Fumée est loin de te brûler les yeux. L’habitude. Gorge chaude, souffle long, regard perdu. Où te trouves-tu, Helios ? La nuit tombe, tes derniers rayons chatouillent ton visage. Il est l’heure de rentrer. Distrait, tes vieilles baskets ne te ramènent pas à ta demeure. Le chemin que tu prends, las, te mènera peu importe où. Peu importe. Où.

Désintéressé de la vie, désintéressé du monde ; des gens qui t’entourent. Déphasé. À quel moment as-tu cessé de te poser des questions ? De te demander où vont les gens, dans quel sens tourne les planètes ? Ton enfance, ta terrible enfance. Celle d’un chiard trop jeune pour comprendre, trop petit pour goûter au vin chaud de l'être. Renfermé, chouchouté, découvrant peu à peu ta faculté ; tu sombres. Deviens sociable, mais se suffisant à lui-même. Bavard, mais pas prêt à devenir ami avec n’importe qui. Un grand cercle de connaissance, peu de personne de confiance.

Tu es capricieux, tu veux tout.
Tout de suite.
C’est à cause d’Hestia.

Hestia. Hestia. Ta muse, ton âme-soeur. Grand Dieu, pardonne ses péchés, car c’est de sa sœur qu’il rêve la nuit. Aphrodite fait pâle figure à côté. Tu l’envie, tu l’adore. Tu donnerais beaucoup, pour que vous ne soyez pas de chair et de sang. La regarder sous son plus simple appareil, en être le détenteur. Lui appartenir. Tu te sais frère. Malgré ton cynisme inébranlable, tu respectes. Tu sais cette attirance malsaine -comme ton être- mais tu n’en tiens pas rigueur. Tu la sais amoureuse ; tu es jaloux. Pas de rancœur bel enfant, Hestia lui appartient.


L’art est ton échappatoire. Seul lieu sain de ton monde ; loin de la drogue, du bruit, de la foule. Calme, plénitude. Pas pour toi les problèmes des autres, leur tristesse, leur bonheur. Tu n’en fais rien, tu ne sais pas réconforter. Empathique ,. Insensible. Oui, ça ne te fait rien. Rien. Ça rentre par une oreille, sort de l’autre. Tu dois déjà te gérer toi, ne gère pas les autres en prime. Lâche, fainéant, tu n’en aurais même pas l’envie, ni l’idée, d’aller porter main forte à âme en peine.

Lunatique, ton humeur n'est jamais la même. En face de toi, on ne sait pas. À qui parlons-nous ? Est-ce le preux Helios, brave, loyal. L'indifférent, le saoulé. L'homme détestable, mais irréprochable. Tu ne sais parfois pas toi-même sui tu es. Garçon traumatisé, blessé par la vie, à jamais arraché à tes parents.

« Lui qui était voué à briller tel un soleil,
s’est éteint pour devenir la lune. »

☼

Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ;
Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos cœurs maudits,
Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles,
Répondent les échos de vos De profundis.

Octobre pluvieux, mars ténébreuse.
Môme qui crie à en perdre les sens.
Hélios Sol Gallagher est né.

Foyer paisible et heureux, pauvreté silencieuse ; lumières étincelantes. On ne dit rien, on se tait, tout va bien dans le meilleur des mondes. Feuille d’or au milieu de l’enfer, d’un déchu soleil. Puis du rouge. Du rouge, partout. Émanations de fer, de chaud. La colère, les larmes. L’absence.


Et, la présence. Celle de ton frère, de ta sœur. Surtout Hestia. Fidèle à son essence, à son nom. Belle de jour prend les rennes, mains tremblantes, devient responsable. Deviens mère de substitution, figure maternelle. Devient ton exemple, ton repère. La femme parfaite.

1) Au même moment, l'on te diagnostique avec des TOCs. Troubles obsessionnels compulsifs.
2) Au même moment, ta bouche apparaît de plus en plus engourdie. Ta langue ne répond plus, ta gencive semble enflée. Tu découvres, beaucoup trop jeune, la stupidité de ta faculty.

En voulant lécher une plaie faite en jouant dans la rue.
Petit, les effets sont forts.

Mais,
      Plaisants.

Grondé par Hestia et Hadès, tu gères ce pouvoir en secret.
Et les jours passent, et les années défilent.
Et lassement tu descends les escaliers vers les ténèbres.

Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer
De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes,
Je l'entends dans le rire énorme de la mer.

Quinze ans, adolescence compliquée, humeur de feu. Cœur battant pour les beaux cheveux d’or, yeux pétillants à sa simple mention, tu connais une nouvelle émotion : la possessivité. Envers ta famille, envers elle. Une attaque, un sauvetage. Une nouvelle personne dans son entourage, des yeux qui pétillent pour une autre âme que la tienne. Tu acceptes. Après tout, il l’a sauvé. Tes yeux pétillent quand même ; encore.


Tu entends vaguement la mention des Banana Bread dans une discussion avec Hadès.
Une différence, une indifférence. Idéal accepté, idée retenue.

Seize ans, tes premiers amours. Tes premiers délits, premières intentions de devenir tatoueur. À défaut de chercher, car rien ne t'attire et rien ne te veux, obstination née de mauvaises pensées. « Il te faut un book. ». Tu passes tes journées devant papier, jamais page blanche, noir symbolique ; aucune couleurs. C'est seul, déterminé, que tu apprends. Internet ne manque pas de leçons. Première machine, premières peaux. Hestia s'y refuse, tes cuisses y passent.




Les Banana Breads, sous la recommandation d'Hestia, te prennent dans leurs rangs. C'est par elle que tu passes pour, à tes dix-huit ans, devenir leur tatoueur. Après quelques une année, quelques mois avec eux, à rendre des services, on t'accorde confiance. Peu enclin à gérer un salon -pas l'envie, pas le courage, pas l'intelligence- tu travailles par contact, chez toi, chez les clients.




Et sur Mars, la belle rouge, au soleil couchant, nous nous retrouvons.