer son poing en direction de la pommette gauche de Swan. C’est un coup simple, pouvant être évité aisément.
Ses phalanges meurtries rencontrent l’os et les tissus mous. Elle en est presque étonnée, presque déçue, mais la jubilation dépasse tout, mais la perversité d’une satisfaction impossible à ressentir entièrement la pousse à se replacer brièvement, à changer ses points d’appui, pour lui renvoyer un poing, du côté opposé cette fois.
Sa respiration s’accélère, file, accompagnée de son pouls qui galope joyeusement. Elle sent tout, mais ce n’est pas assez. Ses pensées l’empoisonnent, et elle ne trouve pas d’autres moyens que de continuer, après un temps de latence de quelques secondes.
Reiko préfère utiliser ses poings pour frapper, n’usera de ses membres inférieurs que lorsque la situation s’y prêtera, pour déstabiliser son adversaire, pour gagner du terrain. Mais là, elle ne veut pas, garde ses pieds sur le sol. Elle sentira mieux les coups, la douleur à chaque impact, au niveau de ses mains. Sa plaie s’est rouverte mais c’est vraiment le dernier de ses soucis.
« Défends-toi. »
Voix grondante, basse, vibrante dans la poitrine, accompagne un troisième coup, de nouveau à droite. Lui laisse l'occasion de répliquer à chaque fois, s'il le souhaite. Comme si elle avait besoin de recevoir les coups autant qu'elle ressent la nécessité d'en donner. Comme si c'était une façon de se punir pour ce qui est arrivé à Fyodor.
les émotions sont une spirale infernale dont il est difficile de s’extraire – casser le cycle, se libérer de ses chaînes incandescentes
Ancienne prison désaffectée Semaine suivant la réunion BR
Il recevait les coups, impassible. Un premier, qui lui fit à peine bouger la tête sur le côté. Puis un second, qui la faisait repartir dans l'autre sens. Un troisième. Un quatrième.
Si la peau était rougie, il n'en ressentait que peu la douleur. Il songea que le Staff avait bien fait son travail, et une certaine amertume le gagna lorsqu'il fit le constat, tristement, qu'il n'était plus qu'à moitié humain.
En écoutant la rage de Reiko, en la recevant en pleine face, cependant, quelque chose se réveilla en lui. Une colère qui était là, elle aussi, depuis longtemps. En écho à la sienne. Alors un sourire commença à grimper à ses lèvres, inquiétant, froid. Et il se mit à rire, lentement, alors qu'il recevait encore les coups.
Bien.
Il arrêta soudainement le poing de Reiko.
J'ignore de quelle violence tu as été victime par le passé. Mais je ne te frapperai pas.
Sa main, refermée sur celle de la brune, ne la lâchait pas. Implacable, fort sur ses appuis.
Il se savait capable d'assommer en un coup, et n'était pas certain, en revanche, de pouvoir mesurer sa force qui le dépassait amplement. Il avait été entraîné, il avait été modifié, avait passé cette dernière année à hurler dans des laboratoires pour ce résultat, et jusqu'à présent il n'avait pas été décevant. Il ne gagnerait aucune fierté à la coucher.
Je ne serai pas une autre de tes cicatrices.
Swan, en terme de combat, n'avait rien à prouver.
Si tu veux te faire frapper, je connais une adresse.
La salle de boxe des Wesley. Il s'y était inscrit lui-même, pour des raisons plus professionnelles. Il ne prenait que peu part aux affrontements.
Mais ça ne viendra pas de moi.
Il repoussa le poing de Reiko, prêt à arrêter les prochains si elle venait à se remettre en position.
Je crois qu’elle le veut. Qu’elle souhaite la douleur. Qu’elle accueille celle sur ses mains avec un délice malsain, cette brûlure qu’elle doit supporter, serrer les dents et garder les yeux rivés sur Swan. Mais malgré son regard fixe, elle se sent partir, une spirale infernale, un vortex de souvenirs et de sensations qu’elle n’est pas certaine de comprendre.
Une main la rattrape. Enveloppe son poing serré, l’empêche d’asséner un autre coup.
Reiko revient à la réalité, regarde le visage en face d’elle. Effrayant par son sang-froid, par l’absence de rictus douloureux. Elle se demande brièvement si c’est bien un être humain, si sa peau ne cache pas un corps de métal, si ses articulations ne sont pas des rouages bien huilés, si ce regard est froid à cause de l’acier qui le compose.
Ses mots trouvent un chemin jusqu’à son cerveau, mais elle n’est pas d’humeur à sourire sincèrement. Se contente de froncer les sourcils, appuyant légèrement avec son poing bloqué pour tester la résistance. Rien ne bouge.
Elle l’écoute, n’aime pas ce qu’elle entend. Reiko s’attendait à se faire tabasser en venant ici. Elle s’attendait à passer un sale quart d’heure. Elle devrait être rassurée, pousser un soupir de soulagement, se détendre et blaguer. Mais son regard est sombre, brouillé, et elle se laisse repousser avec une déception qui lui fait serrer la mâchoire.
« T’es qu’un sale enfoiré. »
Sa respiration n’est pas posée, son souffle encore tremblant. Elle le regarde, le méprise, se méprise. Et son instinct lui dit de ne pas le provoquer plus que ça, d’abandonner la partie, de ne pas pousser le bouchon trop loin.
Sa rage s’est mise en pause, se contente de frémir tranquillement au fond d’elle. Elle secoue la tête. Elle a l’impression qu’elle ne pourra jamais cesser de culpabiliser pour le départ de Fyodor. Et qu’elle ne cessera pas non plus d’accuser Swan. Tout lui semble trop difficile, trop douloureux. Elle n’aime pas les au revoir, surtout ceux qui se font sans prévenir, sans un mot, dans un geste, sans un regard.
Mais elle regarde son nouveau chef, elle sent la cruelle brûlure sur le dos de ses mains, et derrière la colère de ne susciter aucune réaction délectable chez l’homme se cache une certaine admiration devant sa solidité. Le fait de se faire frapper et de ne pas répliquer, par choix, par force, elle ne peut que le respecter.
Alors elle serre et desserre ses poings, le droit strié de liquide rouge, s’oblige à redescendre, juste un peu, s’autorisant un minuscule sourire sarcastique.
« C’est bon, j’ai passé le test ? »
les émotions sont une spirale infernale dont il est difficile de s’extraire – casser le cycle, se libérer de ses chaînes incandescentes
Ancienne prison désaffectée Semaine suivant la réunion BR
" T'es qu'un sale enfoiré. "
Les mots glissaient sur lui sans l'atteindre, mais quelque part au fond de lui-même, il les avait déjà entendus. Ponctués par des rires d'enfants, des insultes lancées à la légère dans un passé qui ne lui appartenait plus. Swan resta impassible, et froid, le dos droit et les muscles tendus.
Sans doute l'était-il. Et Swan mentirait s'il disait que ça lui était égal. Car Swan avait des choses à prouver, un problème d'ego à régler, urgemment.
Le regard de Reiko sur lui avait quelque chose de salvateur, sans qu'il ne l'admette vraiment. Il voulait qu'il la regarde ainsi, de cette manière précisément - lorsque la rage l'obstruait toujours mais qu'elle n'avait plus rien à lui redire.
Alors avait-elle passé le test ? Aucune émotion ne traversa le visage de Swan.
Le test n'est jamais terminé.
Leur vie toujours sur un fil, aux mains d'un Staff cruel pour lequel ils n'étaient que des chiffres, vaguement des identités.
Et je n'en suis pas l'examinateur.
Il pencha la tête, ses yeux s'illuminèrent d'une lueur tendre.
Mais tu as effectivement répondu à mes attentes. Et tant que ce sera le cas, je m'engage à ce que le Staff ne soit jamais une préoccupation pour toi.
Car Swan ne dénoncerait jamais ses hommes, s'ils s'avéraient être effectivement les siens.
Je t'attendrai la semaine prochaine.
Pour le prochain rapport - comme toutes les semaines, et indéfiniment jusqu'à ce que leur mission soit achevée - à condition qu'elle puisse l'être.
Et, les yeux illuminés, Swan se fit oublier, suspendit son existence le temps de disparaître, son souvenir ne revenant à Reiko que quelques secondes après qu'il soit parti - pour être certain de s'être volatilisé.
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