Le silence est d’or.
Yeux fermés, assise à son bureau sans rien n’entendre.
Avant, elle aurait aimée cette absence de son, de voix.
De présence dans sa tête.

Maintenant, elle ne peut s’empêcher de ressentir un poids dans ses pensées sans pouvoir entendre celle des autres. On ne se rend compte de la valeur d’une chose que quand on la perd. Et pour le coup, ça n’a jamais été aussi vrai. On a beau se plaindre, se dire que vivre sans ça serait quand même mieux. Franchement, elle donnerait beaucoup pour récupérer sa faculty.

Parce que clairement, ça a de la valeur, mais il y a des choses au-dessus.
Elle est peut-être trop égoïste Astrée.
Trop dépendante de son pouvoir.

Yeux qui s’ouvrent. Faut qu’elle apprenne à vivre sans peut-être.
À se fier à ses propres jugements plutôt que sur son pouvoir.
Soupire, elle se redresse quand elle entend son téléphone sonner, elle regarde rapidement le message avant de se lever pour sortir de la pièce.

Une tête pas connue qui vient de débarquer, Astrée a demandée à surveiller toutes nouvelles personnes histoire ne pas non plus se faire déborder pas les autres. Par ceux qui voudraient profiter de cette pagaille. Elle arrive à la pièce centrale, repère rapidement après s’être avancée de qui il s’agissait et sans vraiment avoir de gêne, se pose tout simplement à côté en commandant un verre, observant l’homme qui a un air étrangement… familier ? Il a un air qui lui dit quelque chose, mais elle ne met pas le doigt dessus.

Si elle avait eu son pouvoir…
Faudrait que t’arrêtes d’y penser, ça va te faire du mal Astrée.

« Salut, tu fais quoi dans le coin ? »

Amicale, léger sourire, curiosité dans le regard, ce n’est pas non plus sa première fois en socialisation pour soutirer des informations. Et puis, ça serait plus distrayant que de se morfondre sur son manque de don. L’avantage, c’est que son interlocuteur ne doit pas non plus en avoir, autant en tirer profit d’une certaine façon non ?

Se changer les idées.
Quel meilleur moment pour le faire que dans un bar avec un verre d’alcool ? Excuse simple pour se prendre un moment d’introspection, Astrée le regarde avec sa boisson en main avant de détourner les yeux pour regarder la foule.

« J’imagine qu’il y a de quoi se remuer les méninges effectivement vu la situation globale. »

Elle-même n’arrivait pas à penser à autre chose, à essayer d’imaginer sa vie sur Mars sans son pouvoir. Elle en dépendait et en même temps, elle n’était pas définie que par ça. Et pourtant, c’est clairement une part indispensable de sa personne.

« Oh ? Eh bien je suis honorée d’être reconnue. Je suis Astrée oui, et toi ? »

Elle ne vouvoie pas, pas dans sa zone. Pas dans son territoire. Astrée confiante, yeux fixant ceux de son interlocuteur en attendant la réponse. Familière, mais polie. C’est un minimum. Surtout face à un inconnu qui pourtant, lui semble pas si inconnu que ça. C’est étrange pour elle, mais elle finira bien par remettre le doigt sur son identité.

« Tu es du coin ? Je n’ai pas souvenir de t’avoir déjà vu auparavant. »

Car oui, elle connaît bien les alentours.
Et c’est un début d’interrogatoire qu’elle ne risque pas de terminer sans avoir de réponses à ses attentes.

Flatteur. Lève légèrement le menton pour le regarder en coin, méfiance remontée pour le fixer avec un intérêt nouveau. Astrée n’est pas habituée aux compliments gratuits, il y a toujours une volonté derrière. Elle est au courant de sa réputation, beaucoup savent son rôle au sein du gang et même ceux à l’extérieur peuvent être au courant. Mais tout Mars n’est pas non plus informé, préférant en savoir plus sur le chef en lui-même que ses subordonnés.

Percée. Cela ne lui dit rien.
Mais il est si aisé de se présenter sous une autre identité. Oh combien de fois l’a-t-elle fait quand la situation l’exigeait ? Un nom, un sourire, un air convainquant et le tour était joué. C’est si facile de tromper, les gens sont si naïfs de croire le premier venue et les déblatérations qui peuvent passer une bouche.

Elle écoute cependant, assurant que c’était possiblement la première fois aussi de son côté. Pourtant il en connaissait déjà beaucoup plus sur elle que l’inverse. Et cela ne lui plaisait pas du tout. Plisse le nez, le fixe à nouveau.

Clairement, elle a aussi déjà sentie cette odeur quelque part.

« Non, à partir du moment où tu respectes les règles il n’y a pas de problèmes. »

Fronce les sourcils avant de reboire de sa boisson, les méninges travaillant derrière son expression qui se veut calme.

« Mais dis-moi Percée, que penses-tu de cet endroit ? Un point de vue extérieur et neuf sur la chose est toujours bon à entendre. »

Cela lui permettra de voir ce qu’il a remarqué, ce qui est important, sa façon surtout de critiquer les choses. L’on apprend beaucoup en écoutant les remarques, cela permet de voir et surtout de cerner le point de vue de quelqu’un aussi bien sur une chose que d’une manière générale. Cela donne une idée du caractère et surtout, d’anticiper ses réactions.

« Il y en a qui veulent plus de variétés d’alcools, d’autres encore plus de meubles pour se reposer ou jouer et d’autres encore souhaitent plus d’endroit où avoir de l’intimité… Bref, apparemment il y aurait des choses à revoir. »

Geste nonchalant de la main, comme si c’était normal qu’il y ai des mécontents.
La base, après tout pourquoi se contenter de ce qu’on a quand on peut avoir plus ?

Il ne semble pas réellement convaincu par ses propos. Entre ses « hm » et ses hésitations, Astrée a l’impression qu’il cherche simplement à dissimuler ses réelles paroles derrière celles qui peuvent plaire à l’oreille. Sourcil arqué, elle ne fait aucune remarque en se demandant bien ce qu’il a dans la tête.

Ne reprenant pas tout de suite la parole, elle se contente de rire légèrement quand il parle des gens qui râlent, ce rire s’accentuant alors quand il en fait de même.

Ah, je me disais aussi.

« Ce n’est pas un lieu calme, donc je ne pense pas qu’on puisse rajouter ce genre d’endroit. Mais je prends note. »

Amusée, elle reprend tout de même la parole.

« C’est dommage, les personnes ici ne sont pas assez respectueuse pour qu’on puisse mettre une salle type bibliothèque sans qu’on puisse s’assurer que les livres en ressortent indemne. Sinon j’aurais optée pour qu’on en mette une. »

Sirote sa boisson en fixant la foule, non c’est clairement la pire idée. Qui sait ce qu’ils feraient avec les ouvrages ? La moitié des livres finiraient déchirée pour servir de feuille à fumer. Et l’autre… Elle n’ose imaginer. Torchon, serpillère, boule de papier… Non. La pire idée clairement.

« S’il veulent souffler, il y a des balcons. Ou encore les toilettes. Mais un salon ça pourrait le faire… Avec des seaux. On ne sait jamais. »

Sourire narquois.

« Mais du coup, ce n’est clairement pas le genre d’endroit que tu aimes non ? Même si ça reste « sympathique », ce n’est pas le genre de scène que tu apprécies le plus, je me trompe ? »

Non, maintenant qu’elle le regarde plus attentivement, il avait plus l’air d’être le genre de personne à justement aimer lire et fourrer sa tête dans un bon roman plutôt que d’être à faire la fête et s’éclater tout la nuit.

Sourcil arqué quand elle écoute sa plainte, comme quoi les balcons sont des endroits frais et étroits tandis que les toilettes servent à autre chose qu’à être dans le calme. Pensive, tête penchée sur le côté avant de prendre la parole à son tour.

« Les balcons servent à prendre l’air et à être au calme, pas à y faire une sieste. Mais je vois ce que tu veux dire. Quant aux toilettes… Eh bien, je suis assez d’accord avec toi. »

Il est vrai que l’équipe de nettoyage est payée assez chère pour maintenir une hygiène plus que parfaite dans ces endroits en particulier. Et ce n’est pas pour rien. Certains demandent des congés en avance quand il y a des fêtes prévues au programme, histoire de tenir le coup. Astrée ne préfère même pas tourner la tête en leur direction à ce genre d’évènement pour éviter d’avoir des odeurs plus que suspecte en plus de faire du mal à son odorat.

« Et encore, déchiré ne serait que le minimum malheureusement. »

Moue sur le visage, elle se tourne pourtant de nouveau face à son interlocuteur quand il parle de changement. Ça fait du bien parfois. Pause, elle écoute sa dernière phrase sans relever de suite, retournant sa notion sur le changement dans sa tête. Cela fait du bien, peut-être. Mais à quel niveau ? Et combien de temps faut-il pour s’adapter à un changement forcé ?

Soupire.

« Tu n’es pas transparent. C’est juste surprenant de voir des personnes sortir de leur zone de confort en ces temps troublés. Maintenant plus qu’avant, c’est difficile de franchir le pas vers une zone inconnue. Après, ce n’est pas plus mal. »

Autant sauter pied joint dans cette zone d’ombre qu’est « l’étranger », ces choses qu’on ne fait jamais par peur des remords. C’est l’occasion de découvrir, de tester, de vivre différemment. Et pourtant Astrée, elle est là, toujours au même endroit, à faire les mêmes choses. Par peur ? Certainement. Trop méfiante et parano pour oser braver cette ligne qu’elle aurait franchie avant. Mais qui maintenant, semble trop loin pour ne serait-ce que l’imaginer.

« Du coup, tu as autre chose de prévu qui sort de ce que tu fais habituellement ou bien vas-tu retourner dans tes livres et dans ce que tu faisais avant ? »

Va-t-il continuer à sortir de ses habitudes ou bien est-ce plaisant de découvrir une nouvelle facette de la vie ?

Certains plus que d’autres.
S’il savait à quel point il avait raison. Astrée finit son verre et le repose, puis c’est avec surprise qu’elle écoute les paroles de l’homme, sourcils relevés devant autant d’audace mais qui finit par être amusée ensuite. Elle apprécie ce genre de caractère, ceux qui n’ont pas froids aux yeux et qui, pourtant, frôlent l’irrespect.

« Je vois qu’on a pas froid aux yeux. »

Tiens, cela lui rappelle quelqu’un pour le coup.
Et elle lui a donnée exactement la même réponse quand elle y pense.
Puis le lien se fait.
Yeux curieux, elle fixe alors Percée comme pour confirmer ses doutes.

Et elle comprend alors.

Expression le plus neutre possible, sourire qui s’agrandit alors.
Bordel, comment elle n’a pas pu le voir avant.

« … C’est drôle, j’ai dit la même chose à quelqu’un il y a pas si longtemps que ça. Peut-être que tu le connais, c’est un jeune homme plutôt mignon mais qui a un culot et de l’audace à revendre. Je me demande bien ce qu’il est devenue d’ailleurs. Peut-être que tu l’as croisé vu qu’il est du même gang que toi. »

Elle guette sa réaction, ne voulant pas tout gâcher mais voulant tout de même lui faire passer le message.

Qu’elle ne l’a pas oubliée.

« Il s’appelle Winter. Tenue impeccable, un beau sourire sarcastique en plus d’avoir cette capacité unique à contenir plus de sel dans son corps que toutes les personnes sur Mars réunit. Et c’est un compliment, je pense qu’il serait capable de tuer quelqu’un qui lui dirait qu’il est aussi adorable qu’un nounours. »

Commande un nouveau verre avant de se redresser, toujours le regard sur « Percée », l’air aussi innocent qu’un loup prêt à attaquer sa proie.

« Je peux te faire visiter si tu le souhaites, mais il va falloir que tu restes près pour ne pas que je te perde de vue. Même si je pense que tu es parfaitement capable de te débrouiller seul, je ne donne pas cher de ta peau si jamais tu te retrouves entre deux personnes qui font la fête et qui ne veulent pas te lâcher. »

Oh parce que la drogue ici, c’est aussi toute une histoire.
Mais ça, il le sait déjà, après tout, ce n’est pas la première fois qu’elle l’avertit sur le sujet non ?

Elle se retient de rire quand il lance des fleurs à ladite personne intelligente, et encore plus quand il en rajoute une couche en parlant du monde si consternant. Il vient complètement de se vendre, il aurait pu se jeter corps et âme dans son piège, il l’aurait fait.

« Oui, le monde est bien consternant... »

Il reprend vite la parole, embrayant sur ses paroles et elle hoche doucement la tête, regardant de loin toutes ces personnes venues s’amuser. Une idée lui vient alors. Sourire toujours, elle a la parfaite idée de l’endroit convenable.

« Hm… Allez, je suis de bonne humeur, je vais te montrer un endroit qui devrait te plaire, vu que tu es amateur de calme. »

Air narquois, cette proposition pourrait être suspecte mais il n’en est rien. Elle ne compte pas lui faire de mal, pas après avoir découvert de qui il s’agissait réellement. S’étire un peu, avant de commencer à marcher après s’être assurée qu’il la suivait.

« Dis-moi, quel genre de livre tu préfères d’ailleurs ? »

Revient au sujet de ses goûts tout en continuant d’avancer, fais un signe de tête aux agents de sécurité avant de monter à l’étage tout en le laissant répondre, évitant soigneusement les personnes rencontrées qui n’étaient clairement pas sobres tout en faisant en sorte de garder « Percée » proche pour ne pas le perdre dans la foule.

« On est pratiquement arrivés et t’en fais pas, il va rien t’arriver de louche. Et oui, c’est censé te rassurer. »

Elle anticipe, parce qu’il serait clairement le genre de personne à douter de la moindre action. Elle se demande même s’il n’est pas plus parano qu’elle en vrai. Traverse les couloirs avant d’ouvrir une porte un peu plus éloignée et de l’ouvrir pour qu’il rentre en premier.

« Je t’en prie, découvre la pièce. »

Sourire narquois, elle sent le rire lui monter à la tête mais qu’elle retient de toute ses forces pour éviter de tout gâcher.