Je sais que Kokoro n'est pas à prendre avec des pincettes.

J'ai beau le connaître aussi bien dans ses sourires les plus tendres que dans ses tristesses les plus destructrices que j'ignore encore sa façon de diriger un gang.

Il reste assez secret concernant ses activités et il m'a bien fait comprendre que je n'avais qu'à les rejoindre pour qu'il puisse se confier un peu plus à ce propos.

Je sais que certaines choses le déchirent, le tourmente et je n'ai jamais pu réussir à faire un quelconque travail sans en connaître les tenants et aboutissants.

Cependant, parfois, il laissait s'échapper des indices qui m'ont assurément fait comprendre son investissement total et toute la charge lourde qui en découlant l'épuise physiquement.

Mon oreille attentive l'avait aidé, mais j'ai senti que la proximité dont nous faisons preuve s'amenuisait de par ma volonté de n'appartenir à aucun gang. Enfin, de ce qu'il croit en savoir, car la vérité résidait ailleurs.

Mains dans la poche centrale de mon sweat, je m'enfonçais plus profondément dans le quartier Ouest. Au plus j'avançais, au plus je me sentais oppressé par les constants gratte-ciel menaçant de m'asphyxier.

Les Carrot Cake ont le sens des affaires et on le remarque aisément face à l'esthétisme de leur quartier ; rien à voir avec les parcs et les structures simples qui occupent ma région.

Les résidus de pluie en flaque parsèment le trottoir, l'onde déforme ma silhouette mais n'efface pas ma détermination. J'ai répété cent fois devant mon miroir ; cent fois je me suis regardé et j'ai parlé. Ce n'était pas mon discours ou ma manière de dire les choses que j'ai répétées.

C'était plutôt de voir la gueule que j'aurai quand je commencerais et c'est vraiment un visage que je ne veux pas me voir aborder.

Quand j'arrive devant le QG, le personnel est frileux à me laisser pénétrer dans l'enseigne et j'ai beau répéter en boucle que j'ai rendez-vous avec leur capitaine, que ça a du mal à rentrer dans leurs crânes de con.

Finalement, ça passe des appels et ma seule option pour leur éviter une rencontre avec mon poing c'est de tourner en rond. J'ai des difficultés à me détendre quand je m'adresse à des inconnus et même si je dois faire bonne figure,
bah c'est comme ça, je ne contrôle pas mes émotions.

Des draps de poussière se soulèvent au rythme de mes pas, et quand ce rideau se dissipe on me laisse entrer en m'accompagnant : bonjour la confiance, hein.

C'est immense, mais genre vraiment.
Autant dans la tapisserie que l'ornement des poutres et des détails tape-à-l'œil alentour.
Tout est pensé pour apporter de la finesse et hurler "eh regardez tous, on est tellement riches qu'on pourrait acheter Phobos et Déimos" les deux satellites de Mars ; au cas où.

Dernier étage et dernière porte. Ma "baby sister" est toujours là, toquant à la porte pour m'annoncer.

Whoaw bah je ne pensais pas qu'il fallait passer par tant d'étapes pour avoir accès à une discussion avec mon meilleur ami, ça va être quoi la prochaine fois si je lui propose un verre ?

L'espèce de gorille ferme la porte derrière lui et j'attends juste un peu face à Kokoro ; seul le silence nous réunis.

C'est compliqué de le regarder dans les yeux et à la fois si simple. Il n'est pas difficile à comprendre, je n'ai qu'à le regarder. Et même s'il trouve ça embarrassant, quand bien même j'ai moi-même du mal à rester indifférent, mon air reste professionnel.

Je ressemble l'air dans mes poumons et empêche mes mains de trembler.

- Salut. Dis-je en prenant place. Je suis venu.

J'ai peur de faire une mauvaise chute et je fais le visage que je déteste avoir,
que j'avais peur d'avoir.

Kokoro a toujours eu un air joyeux, un air ridiculement joyeux. Faut dire que je serai prêt à tout pour continuer de toujours voir son même visage stupide.

Mais je le connais aussi, et aussi certainement que si je l'avais mis au monde, sa petite moue n'a rien à voir avec ses vrais sourires ; rien que pour ça il mérite déjà mon poing.

Actuellement, il a surtout l'air fébrile et je me dois de traiter immédiatement l'information. Ma conduite est avant tout dictée par une forte envie d'apaiser les signaux de détresse qu'il m'envoie tacitement, alors je m'oriente vers lui. Mes coudes prennent plus de place sur le bureau jusqu'à encadrer les siens, une manière indépendante qu'à mon corps pour s'exprimer sans que j'en aie réellement conscience.  

- Désolé d'être resté silencieux tout ce temps ; j'avais besoin de réfléchir. Je culpabilise un peu de l'avoir laissé dans ses tourments, mais le temps que j'ai pris était nécessaire ; j'avais besoin de me restructurer sur moi avant de penser à lui.

D'instinct, mes mains viennent se placer au-dessus des siennes, le contact chaud de ma peau assurant une zone de confort. Bordel qu'elles sont froides ! Je lui ai pourtant dit de porter ses gants quand elles sont dans cet état ! Mais non, comme d'hab, vlà t'y pas qu'il n'écoute rien. Putain, têtu ce mec.

- Il y a quelque chose que tu voudrais me dire en particulier ?

Je frotte doucement mon pouce contre sa peau pour l'inciter à se confier. Je ne voudrais pas m'avancer pour le moment et dire des choses qui sortent de leur contexte ou qui pourraient l'inquiéter, parce qu'il me sonde ridiculement avec cette question plutôt qu'aller directement au but. Kokoro est sensible et avec lui, je préfère avant tout faire des tout petits pas pour le mettre à l'aise.

Faudrait pas qu'en plus je le brusque et qu'il se mette à se renfermer comme une huître.

Je le laisse prendre son temps, après tout, ce n'était pas évident pour lui que je le laisse sous silence pendant un mois. Il ne le méritait pas et ma manie à tout garder pour moi, cette même manie à ne pas communiquer quand je ne vais pas bien, m'a non seulement causé pas mal de stress, mais l'a aussi peut-être un peu éloigné de moi.
C'était dur pour moi aussi de maintenir cette posture, mais ma décision l'a autant été pour lui.

Je perçois son stress dans ses yeux qui cherchent nerveusement les miens. En réponse, c'est à peine si mes paupières clignent ; je dois rester rationnel pour le sécuriser.

- Mais c'est parce que tu es tellement important pour moi que ce n'est pas une décision qui se prend à la légère, Kokoro.

Je lui sers la version édulcorée, l'opération n'est pas indolore et j'ai aussi dû accepter qu'une grande partie de mes convictions parte en éclat avant de revenir comme une fleur...
... Ouais vraiment, y a tout un tas de choses qui ont engendré mon trop long silence.  

- J'avais peur de te déranger, que continuer nos discussions normalement alors que tu attendais impatiemment ma réponse ne fasse pas sens pour toi. Puis tu connais mon problème avec le changement.

Sans motivation valable, on ne peut pas me faire adhérer à une certaine idée qui risque de tout changer et c'est ce que mon silence a résulté. Je savais que je le blesserais mais je n'imaginais pas que l'envergure de mon choix lui ait fait subir une telle douleur émotionnelle.

- Sht shhht eh... tout doux. Regarde-moi, regarde-moi. ...... ça ira, je suis là maintenant, hein. Je ne partirais pas.  

À mesure que nos mains s'entrelacent désormais, je suis complètement réceptif à sa détresse. Il est paniqué, à la limite de l'angoisse et je peux le comprendre parce que son passé ne l'a jamais bien mis dans de bonnes dispositions.
Pas sûr que son futur soit plus glorieux, mais pour l'heure et très égoïstement, je profite de l'instant présent ; de pouvoir le sentir là, près de moi.  
J'absorbe toute l'humidité que je ressens dans ses questions, épongeant les peines de son cœur en sanglots. Ma tête se penche en avant et effleure son front. Je n'arrive pas à fermer les yeux -ou du moins que très peu- car je veux toujours garder un œil sur lui, m'assurer qu'il se sente en confiance avec moi.    

Ses mains s'écrasent petit à petit sur elles-mêmes, sonnant comme un ultimatum. Je peux sentir la courbure de ses veines et son cœur battre à travers elles, tant il y met de tensions. Il ne me laisse pas le temps, il ne me laisse plus de temps. Il respire même d'ailleurs si tellement peu, qu'il pourrait faire une syncope et me claquer dans les pattes.

- Je te le promets.

Je me déteste.

Kokoro s'emballe et je ne suis pas surpris de le voir réagir à vif. Il a dû se sentir abandonné et tout ce qu'il me sort, ce n'est rien de plus que son sac qui se vide. Je le redis, je n'ai pas d'excuses, lui en fournir ouvertement serait me dédouaner de mes propres responsabilités.  

Je voudrais simplement lui dire que j'ai pris en compte ses besoins, lui affirmer mon respect pour notre relation et confirmer mon empathie envers lui. Cela dit, les mots ne sortent pas, y a que mon corps qui parle pour moi. On reste un moment comme ça l'un avec l'autre -dans un langage secret qui n'appartient qu'à nous- avant que la distance ne se creuse. Je sais que ce n'est pas un refus de la part de Kokoro, juste un moyen pour lui de se mettre à réfléchir logiquement.  

Je repars chercher son front, me collant à proximité pour ne pas m'imposer. Kokoro est timide et je n'ai pas l'habitude d'être l'initiateur dans ce genre de situation.

Je le connais mieux que n'importe qui d'autre et là bordel, quelle idée de merde. Je pensais pas qu'une telle absurdité sortirait de sa bouche. Comme quoi, on peut avoir une jolie bouche mais pas en faire un très bon usage.
Je souffle bruyamment du nez.

- Tch, arrête de faire l'enfant Kokoro.

La promesse du petit doigt, non mais sérieux, on a vraiment passé l'âge pour ce genre de connerie. Je grommelle dans ma barbe, décidément pas du tout réceptif à sa proposition, mais mon meilleur ami ne me laisse pas le choix et m'embarque directement dans ses enfantillages.
Franchement, il en a des belles. Je cède vite-fait et récupère bien vite mon doigt.

Attends, quoi ?
...

Je ne réponds rien ; on plaisante pas avec ça, il le sait.

- Il n'y a que les croyants qui peuvent dire ça, et toi tu ne l'es pas aux dernières nouvelles, crétin.

Toc.
Je lui file une pichenette contre un coin de son crâne. Je ne peux pas l'empêcher de se méfier, mais je suis en colère qu'il ne m'ait pas cru la première fois. Je suis pas du genre à prendre des pincettes sur mes principes, mais je fais au moins l'effort, pour lui, d'y placer quelques formes.
Puis je vais pas commencer à lui saper le moral alors qu'il vient à peine de retrouver le sourire.  

Raaah, parfois, j'ai vraiment que Kokoro n'a pas grandi. Promesse du petit doigt, si tu mens tu vas en enfer, c'est quoi la prochaine étape ? Jouer à un, deux, trois soleil pour me faire accepter dans sa communauté ? Non, honnêtement, je n'ai pas envie de m'embêter avec des théories farfelues, alors autant passer directement au vif du sujet.

- Bien... Alors, hm... ? Ce qu'on avait dit....... c'est ok ?

Ouais bon pour la clarté, faudra repasser.

Rah, il ne me rend pas la tâche facile. J'ai pas envie de paraître si virulent, mais c'est un fait, je n'ai jamais su me retenir quant au moment où je dois affirmer mes positions.

Je lui jette un coup d'œil avant de soupirer.

- Non je ne déteste pas... Juste, je suis frileux quand ça concerne mes convictions. Tu peux le comprendre ?

Ouais, j'ai clairement quelque chose à me reprocher, c'est vrai, mais cet état factuel est masqué par ma véritable personnalité qui l'aurait reçu à la même enseigne. Pas question de toujours le ménager, je sais faire des compromis et le mettre dans de bonnes dispositions pour qu'il se sente bien, mais je sais aussi dire quand une situation ne me convient pas et ne respecte pas mon espace privé. Je pense qu'il a encore un peu plus de mal avec ça et ce n'est pas étonnant. Petits, on partageait tellement tout que je ne doute pas qu'il désire se replonger dans ce mood d'autrefois, dans son présent. C'est toujours rassurant de conserver une piste et de s'en inspirer pour mieux vivre, et, avec la vie qu'il a eue, je ne peux pas lui retirer ça.

- Arrête de grimacer, tu vas resté bloqué sinon.

Je lance une pichenette pour qu'il oublie son air abattu. Je ne veux pas voir le visage de mon meilleur ami avec une autre expression qui véhicule autre chose que de la joie. Il a tout intérêt à se reprendre parce que je... quoi ? Le voilà qu'il se marre maintenant, bah dis donc, de plus en plus lunatique celui-là. Maintenant, il m'en sert à la pelle de sa joie.

Dans ces moments-là, ça ne sert à rien de le raisonner, je l'ai complètement perdu. Kokoro est plus extraverti que moi, ou du moins, parvient mieux à exprimer sa bonne humeur. J'ai pas le pouvoir d'un rire aussi puissant ni d'aussi étonnamment long, mais au moins j'apprécie ce moment de légèreté et je participe à mon niveau. Bon ouais avec une tronche de désespéré, mais c'est moi quoi.

Puis ça rend le moment plus drôle.

- Ah.. je disais.. hrrmp... EH ! Tu m'aides pas là !

La honte m'oblige à flanquer mon visage derrière ma main. Je sens la chaleur monter contre mes joues et ça ne m'aide pas à défier son regard. C'en est trop. Je trouve le premier truc qui me passe sous la main, un truc mou - une bouteille d'eau vide, et bang

- Idiot, va.

T'as dit que je ne savais pas jouer, hein ?

Je reste figé.
Les nouvelles informations s'amassent et je n'arrive pas à les traiter correctement. Je n'ai pas trop de mal a à actualiser parce que je connaissais déjà plus ou moins ces informations là.
Kokoro est joueur, mais il oublie souvent qu'il risque d'y laisser des plumes.
Je ne dirais pas qu'il est imprudent, juste trop bon vivant.

Sa main pique soudainement vers moi comme un aigle fonderait pour choper sa proie. J'avoue que je ne m'y attendais pas et les rebonds de la bouteille qui tombe au sol sonnent comme un écho à la nervosité qui m'abrite. Pendant un moment, je reste immobile. Je réfléchis comme jamais et je parviens à reconnaître son sourire taquin malgré ma vision floue.

- Aaah tu t'arrêtes jamais toi, pas vrai ? Je soupire pacifiquement, je n'ai même pas à relever la tête que je sais déjà que ses yeux s'animent d'une douce vengeance qu'il me témoigne. Je l'ai provoqué alors c'était normal qu'il réplique.

L'essence de ma faculty s'éclaire dans mes prunelles pour m'empêcher d'être à nouveau surpris. J'ai bien envie de lui foutre des taquets pour lui faire comprendre sa douleur, mais quelque chose me dit que ce n'est pas mon intervention qui l'empêchera d'être encore plus demandeur. À croire qu'il est maso ou seulement trop habitué à ce que je le remette en place quand le besoin s'en fait ressentir pour être plus réceptif que d'ordinaire.

Puis d'un coup, un seul, je m'avance vers lui afin de détendre son bras et pouvoir retourner mes poignets, échappant à son emprise. Les longues heures que j'ai consacrées au MMA avec mon mentor du crépuscule jusqu'à l'aube ont fait que j'ai seulement plus choisi de le laisser gagner que d'être piégé par lui. À un contre un, je l'emportais à l'esquive ou à l'endurance, mais c'est lui qui m'achèverait à la force brute.

La proximité de nos corps prodigue plus de chaleur encore et mon regard se détourne comme si le simple fait de regarder ailleurs atténuerait la température ambiante.

Je ne peux pas le laisser sans réponse émotionnelle et je suis plus du genre à céder à mes pulsions qu'à les retenir trop longtemps, bien sûr si on occulte la timidité ou quand le malaise vient s'installer.

Pour le moment, j'ai envie de lui manifesté mon amitié - alors je profite d'avoir son poignet pour le tirer vers moi et l'enfermer au creux de mes bras.

- Tu m'as manqué petite tête.

Bien trop.

Vraiment Kokoro, c'est un sacré phénomène. Heureusement que je suis là pour le redresser parce que je donnerais pas cher de sa peau s'il continue de se torturer l'esprit comme ça. Ah je sais que c'est pour rire ce qu'il me dit hein, mais sa démarche dénote un sacré manque de confiance en lui alors qu'au contraire, je lui témoignais beaucoup de respect.

- Non tu te trompes Kokoro. J'ai utilisé ma faculty car je sais que tu es doué. Si j'y ai eu recours, c'est que je te prenais très au sérieux.

Le contexte du jeu semble s'être apaisé pour passer à quelque chose de plus sérieux. Alors que je l'attrape pour une accolade virile, son regard remonte - insistant.
Il est terriblement
près.

Lui et sa tête de cocker là.
Enfin, il a raison, je suis pas un pro du jeu. J'ai dû grandir très vite et j'ai vaguement eu des souvenirs d'où je me suis juste laissé aller. Responsable des autres, de ma vie, je sais que c'est une belle qualité, mais je l'envie, parfois, de prendre les choses à la légère. Il est de ceux qui appartiennent à la fois aux instants et aux gens sans se brider par des barrières.
Une chance qu'il ne soupçonne pas.  

Et son visage, toujours plus près.
Je baisse ma tête mais pas ma garde.

C'est affreux. Je veux être proche de lui, regagner notre complicité (car on ne l'a jamais perdue) mais à la fois, je me sens prisonnier de mes limites.

Je sais que je vais devenir un parfait connard hypocrite et sans scrupules, que ce sera plus facile de lui mentir après l'avoir fait une fois, puis deux, plus trois, que maintenant. Car actuellement, c'est maintenant qu'il m'est difficile de faire ce qu'on attend de moi.
Je veux juste profiter normalement.
Naïvement.
Une dernière fois.

- J'espère que tu l'as bien entendu car je ne le répéterais pas une deuxième fois.

Non mais.
Il pouvait pas juste dire "Toi aussi Damien" non bien sûr, faut qu'il en rajoute toujours plus et en plus de ça, voilà maintenant qu'il m'enferme dans une sorte de piège mental prémédité pour que la situation évolue.
Il imagine pas à quel point ça me torture.

- Il fait chaud car c'est notre chaleur corporelle Kokoro !

Je sais pas ce qu'il cherche exactement, il est du genre à passer par quatre-chemins pour obtenir un truc ou demander quelque chose. J'espère que son équipe est bien accrochée car en plus de dix ans d'amitié, je le suis pas toujours alors j'ose pas imaginer ce qu'il en est de ses hommes. Enfin, toujours est-il que je dois ENCORE, lui tirer les vers du nez.

- Si tu veux quelque chose, dis-le clairement.

Je m'éloigne pas mais je ne me rapproche pas non plus. Il sait que j'initie que très peu le contact physique, et surtout pas dans ce genre de condition.

J'ai toujours compris ce qu'il voulait faire ; c'était évident. Kokoro a du mal à cacher ses émotions, et même s'il essaye, je lis à travers lui comme un livre ouvert. Alors c'est peine perdue. Il le sait pourtant, qu'avec moi, il n'a quasiment aucune possibilité d'esquive.

Et pourtant, il fait exprès d'éluder la question. Vraisemblablement, il ne veut pas me répondre, plus prompt à me le montrer qu'à engager un dialogue où on pose tout à plat sur la table. Sa manière de faire est complètement ridicule mais aussi très touchante à sa façon, quand on connaît le personnage.

Le fait de le voir dans tous ses états me confirme ce que je savais déjà. Je souris bêtement face à son embarras, mais ma joie retombe aussitôt quand je pense aux conséquences que son geste implique.

- Kokoro tu crois que je m'en étais pas rendu compte ? Dis-je assez durement. Je veux que tu sois bien certain de ce que tu fais.

Je ne veux pas que ce baiser, ô combien significatif, soit uniquement le fruit d'une émotion passagère dictée par le manque que j'ai causé en m'absentant.

Sans lui laisser le temps de répliquer, je creuse la possibilité de le laisser s'exprimer en apportant mes conditions, ma morale.

- C'est sérieux, c'est un engagement ; un vrai engagement.

J'ai la chair de poule parce que je ne voudrais pas qu'il pense que je rejette ses gestes d'affections et sa déclaration. Mon ton avait peut-être été trop sec et je m'en mordis la lèvre de remords. Je ne veux pas être méchant avec mon petit ange et je veux encore moins croire que son amour pour moi ne soit que des fantaisies imposées par son état actuel.

- Allez viens par là.

J'ouvre les bras. Vraiment, je ne veux pas qu'il se sente triste à cause de l'amertume de mes paroles. Je veux être à la hauteur moi aussi...