Les affaires étaient les affaires, ça ne changeait pas. Et il y en avait plutôt pas mal, des affaires à gérer. S'il arrivait encore parfois à Angel de se pointer derrière le comptoir de la pharmacie, ce n'était pas là qu’il passait le plus clair de son temps.

On savait qu’il ne fallait pas le déranger lorsqu’il se trouvait là, pas seulement parce qu’il ne s’occupait pas exactement que de la gestion entièrement légale, mais parce qu’il détestait être dérangé.

C’est pourquoi il hausse les sourcils lorsqu’il entend la poignée se tourner, la porte s’ouvrant quelques instants après. Puis, son expression change, une fraction de seconde, à la vue du nouvel arrivant, avant de nouveau afficher son air satisfait.
Ah, tout s’expliquait.

C'est que pas n’importe qui ne pourrait se permettre d'entrer ainsi dans son bureau sans crier gare. Mais forcément, c’était Cecil,
et Cecil ce n’était pas n’importe qui (ça non).

C’était en partie grâce à lui si les affaires roulaient aussi bien après tout, on ne se retrouve pas à gérer une pharmacie d’une telle envergure sans quelque coup de pouce. Et pendant un temps, ça fonctionnait bien, ils avaient atteint cet équilibre, osmose parfaite.
Angel le savait, que Cecil avait certaines ambitions, c’était sûr. Et si Angel les avait encouragée il fut un temps, il s’est vite rendu compte que c’était différent, maintenant que Cecil se retrouvait capitaine des PIC. L’époque où ils se tenaient côte à côte comme des égaux était révolue, et ça le dérangeait, quelque part au fond. Et puis, ce n’était pas une raison pour tout lui céder sans rien dire.

Il se détourne sans presse du document pour venir se placer bien face à Cecil, venir poser les yeux sur lui, soutenir son regard sans broncher, tout en conscience que chaque mouvement est millimétré. Il n’était pas du genre à se laisser intimider, Angel, alors il fixe les yeux froids qui le transpercent.

- Oh, c’est toi, Cecil. Tu le sais, les affaires vont toujours comme ça devrait. Non sans ton aide, bien entendu.

Il affiche ce sourire, juste un iota suffisant, l’expression autrement artificiellement bienveillante, de cette façon si factice qu’il avait l’habitude de le faire, et qu'il savait ne bernait pas le capitaine une seconde.

- Ce serait mentir que de dire que tu ne m'interromps pas. Mais j'imagine que tu n'as pas exactement l'intention de repasser plus tard, alors...

C’était une mascarade si bien répétée, à peine voilée, qu’ils jouaient mutuellement, Angel s'en doutait bien.

- Que me vaut l’honneur de ta visite ?
Il entrelace ses doigts, mains devant lui, le ton plein de fausse politesse dégoulinante.