Le com glissée dans ta poche, tu ignores son message. Tu n'as pas le temps. Tu travailles. Tu dois te faire irréprochable, pour plaire à Melchior, pour plaire à Swan, pour que le putain de monde ne s'effondre pas et que tu puisses ((tu ne respires que pour ça)) rendre palpable l’œuvre que tu t'es pris à fantasmer chaque soir. Alors Duke attendra. Sa proportion à venir ravager ce qui l'entoure attendra. Pour l'heure, tu fais sourire avec charme la splendide cliente qui sollicite ta compagnie. Fait montre de conversation et de tes talents d'artistes pour lui faire croire qu'elle a le potentiel d'une muse alors qu'elle est fade, fade, fade, fade.

Tu ris à ses mots, elle te lasse déjà. Mais elle paye bien et, encore une fois, tu dois être irréprochable. Irréprochable, parfait. Obsession du contrôle de ton image jusqu'à ton environnement. C'est pour ça que quand tu entends SA voix crier TON nom, tu sursautes, tourne une tête horrifiée vers le chaos qui s'annonce et s'avance.

Oh non.

Sans une once de respect pour ton travail (ni même ta couverture) il s'assoit, se fait proche en posant son front contre le tien, en laissant ses mains vagabonder où elles le veulent. Tu le regardes, stupéfait, furieux, effrayé. Tu souffles, un regard discret vers ta cliente qui doit bien se demander à quoi rime tout ceci.

— Je travaille, c'est pas le moment !

Tu grimaces aux contacts de ses doigts sur ta cuisse. Merde. Merde. Merde. Précipitamment tu lui prends la main, le pousse pour le forcer à se lever, tu le tires avec toi. Tu te retournes pour adresser un sourire rayonnant à ta cliente avant d'entraîner Duke vers la sortie.

— Attends dehors, laisse-moi la virer et j'arrive. 10 minutes. Je te demande 10 minutes Duke.

Tu presses sa main.

— 10 minutes.

Tu tournes des talons replace ton col de chemise dans un raclement de gorge avant d'aller de nouveau élégamment t'asseoir aux côtés de ta cliente. Tu lui souris, lui baise la main. Lui explique, navré, que tu dois gérer une urgence mais que le temps avec elle était délicieux, comme toujours, qu'avec elle ta créativité s'en retrouvait stimulée. À force de cajolerie elle se montre prompte à partir, au prix de la promesse d'un rendez-vous plus privé. Seul sur le canapé, tu passes une main sur ton front. Duke, l'enfoiré. À cause de lui tu vois devoir supporter les caresses de cet être fade et sans saveur. Quelle plaie. Tu allumes ton com, lui dit que tu arrives avant de te lever de ton fauteuil pour gagner l'air frais du dehors. Tu ne mets pas longtemps à capter ses cheveux colorés de l'autre côté du trottoir. Tu t'approches, fulmines plus paniqué que furieux.

— Tu te rends compte des risques que tu me fais courir ? À mon boulot ! Devant une cliente ! Tu veux que Swan mette ta tête au bout d'une pique ? T'es impossible, Duke.

Tu fouilles dans la poche de ta veste pour en sortir un sachet à moitié plein de petit cachet coloré.

— J'ai que ça sur moi.

Au dernier moment, tu lèves le bras pour mettre le sachet hors de portée.

— Ce ne sera pas gratuit.

Ça ne l'a jamais été. Il fallait payer ou partager.

T'aurais dû anticiper. Duke n'est pas une créature qui répond d'une certaine logique ou de certains stéréotypes. Et si tu ne le croyais pas capable d'attenter à la vie d'un membre des BR jusque-là, t'as désormais comme un doute. Ton dos vient heurter le mur en même temps que ton crâne. Le choc te coupe la respiration, mais c'est bien la pression de ses doigts contre ta nuque qui t'empêche de la reprendre. Tu viens précipitamment attraper son poignet, essayer de tirer furieusement sur sa main en poussant des gémissements de détresses étranglés. Mais la force n'a jamais été ta qualité première et ne le sera probablement jamais. Les larmes à coin des yeux sous le manque d'air, tu sens la caresse froide de la lame et tu penses ce fou capable de te planter pour passer sa frustration. Tu le penses tarer au point de commettre l'irréparable. Tu te jures d'en parler à Swan. Tu te jures qu'à ton réveil tu iras le dénoncer. Il te met en danger !

Mais il finit par te lâcher, lever les mains comme le plus innocent des enfants. Tu te laisses glisser contre le mur. Tes jambes ne te portent plus. Tu poses une main incertaine sur ton cou. Tousse. Est-ce que tu vas avoir des marques ? Merde, si Melchior te voit avec des traces de strangulation... Tu pourras toujours dire que c'est un client un peu audacieux qui t'a fait ça. Mais qui sait comment ton "maître" réagirait ? Merde. Il te fout dans la merde. Tu te relèves, un peu tremblant. Il est à cran, qu'il dit.

— Je... Je vois ça.

Tu vas pour lui tendre le sachet. Ton premier réflexe et de lui demander de l'argent. Mais ton regard dérive soudain sur le couteau à sa main. Tu sens tes doigts contre ta nuque et soudain, tu as une idée.

— Ce que je veux...

C'est risqué. Tu maudis ton imprudence mais peut-être Duke est-il la solution à ton problème. Tu laisses pendre le sachet dans ta main, l'agites.

— Il n'y en a plus beaucoup.

Tu passes son regard sur lui.

— Et si je te disais que je pouvais t'en avoir plus ? Non, t'en avoir de façon illimitée ?

L'accès à la drogue t'est aisé, Melchior à ses réserves. Il sera peut-être furieux, mais ça en vaut la peine. Tu t'approches, le prends dans tes bras. Doucement, tu glisses le sachet dans sa main.

— Tu vois, y as des gens qui nous posent problème chez les AS, Duke. Des gens comme Astrée Moore, qui pourraient tout faire capoter.

Tu murmures.

— Débarrasse-moi de ces gens-là. Swan sera content et moi, je te fournirai tout ce que tu voudras, quand tu le voudras.

Ta langue claque contre ton palais, agacé. Il croit que c'est simple ? À l'entendre tu n'as rien fait, rien essayé, rien accomplit. Tu secoues la tête, le regard plus hargneux.

— J'ai une couverture à tenir.

Ouais, tu pourrais, te glisser dans sa chambre, empoisonné son verre, prendre en défaut ses garde du corps. Mais alors ce serait ta fin. Oh, tu revivrais, pas de problème, mais les AS te seraient alors inaccessibles. Et tu ne veux pas, tu ne peux pas. Ce n'est pas de ta faute si cette garce est la prudence incarnée.

— T'en fais pas Swan connaît très bien ma situation. Mon job, c'est d'espionner pas d'éliminer. Soit plutôt content que je te donne de quoi bosser. Le meurtre, c'est ton boulot, non ?

Tu fronces les sourcils, mauvais perdant. Et il se permet de négocier en plus. Une nouvelle fois, l'agacement sur ton visage. Tu viens de nouveau t'adosser contre le mur autant pour t'éloigner de lui que de son couteau.

— C'est quoi ton prix ?

Négocier avec Duke Hawkins, quelle idée. À quel point t'es désespéré pour commettre pareille folie ? Tu sens que le prix va être élevé, peut-être trop. Encore une fois, tu ne peux pas te permettre de mettre en danger ta couverture, ta place auprès de Melchior. T'as tant de choses à accomplir avant de t'autoriser l'échec. Alors tu lèves la main, comme pour appeler au calme.

— Je ne peux pas mettre en danger ma couverture, alors si c'est trop élevé, laisse tomber, je trouverai autre chose.

Mais alors il pourra dire adieu à sa drogue, adieu à son point d'accès facile et sûr. Et ça, t'es pas bien sûr qu'il puisse se le permettre.

Parce qu'on est ami, hein ? Non. Et t'es même sûr qu'il y croit lui-même. Tu collectionnes les contacts, les collaborateurs, mais les amis certainement pas. Et quand bien même il le serait, t'es suffisamment sain d'esprit pour savoir qu'il faut te débarrasser de lui. Tu l'observes, mal à l'aise. Lasse du manque de lassitude que ses changements d'humeur t'offre. Tu ne nieras pas. Ne plus le voir débarquer ici sera un grand soulagement.

— C'est le deal.

Tu braques son regard dans le sien. Tu passes un pacte avec le diable.

— Tout ce dont tu as envie, quand tu en auras envie.

Et si ses lubies te mettent en danger, t'ira te réfugier sous la sainte autorité de Swan. Des moyens de contrer Duke, il doit en exister. Tu trouveras. Dans l'immédiat te veux te garantir la tête d'Astrée et un répit bien mérité. Tu tends la nuque sans quitter son regard. Tu n'as jamais eu aussi hâte de rentrer, regagner les canapés de velours et la compagnie des clients ennuyants.

— Une avance...

Tu considères la pilule qu'il essaye de te mettre dans la bouche. Tu serres la mâchoire. Merde. Tu consommes, mais pour ce soir ça commence à faire beaucoup. Si tu rentres avec des marques, l’œil hagard... Duke t'apporte plus de problèmes que de solution. Tu essayes de forcer, mais il n'en démordra pas. Tu le fixe. Merde. Tu entrouvres la bouche, viens cueillir la pilule avec ta langue sans le quitter des yeux. L'air de lui dire "à l'amitié !"

— Aaaaah.

Tu lui souris. Grimace sous l'effet de la drogue. Tu sens le pétillement sous ta langue, le doux sentiment d'euphorie qui vient tordre le ventre.

— Satisfait... Copain ?

Tu prends son poignet, essayes de l'éloigner de ta gorge.

— Comment tu comptes t'y prendre ? Elle a ses gardes du corps.

Aussi fort soit-il tu l'imagines mal pouvoir donner les changes à plusieurs adversaires d'envergure. Tu renverses la tête contre le mur. Tu as chaud.

— La fille je ne sais pas... Mais Tiago, le mec, je peux me le faire. On s'entend bien, tu sais ?

Tu laisses ta tête ballottée, tes yeux s'accrocher aux néons de l'autre côté de la rue.

— Duke, Duke, Duke.... Faudra pas que tu penses à moi quand tu la tueras, Duke. Tu peux penser à moi n'importe quand, n'importe où mais pas quand tu la tueras. Sinon...

Tu te passes un doigt contre la gorge.

— Plus de Jasmin. Plus de marché. Plus de drogue. Plus rien.

Tu esquisses un sourire, la pilule à la don de rendre tout plus beau, plus joyeux, plus simple.

— On veut pas ça, n'est-ce pas Duke qu'on ne veut pas ça ?

Une autre pilule ? Grand dieu, tu vas finir mort avant la fin de la nuit. Mais étrangement, l'idée te laisse indifférent. Mourir, c'est comme dormir, n'est-ce pas ? Un looooong sommeil, dont on ne se réveille jamais. Peut-être que ta mère fait la sieste dans sa tombe, tout là-bas, en bas, sur terre. Peut-être que ta sœur aussi. Peut-être qu'Astrée ira dormir elle aussi. Dans le fond vous êtes bien sympas de la tuer. Même si c'est temporaire, tu lui garantis une sieste sans mauvais rêve. Ah, tu ne devrais vraiment pas prendre cette seconde pilule.

— Aaaah.

Tu la prends quand même. Le picotement sous ta langue, cette chaleur envahissante. Tout est beaucoup plus drôle, maintenant. Est-ce pour ça que Duke est ce qu'il est ? La drogue est-elle devenue composante de son ADN à force d'en prendre ? Tu te dis que ce ne serait pas si mal, d'être comme lui. Est-ce que tu viens vraiment d'ingérer deux pilules en moins d'une heure ? Quelle folie ! Tu te surprends à rire.

— Improviser, c'est ton truc, c'est pour ça que t'es fort et incroyable, hein ? T'improvises !

Tu hoches doucement la tête, tu te sens d'humeur câline, entre ta tête lourde et l'euphorie des pilules, tu te laisses aller à laisser ton front s'échouer contre son épaule. T'es secoué d'hilarité.

— Ce serait une catastrophe, oui. Plus de Jasmin. Plus de Duke. Plus de Duke. Plus de Jasmin. Ce serait triste. Comment on ferait alors, hein ? On ne doit pas Duke, on ne doit pas. Ils se feraient tous chier sans nous, hein ?

Tu frottes ton front contre son épaule, hilare.

— Tu vas la buter cette pétasse. Avec son petit air de maline, tout ça parce qu'elle peut lire dans la tête des gens... Alors qu'elle est insipide, aimable comme une porte de prison, aussi chiante d'une pierre tombale !

Tu t'écartes de lui vient laisser reposer ta tête contre le mur derrière toi. Soudain tu te sens triste. Tu baisses la tête, une moue désolé sur le visage.

— À cause de moi tu pourras plus venir ici.... Je suis désolé.

Tu redresses la tête, le regardes, sincèrement peiné.

— J'espère que tu m'en veux pas Duke... C'est pas de ma faute, c'est de sa faute à elle... Tu comprends, hein ? Allez, me boude pas. Je t’achèterai ce que tu veux...

Les effets des pilules te portent, rendent tes émotions exacerbées, ton hilarité et ta sensibilité s’entrechoquent. Ton corps à la fois anesthésié et hypersensible. Le chaud en même temps que le froid. T'es allé trop vite, mais tu n'es plus en capacité de regretter d'avoir avalé cette seconde pilule. Quand tu seras redescendu, tu le détesteras, Duke. Pour l'heure, l'homme te semble aussi sympathique que chaotique.

Tes yeux dérivent vers le ciel quand il te tire les cheveux en arrière. Tu grognes légèrement, mais oublie la bref douleur quand ton regard accroche les cieux. Tu te fait des réflexions dont tu ne te souviens pas la seconde d'après. Tu secoues brièvement la tête.

— Ouais, bientôt elle aura ce qu'elle mérite.

Tu murmures, l'idée t'arrache un sourire prononcé. Ah. Aaah. C'est de sa faute, elle n'avait pas car te juger comme elle l'avait fait. Tout ça parce qu'elle n'avait pas main basse sur ton esprit. Quelle égocentrique ! Tu détestes les princesses, toi, tu n'aimes que les reines, que les rois. S'il seulement elle pouvait être aussi royale que Melchior sans doute l'aimerais-tu.

— Si tu me frappes, je pourrai plus te fournir...

Vague pensée cohérente. Tu détaches ton regard du ciel pour revenir vers lui. Tu clignes légèrement des yeux, tu trouves ses expressions foutrement marrantes. Tu te surprends à sourire, c'est de menace qu'il te lance mais ça te fait sourire. Soudain tu deviens sérieux, balance avec un flegme légendaire la chose suivante.

— Tu veux que je te suce ?

Il a parlé de frustration. Et tu crois bien que c'est ton métier de faire en sorte que les gens partent d'ici apaisées. Ouais, Melchior a dit un truc comme ça. Tu penches légèrement la tête, hausses les épaules.

— C'est trop nul que tu sois frustré, Duke.

Tu t'adosses au mur.

— Normalement c'est payant mais on est ami. Hein, on est ami ?

Tu fronces les sourcils, tu ne serais pas capable de dire s'il dit vrai ou s'il sous-estime tes capacités. Ton regard dérive sur sa braguette et tu hausses les épaules. Réflexion faites, il a raison d'être prudent. Aussi rapidement que l'idée t'ai venu, ton esprit dérive vers d'autres pensées. Ton regard accroche une voiture, tu te fais la réflexion qu'avec les phares, le capot à des airs de visage. Puis il dérive sur un couple qui rentre. Marrant, un couple. T’espères qu'il ne finira pas comme le dernier qui s'était présenté comme libre pour se disputer pour cause de jalousie quelques heures plus tard. Puis la voix de Duke t'interpelle, tu tournes doucement la tête.

— Hm ?

Sa main sur l'épaule, tu penches la tête de façon charmante. Tu ne comprends pas sa question.

— La dernière des nôtres qu'était ici, ce n'était pas une amie. Je l'ai vendu. Trop partiale, elle aurait tout fait capoter.

Tu fermes les yeux, apprécies le contact frai du mur contre ton crâne. Tu les rouvres, papillonnes légèrement, avant de lui sourire.

— Amis... Amis... Nop, j'ai pas d'amis... Mais ! Ah ! J'ai mieux, bien mieux que ça !

Tu tapes des mains, soudain joyeux, enthousiaste.

— J'ai une muse !

Tu soupires, extase entre tes lèvres.

— Elle n'est pas parfaite, comme Muse. Elle a des côtés disgracieux qui m’insupportent. Mais je sais reconnaître le potentiel. Avec un peu de travail, il deviendra parfait, absolument parfait.

Ton regard brille d'un intérêt nouveau, tu glisses, lascif.

— Quand je l'aurai transformé tu pourras revenir ici sans te préoccuper de quoi que ce soit.

Tu lui souris, glisse une main contre sa joue.

— T'es magnifique dans ton genre, Duke, mais t'es malheureusement pas aussi beau que lui.