Tu avais pris l’habitude de déambuler dans les différentes salles du Sunset. Une sortie quotidienne, ton petit rituel à toi. Même si au fond, t’as toujours l’impression d’être hors de tes limites. Mais cette sensation était aussi grisante que coupable. Ce drôle de sentiment qui te poussait à toujours frôler les limites. A tatillon, pour vois jusqu’où tu pouvais aller.

C’était donc tout naturellement que tu avais jeté ton dévolu sur la zone de CARD. Là où les jeux pleuvent et la frustration grimpe. Une zone parfaite pour découvrir un tout nouvel univers, une toute nouvelle liste de mots et d’insultes. Surtout le dernier point. A ce niveau-là tes connaissances avaient presque rattrapées celle d’un adulte standard. Si ce n’est plus.

Tu virevoltes donc entre les différentes tables. Lançant un regard intéressé vers les différents jeux mis en place. Sans te soucier des regards noirs qui te sont également adressés. Bien trop occupé à essayer de comprendre ce qui se déroulait sous tes yeux.

A tel point que tu campais souvent pendant de longues minutes à la même place. Plissant les yeux à mesure que le jeu avance. Sans pour autant parvenir à comprendre toutes les subtilités de ce que tu découvrais. Tu pouvais deviner un lien évident entre les cartes et leurs couleurs. De même que les pairs qu’elles formaient entre elle. Notamment grâce à la réaction à peine dissimulée de certains joueurs. A mesure que le temps passait, tu revoyais de plus en plus certaines combinaisons, les assimilant entre elles.

T’aurais pas dû te coucher par terre. Fallait attendre pour avoir la paire !

La cible de tes conseils te fit vite comprendre qu’il voulait te voir partir. Tout de suite.
De façon aimable et calme. Non.
L’instant d’après le second AS était pioché et tu n’as pas pu t’empêcher de rajouter une couche. Encore.
Le fameux j’avais raisons. Pour une fois.

Malgré tout, tes petites remarques avaient fait mouche. Trop même. Les esprits commençaient à s’échauffer. Le croupier à voulu te faire sortir, pour éviter tout débordement. Mais pour une fois que tu commençais à t’amuser. T’as pris la sage décision de ne pas te laisser faire sans rien dire :

Lâche-moi ! Tu sais qui je suis ? Emmy Moore ! Ok ? Alors me touche pas !

Ou comment calmer une situation à peine tendue. Tu avais ce don tout particulier d’envenimer une situation déjà perdue d’avance.

Tu avais déjà la main droite légèrement relevé. Le bras à peine tendu. Prêt à lancer un jet d’eau sauvage au pauvre croupier qui ne faisait que son travail. Dommage que son travail consistât à te priver de ton petit plaisir.

Mais ça, c’était avant qu’un grand gaillard blond débarque de nulle part et ne se plante devant toi. Te surplombant de toute sa hauteur. Du cligne des yeux, un instant surprise. Avant de reprendre ta mine contrariée.

Il avait beau être à quelques centimètres seulement face à toi, tu l’entendais pourtant bien trop clairement, le visage baissé vers toi pour être à ta haute.

Une rougeur aussi passagère qu’éphémère va traverser ton visage en l’entendant parler. Sentiment contre lequel tu résistes tant bien que mal par fierté mal placé. Pour retrouver ton air déterminé.

Et… heu… t’es qui toi ?

Tu reçois un fort coup de chaleur en entendant le mot légende. Tu t’étais fait autant remarquer ? Ça veut dire qu’il va venir te gronder ? Voir pire. Te punir ? Tu trembles déjà rien qu’à cette idée. Et si tu n’étais pas entouré de monde, tu serais probablement déjà en train de perdre le peu de fierté qu’il te restait.

Tu te sens stupide en l’entendant se présenter l’instant d’après. Il était fort. Le genre de personne à toujours avoir le dernier mot. Tu es aussi admirative que frustré sur le coup. Ne sachant pas si tu dois le regarder avec attention ou lui marcher sur le pied.

Ah.

Une simple lettre que tu lâches sans trop de conviction. "Tata Astrée" ne te considérait pas vraiment comme tel, pour le peu que tu l’avais croisée. Elle était froide et intimidante. Pas vraiment gentille avec toi. Pourtant, tu l’aimais bien, c’était sa sœur et tu voulais apprendre à la connaître. Quitte à faire des efforts.

Pourquoi ? J’ai l’air d’être une gamine ?

Oui. Et pas que l’air d’ailleurs. Mais là n’était pas la question. Pas vrai Emmy ?

J’en ai marre de toujours rester dans ma chambre. Moi aussi je veux m’amuser.

Et avoir de l’attention. Rencontrer du monde. Rien que pouvoir parler avec quelqu’un. Tu ne demandais rien de plus.

Je fais rien de mal. Je voulais juste comprendre le jeu ! En plus je lui ai donné un bon conseil. C’est pas ma faute s’il est trop bête pour le suivre !

Tu ne manques pas de bien pointer du doigt le pauvre client, ta cible. Non sans lui tirer la langue au passage, alors qu’il hurle déjà des injures dans votre dos.

C’était si injuste à tes yeux. Pourquoi ils pouvaient tous rires. Pourquoi ils pouvaient tous être si heureux ?

Sauf toi