A peine tu trouves les post-it provocateurs de Samael dans ton bureau qu'il te vient un milliard de questions. Déjà, comment était-il rentré ici ? Ensuite, comment avait-il réussi à séduire Molly ? Tu te précipites en bas via les escaliers, une arme blanche cachée sous le blouson que tu n'avais pas pu enlever. Cet énergumène est coriace et inventif, tu ne peux pas lui enlever.

Au rez-de-chaussée, tu cours vers l'aile abandonnée. Aux portes de la morgue, tu n'entends aucun bruit. Serait-ce un piège ? A peine tu pénètres l'endroit que la basse température du lieu t'arrache un soupire brumeux. Tu n'as qu'un vague souvenir en tête de ce moment : une voix lointaine dans ton dos et une odeur forte à ton nez. Il ne lui avait suffit que de dix secondes pour te soustraire à ta raison.


Lorsque tu ouvres les yeux, tu as la bouche pâteuse. Tu mets un certain temps à reprendre tes esprits. Tu t'agites nerveusement, regardes autour de toi avant que le visage de Samael ne s'impose directement devant tes yeux.

— « Sam ? Qu'est-ce qu'on fait ici ? »

Pris d'une migraine à cause du chloroforme, tu papillonnes des cils. Tu tires sur tes liens à mesure que tu comprends qu'il t'a attaché.

— « On est où putain ? »

Ses mains à tes joues n'arrivent pas à te calmer. Sa tendresse est humiliante et son eau de Cologne oppressante.

— « Espèce de petite pute, je vais t'éviscérer. Alors j'avais raison ? C'était un piège depuis le début ? »

Pheme disparu, tu étais devenu entre temps le capitaine officiel des PIC. Clairement le plus haut poste d'un des gangs les plus puissants. Et pour honorer ta nouvelle fonction, te voilà saucissonné à un siège.

— « Quel rêve ? Qu'est-ce que tu as en tête ? »

Tu inspires pour récupérer ton sang-froid. Observes la baie vitrée devant toi et le lit qui se trouve derrière.

— « Tu... Tu vas te faire baiser devant moi, c'est ça ton plan ? »

Un plan aussi diabolique que puéril. Tu déglutis et relèves le menton.

— « Je fermerais les yeux. Je ne m'infligerai pas la vue de ta dépravation pour satisfaire tes élans exhibitionnistes. »

Ta voix tremble un peu.

— « Et avec qui ? »

Dans ta tête se mue déjà la panique. Tu réalises qu'il n'a aucune limite, et que ce qui était une provocation puérile est devenue une mise en scène imminente. Tu déglutis, soudain mutique lorsqu'il te rassure sur le fait que personne ne te fera du mal, pas même lui. Tu veux le menacer, lui rappeler dans quelle position dangereuse il s'est mis en capturant le capitaine d'un gang aussi rancunier. Si Hadès ne se préoccupera pas de ta disparition, tu sais que Grey ne tardera pas à te chercher si tu ne réponds pas à ton com.

— « Je vais te tuer. Retiens bien ce que je te dis. Je vais te tuer. »

Et sérieux tu l'es. Tu réfléchis déjà à l'art et à la manière dont ta vengeance prochaine pourrait se dérouler. Il vole tes lèvres et tu grognes pour le faire reculer, fermes les lèvres pour l'empêcher de prendre plus d'assaut ta bouche gercée.

— « Sam... Reviens. Ne fais pas ça. REVIENS PUTAIN ! »

La porte claque derrière lui et tu pestes. Si tu gardes la tête baissée pendant de longues secondes, la tentation est trop forte. Tu fixes devant toi. La chambre de l'autre côté du miroir est vide mais trois silhouettes ne tardent pas à s'y retrouver. T'es dégouté Cecil, piqué à vif de le trouver aussi beau dans son accoutrement ridicule et déshumanisant. La dentelle lui va aussi bien qu'à une femme - mais de pureté il n'a rien volé.

Tu les regardes faire, l'esprit déviant trop absorbé pour oser se détourner. Il y a des moments où tu te mords la lèvre, fermes un oeil par culpabilité. Si tu ne regardes pas ça n'existe pas. Si tu ne regardes pas l'excitation n'a pas lieu d'être. Et pourtant malgré l'horreur (la douleur) la frustration la colère se peint en toile de folie le désir et l'envie. La respiration sifflante ton entrejambe gronde et ta gorge te démange d'un appétit suppliciant et éprouvant. T'as besoin de te toucher, mais tu peux pas. T'as besoin de sentir quelque chose pour te débarrasser de cette attente bouillonnante. Pourquoi est-ce qu'il se souille devant toi ? Est-ce pour t'infliger sa décadence ou pour te montrer ce qu'il voudrait que tu lui fasses ?

Quand il revient et que l'acte se termine, t'es en nage. T'as essayé de te dégager sans succès. Le visage est rouge de honte et le pantalon serré. Sa main sur ta cuisse t'arrache un sursaut fébrile.
T'as aimé ? Si seulement c'était aussi simple. Tu baisses les yeux pour échapper à son jugement, en proie avec le tien qui te châtie déjà depuis de longues minutes depuis qu'ils ont joui (et toi non).

— « Non. »

La fierté acculée, tu sauves ce qu'il en reste.

— « Écoeurant. »

Et pourtant ton souffle pantelant te trahit. À l'étroit dans tes vêtements, ça aussi.

— « Pourquoi ? Pourquoi tu m'as fait ça ? »

Pourquoi tu m'as fait du mal à m'en faire du bien, hein ?

Il est content ? Tu déglutis encore, t'as la rage d'être percé à jour. Et malgré l'humiliation, une complicité s'installe. Il te détache (cela prouve bien qu'il ne te veux aucun mal ?) et tu laisses tomber tes bras le long de ton corps. Impuissant et tremblotant d'envie, satisfait d'avoir pu épié ses instants, frustré de ne pas avoir pu les partager.

Samael s'installe sur toi et t'impose encore son petit jeu. Ses doigts à tes cheveux, ses lèvres dans ta nuque... tu pourrais simplement l'attraper pour le jeter par terre, tu pourrais te ruer sur lui pour le rouer de coup. Lui faire violence comme tu t'es fait violence, être brutal pour punir ses déviances.

Il aime quand tu le regardes.
Tu aimes regarder.
Tu as toujours aimé regarder - toujours frustré.

— « Aide-moi. »

C'est murmuré d'abord comme une supplique triviale et craintive.

— « Fais-le. »

Puis c'est affirmé comme un ordre. Tu te fais plus farouche, refuses de lui apporter ce qu'il te demande. Tu saisis son poignet que tu serres avec force et forces le passage de sa main dans ton pantalon.

— « Laisse-moi te punir d'avoir été si misérable. »

T'as le corps tout entier qui tremble dès que tu sens la chaleur de ses doigts te prendre sous emprise. T'es tendu Cecil, t'arrives pas à te détendre complètement. Pourtant t'as terriblement besoin qu'il t'aide jusqu'au bout, parce que même toi t'y arriveras pas tout seul. Tu frissonnes au gré de ses baisers, et quand il descend lentement, à genoux entre tes cuisses, la vision qu'il t'offre devient biblique. Ta main se glisse dans ses boucles brunes pour le guider jusqu'au moment critique.


Les joues en feu, tu reprends difficilement ton souffle. A peine il te libère qu'il s'impose encore sur tes cuisses. T'étouffes, t'as trop chaud, tu te sens partir.

— « Laisse-moi respirer que diable. »

Il cherche ton attention, mentionne le lit et étires une grimace dégoutée. Avec ce que tu les as vu faire dessus ? Tu ne l'approches pas à moins d'un mètre. La pièce de l'autre côté doit puer la transpiration, le parfum et les phéromones.

— « Quand ? Pendant ? »

Comment ne pas penser à lui quand il te regarde avec ses yeux là ?
Il te parle de Molly et tu fronces les sourcils. Tu n'aimes pas le fait qu'il s'en prenne à elle sans raison. Si son état à elle ne t'émeut en rien, c'est sa jalousie déraisonné que tu trouves déplacée.

— « Laisse-la tranquille. J'ai besoin d'elle pour travailler. »

Un outil seulement, pas un être humain. Un outil bien utile. Tu glisses tes bras autour de ses hanches et le forces à se décaler.

— « Très bien... Allons au restaurant. Mais laisse-moi prévenir Grey avant, qu'il ne s'inquiète pas. »

Tu sors ton com de la poche de ta veste, envoies un sms à ton garde du corps. Je vais bien. Rejoins-moi à cette adresse dans 30 minutes. Tu resteras devant l'entrée pour surveiller. Ne dis rien à ma soeur même si elle t'appelle. Merci. avant de le ranger de nouveau dans ta poche.

— « Ou est-ce qu'on est, ici ? »

Tu te lèves pour aller inspecter la vitre d'un peu plus près. Il est possible que tu y prennes goût.

Dès que tu ranges ton com, tu as le droit à la fameuse question. Qui est Grey ? Tu fronces les sourcils et le toises en plissant les yeux. Passes ta langue sur ta lèvre inférieure et lâches un soupire exaspéré. N'a t-il vraiment pas deviné à qui tu pouvais bien envoyer ce genre de messages ? Samael ne réfléchit que quand cela l'arrange, et même quand ça pourrait l'arranger il arrête de réfléchir.

— « L'homme avec qui tu vas avoir de gros problèmes si tu continues de me kidnapper comme ça. Et je te le dis cette fois-ci, ne fais plus jamais ça. »

Parce que tu pourrais le tuer toi,
ou ordonner à ce qu'on le tue.

— « C'est un de mes gardes du corps. Et un ami d'enfance, aussi. Je lui fais confiance. »

Même si tout ceux en qui tu faisais confiance jusqu'à aujourd'hui ont réussi à te trahir. Romeo est de retour, ce poison a refait surface et ta soeur a eu la brillante idée de lui ouvrir les bras.

— « Hm ? »

Face à la vitre tu te retournes en le sentant te coller. Il te tire à l'extérieur, t'as encore le visage fébrile d'imaginer revenir ici. T'aurais pas pensé devoir assumer le fait que ça t'excite ce délire de voyeurisme. À croire que c'est plus stimulant de regarder que de le faire.

Une fois dans la voiture, tu l'ignores pour t'adresser directement au chauffeur, lui montrant sur ton com l'adresse que tu viens de taper sur maps. Il hoche la tête et démarre.

— « Dans un restaurant huppé chez les PIC. Je connais le patron. »

Et tu comptes sur sa discrétion.

— « Ne me fais pas honte c'est clair ? »

Tu restes de ton côté, la tête dans ta main, accoudé contre la vitre. Tu regardes le paysage dérouler, encore en pleine réflexion ce qu'il s'est passé à l'instant avec lui. Sans lui adresser un seul regard tu glisses ta main sur sa cuisse. Tu ne souris pas.

C'est maintenant qu'il s'occupe de sa tenue. Tu lèves les yeux au ciel - c'est pas comme s'il t'avait laissé le choix pour sortir. Tant pis, tu expliqueras au patron, tu trouveras une excuse pour expliquer son manque de classe évidente. Il râle ensuite et ne comprends pas en quoi il pourrait te faire honte. Vraiment ? Il n'y a rien qui lui traverse l'esprit ? Tu tousses dans ton poing, ne relèves pas son culot évident.

— « Laisse tomber. Ne nous disputons pas pour cela, d'accord ? »

Tu poses ta main sur sa cuisse. Tu sais que ça lui fait de l'effet. D'un coup il arrête de discuter, se tient tranquille. Tu pensais pas prendre autant de plaisir mais peut-être bien que t'es piqué en fait. Parce que ton pouce caresse tout doucement les plis de son pantalon.

Une fois arrivés tu enlèves ta main et sors de la voiture pour rejoindre l'entrée du restaurant. Non loin du portier se trouve Grey. Tu lui adresses un Bonsoir poli. Vous discuterez plus tard quand il sera temps de rentrer. Tu comptes sur lui pour surveiller les alentours pendant que vous soupez.

Quand tu entres, certains regards se posent sur toi. La nouvelle a vite tourné chez les PIC. Cecil Cooper est à la tête du gang, remplace Pheme Willis. Certains se méfient de toi (la plupart) parce qu'ils avaient des accords tacites avec l'ancienne reine. Accords qui battent de l'aile maintenant que tu as repris les rênes.

Le patron vient t'accueillir de lui même quand le serveur lui passe le mot. Vous vous connaissez depuis plusieurs années.

— « Cooper. Comment allez-vous ? Une table pour... deux ? Je suppose ? Ou vous attendez d'autres collaborateurs ? »
— « Pour deux ça suffit. Et j'aimerai être en haut, à la place habituelle quand je suis avec un invité. »
— « Bien sûr, bien sûr, je vous y escorte. »

Tu lui rends son sourire noble, grimpes les escaliers à sa suite pour rejoindre la loge VIP. En haut, ce sont seulement les clients les plus importants. La vue est prenante sur tout le restaurant. Une fois à table, le patron se permet de dévisager Samael, non sans garder une expression mielleuse comme l'exige la politesse. Tu t'empresses de préciser.

— « Ce charmant jeune homme est mon cousin. On s'est perdu de vue, et le hasard l'a remis sur la route des Cooper. Une histoire passionnante que je vous conterai plus tard. Si vous voulez bien nous excuser. »

Tu sens la jambe de Samael caresser la tienne. T'es pris d'un frisson que tu tentes de cacher. Une fois le patron parti tu te caches subtilement derrière le menu pour ne pas avoir à lui rendre de comptes.

— « Souvent, oui. Choisis. »

Tu essaies de te concentrer pour choisir. C'est une feinte parce que tu sais exactement quoi manger - tu es un adepte de la routine et des habitudes, alors depuis quelques mois c'est toujours le même plat. Le pied de Samael remonte le long de ta jambe et tu te crispes pendant que tu subis ses railleries.

— « Tais-toi... »

Tu l'observes un peu par dessus le menu. Tu veux voir sa réaction, tu veux essayer de déceler quel plat il compte choisir. Plutôt dans les viandes ou dans les poissons ? Sa question désamorce ton investigation. T'as un petit rire cruel et moqueur.

— « Simple précaution. Les cousins n'ont pas pour habitude de se jeter l'un sur l'autre pour les coller ou les embrasser. Au moins ça te forcera à bien te tenir et à ne pas avoir de comportements déplacés à mon encontre. En public. »

Tu ne te doutes pas du caractère vexant de ta réflexion. Tu veux juste protéger ta réputation et dorloter ton déni qui continue de grandir.

— « Moi ? Je vais prendre en entrée le foie gras de canard, toast brioché, chutney de figue au pignon, et en plat ça sera le Pavé de saumon poêlé, sauce vierge de mangue accompagné d’une timbale de riz au pistil de safran et fagots de haricot vert persillés. »

Le serveur qui arrive à ce moment là.

— « C'est noté monsieur. Et pour vous ? »

À l'adresse de Samael. Au même moment tu lui donnes un coup de pied dans le tibia par pur machiavélisme.

— « Et ajoutez avec ça un Côte-Rôtie 2019 s'il vous plait. »

Le serveur sourit.

— « Monsieur est connaisseur. »

Et tu lui rends son sourire.