Assis au bureau de l'immense salon, tu travailles de la maison aujourd'hui. Mais impossible de te concentrer sur la paperasse, entre le com qui vibre (tu l'as laissé retourné l'écran face à la table) et les souvenirs de la réunion d'hier. Tu en veux à Blanche, ses petits secrets n'ont eu de cesse de te hanter depuis hier. Quelle humiliation ! Il va sérieusement falloir que tu t'occupes d'Ace Maxwell et de ces CG de malheur. Des putain d'animaux qui n'ont eu de cesse de se foutre de votre gueule depuis le début. Tu lui avais dit... Tu lui avais murmuré à Pheme, à quel point c'était une mauvaise idée. A vouloir avoir un coup d'avance, elle s'était prendre à son propre jeu.

On sonne à l'appartement. Tu tournes la tête vers la porte. Ça ne peut pas être Blanche, sinon elle aurait glissé sa clé dans la serrure. Non... c'est peut-être un rendez-vous oublié. Tu retournes ton téléphone pour vérifier tes appels manqués. Beaucoup de messages de Samael, même pas ouverts.

On continue de marteler la sonnette. Tu te lèves, et d'une démarche agacée, tu ouvres violemment. Tes traits se figent dans une expression de colère.

— « Qu'est-ce que tu fais là ?! »

Tu pestes.

— « Et comment tu as ENCORE déjoué la sécurité ? J'ai dis que je ne voulais voir personne aujourd'hui. »

Tu lances un regard noir au vigile posté dans le couloir. Tu attrapes par Samael par la manche de son manteau et le forces à rentrer - claques la porte derrière toi.

— « Ils commencent sérieusement à me pomper l'air eux aussi. Qu'est-ce qu'ils croient ? Que tu as un passe droit ? »

Tu passes une main sur ton front, éponges la fièvre qui commence à monter.

— « Ce n'est pas le jour Sam, je te préviens. Dis-moi tout de suite ce que tu veux, qu'on en finisse. »

Comme attendu, il te fait son petit caprice de star. Tu le toises, aussi furieux que féroce. La ride du lion prononcée, la veine sur le front bien tracée. Tout ton visage trahit ton manque de patience. Ah, il te prend des envies de violence. Tu te mords la joue pour ne pas hurler puis... il t'exige des excuses. Tu éclates d'un rire sardonique, totalement désabusé de l'absurde de la demande dans une situation pareille. Toi ? T'excuser ? Mais de quoi ?

— « Je suis peut-être un sale con mais toi t'es une petite merde. Un parasite qui se croit tout permis. »

Il n'a pas le droit. Il n'a pas le droit de se sentir spécial à tes yeux ! Pas alors qu'il te rend si vulnérable. Tu ne veux ni de son amour tordu, ni de sa pitié déplorable. Tu fais non de la tête.

— « Je ne m'excuserais pas de faire ce que je veux, chez moi, sur mon territoire ! Pas après... »

Tu es trop en colère, Cecil. Blanche est allée trop loin cette fois-ci. Elle et Ace Maxwell... Oui, c'est lui. C'est lui le problème ! Avec tout ça, tu en oublierais presque l'existence nauséabonde de ton petit frère.

— « Pourquoi est-ce que c'est moi que tu viens emmerder, hein ? »

Lui et ses déclarations bizarres. Cette façon qu'il a de t'ériger comme si tu étais au-dessus de tout. Ça te donne le vertige, et la couronne qu'il t'a donné est couverte d'épines.

— « Samael... »

Inspires, expires.
Tu glisses ta main droite à l'intérieur de la manche de ta chemise. Tu te pinces le bras - tu as quelque chose à vérifier. Le voyant grimacer sans vraiment réagir, tu recommences. Plus fort. Tu veux le voir se questionner. C'est lui qui va s'excuser. Et c'est toi qui va gagner.

Le négliger... ? Samael te donne l'impression d'être ta poule aux oeufs d'or. Ta chose dont tu dois prendre soin pour ne pas qu'elle tombe malade, ou se sente seule. Tu n'aimes pas les animaux Cecil, et Samael est vraiment le plus envahissant des petits canidés. Tu gardes ta mine sévère, sous tension - et elle grimpe un peu plus à chacun de ses mots.

— « Je ne t'ai pas remplacé si tu n'as jamais rien été. »

C'est peut-être le coup en traitre mais ça te calme à peu près de te défouler sur lui. Tout comme ça te prend à la gorge d'imaginer devoir lui rendre des comptes. Ça voudrait dire qu'il est important, et ça tu n'es pas encore prêt à le considérer.

Bien que tu rêves de lui toutes les nuits, transpirant dans tes draps de soie, à pervertir ses lèvres et dévêtir sa peau.

— « Hm ? »

Ton regard s'illumine à la vision de ses petites marques sur ses bras, là où tu t'étais pincé. Tu t'avances vers lui.

— « Prodigieux... »

La colère semble s'être évanouie. Sans lui demander, tu saisis son coude et observes les rougeurs d'un peu plus prêt.

— « Alors je ne suis pas fou... Ça marche sur tout ceux que je veux. »

Tout tes essais précédents ne sont pas des hallucinations que tu aurais fantasmé. Et la coquille vide jetée dans le fleuve a bel et bien existé.

Il hurle dans tes oreilles, se dégage quand tu l'attrapes. Tu te pinces les lèvres, agacé de devoir le retenir par la force. Pourquoi est-ce qu'il fait tout à l'envers ? Quand tu ne le demandes pas, il arrive - quand il t'intéresse il disparait. Il n'y a pas plus frustrant que Samael Moore. Je te déteste, qu'il te lâche avant de foncer vers la porte. Tu te retrouves figé, abasourdi face à l'éventualité qu'il le pense réellement. Si ce n'est pas une manipulation de sa part, alors...

— « Reste ici ! »

Tu ne dois pas ordonner assez fort car ses doigts accrochent déjà la poignée. Tu te rues sur lui, le plaques ventre contre mur. Tes ongles viennent se planter dans sa main pour lui faire lâcher prise. Tu n'as pas beaucoup de force Cecil, alors tu te colles à lui en murmurant, désespéré et cupide.

— « Pardonne-moi Samael ... ! »

Tu ris à moitié, incapable de gérer ton instabilité émotionnelle. L'angoisse (encore récente) de le voir s'échapper provoque des gloussements névrosés. Il a réussi, t'es complètement obsédé.

— « Ne pars pas. Ne pars pas ou je te tue. »

La voix est plus douce. La menace prononcée avec une légèreté inquiétante. Tu sors le poignard accroché à ta ceinture pour pointer la lame dans son dos. Appuies légèrement au creux de ses reins sans pour autant percer sa peau. Tu répètes.

— « Ne pars pas ou je te tue. Je le ferai. Ne m'y oblige pas... S'il te plait... »

N'importe qui aurait pu crier, ou se débattre - te témoigner de la peur. Mais lui ne semble pas craindre la lame qui menace de transpercer son dos. Au contraire, même... il te qualifie d'agréable et tu ne comprends pas. Le regard humide et fou, tu te décales légèrement sur le côté pour scruter son visage, la voix tremblante d'une animosité déficiente.

— « Quoi ...? »

Tu fronces les sourcils, confus. Appuies un peu plus le poignard pour griffer sa peau. Il a raison - il est spécial. Tu ne te mettrais pas dans tout tes états pour une autre personne, à peine pour ta petite soeur. Il est différent de tout ce que tu as rencontré auparavant ; il est cette âme esseulée qui réanime la tienne, morte il y a des années.

— « Mais tu vas rester, n'est-ce pas ? N'est-ce pas que tu vas rester ?! »

Tu éloignes le couteau pour le tenir droit derrière ton dos, le bras droit caché. L'autre l'aide à se retourner, toujours coincé contre la porte.

— « Ta colère s'est vite évaporée. A se demander si elle était vraiment sincère. »

Tu le toises, vexé d'avoir été piégé à ton sens, vulnérable. Puis ton bras vient plaquer le couteau cette fois sous sa gorge.

— « Je devrais vraiment te tuer pour que tu retiennes la leçon. »

Laquelle ? Tu ne saurais pas l'expliquer. Celle qui le fera agir selon ton bon vouloir.

— « Vu que tu as l'air d'aimer la violence. »

Ton souffle s'échoue sur ses lèvres.

— « Tu m'emmerdes spécialement. »

Dis-le que je suis spécial.

Tu dois bien avouer que c'est lui qui a des arguments imparables. Il ne réagit pas aux menaces, ne témoigne aucune crainte face au couteau qui risque de lui trancher la gorge. La mort est prête à le cueillir et il ne te lâche pas des yeux. Il te dévore comme un croque-mitaine. Tu déglutis, dans un premier temps trop confus par l'intérêt et l'affection qu'il te manifeste.

T’es spécial, Cecil.
Tu lèves les yeux au ciel, te pinces la lèvre.

— « Et toi tu es un petit diable. »

Ses lèvres contre les tiennes, tu ne bouges pas la lame pour autant, sentant contre celle-ci la pression de son cou. Tu réponds à son baiser, enivré par sa douceur et sa sensualité. Quand elles se séparent, tu baisses le poignard, le bras le long de ton corps. Murmures comme un dément.

— « Terriblement, pourtant... »

Mais soit, tu ne le tueras pas aujourd'hui. Il a réussi à apaiser ta colère (mais pas à enterrer ta cruauté). Tu jettes le couteau sur le canapé plus loin puis viens plaquer brusquement tes paumes sur ses joues pour encadrer son visage puis l'embrasses de nouveau.

Obsédé par l'idée d'un objet qui traine, tu finis par te détacher en râlant puis te diriges vers le canapé dans l'optique de le ranger.

Tu ramasses le couteau en silence et le déposes méticuleusement sur le plateau de la table basse. Samael semble plus sage, il est calmé et tu apprécies cette ambiance pesante qui flotte tout autour de vous. Ton oeil le toise, intransigeant, quand il bouge le coussin, mais tu ne fais aucun commentaire et il se décale. Qu'est-ce qui t'a contrarié, hein ? Si seulement il savait... Si seulement tu pouvais lui parler sans arrière pensée de la stratégie des PIC. Mais son lien évident avec Caelus Moore n'arrange en rien ta méfiance déjà naturelle.

— « Hm... J'ai appris des nouvelles fâcheuses. Une de ces histoires de gang que tu détestes tant... Je n'aime pas nous savoir vulnérables. »

Heureusement ! Samael détourne de lui-même l'attention. Ton regard s'illumine et ton sourire s'étire. Tu redeviens un instant comme tout à l'heure, quand tu as compris que l'existence de ta deuxième faculty n'est pas une fabulation.

— « Ooooh... Samael, Samael, Samael. Derrière l'orage se cachait une éclaircie. Tu vas trouver ça délicieux. »

Tu glisses derrière lui, taquin, et éffleures le creux de ses reins de tes doigts.

— « Je suis sûr que tu veux savoir mon secret. »

Tu le forces à se retourner, lèves le bras pour zipper ses lèvres.

— « Mais tu as intérêt à le garder pour toi. Sinon... »

Fronces les sourcils.

— « Couic. »

Ton visage s'habille d'un rire léger, et tu considères qu'il n'a pas d'autre choix que de se plier à tes conditions. Tu pars donc du principe qu'il acquiesce et te diriges vers ton bureau, non loin du canapé. Tu te saisis de l'agrafeuse et lèves le menton dans sa direction.

— « Regarde... »

Tu places l'instrument sur le haut de ta main, sans aucune crainte. Tu fais exprès de faire monter la tension, avant d'appuyer fermement pour que l'agrafe traverse ta peau. Tu t'écris pour la forme mais tu n'as rien senti. Quand la petite épingle de métal s'échoue au sol, tu écartes l'objet pour dévoiler une peau lisse. Tu sais pertinemment que la main de Samael présente deux petits trous rouges et que la douleur était sienne.

Oh, il n'a pas idée Samael, d'à quel point tu veux le faire rêver. Tu as besoin de partager ce secret avec quelqu'un. Tu as besoin que ça soit tangible et réel - rien de mieux pour cela que d'avoir un cobaye passionné et volontaire. Tu sais que si cela marche, il ne t'en tiendra pas rigueur. Et c'est une victoire totale ! A peine l'agrafeuse s'éloigne de ta main que tu constates l'immaculée de ta peau. Aucune douleur, aucune blessure. C'est sur lui que se répercutent les dégâts.

Tu ne sais pas comment attendre sa réaction. Tu le scrutes d'une oeillade vive et intrusive. Tu n'as pas peur de lui. Jamais. Mais peur qu'il s'éloigne, peut-être. Qu'il te prenne pour un monstre, sûrement (que tu l'es).

— « Je crois que je le peux, oui. »

Et son sourire illumine son visage, puis le tien, en reflet. Tu l'admires, lui qui est toujours si parfait même sous les traits malveillants de la folie.

Il te quémande de le refaire, tu hésites.

— « Tu es sûr...? »

Il s'est rapproché, tu épouses le bureau derrière toi pour instaurer une certaine distance, et ainsi garder ta lucidité.

— « La douleur, la blessure. Regarde ta main... »

Tu portes de nouveau l'agrafeuse, mais cette fois à ton doigt. Tu attends qu'il t'autorise du regard à le faire, et t'exécutes une nouvelle fois. Tu t'empresses de poser l'objet derrière toi pour venir attraper son doigt. Blessé, une goutte de sang perle d'un des deux trous. Tu le portes à tes lèvres pour l'aspirer, et ainsi stopper le saignement.

— « Mon pauvre petit. Je t'ai fait mal. »