Appartement de Ceres
Lendemain du rp "you know that I got you"

Dans la cuisine, le couteau sur la planche à découper faisait un bruit régulier, au rythme de la ciboulette découpée. Ceres fit glisser les aromates dans sa casserole, avant d'en refermer le couvercle, et baissa le feu au-dessous. En entendant sa porte d'entrée, elle partit se laver les mains, et arriva dans le salon pour rejoindre Callum en se les essuyant à une serviette qu'elle emporta avec elle.

Bonjour, Callum.

Elle lui adressa un sourire, et déposa la serviette sur la table basse. Son regard détailla un instant sa silhouette, puis son visage. Et quelque chose se serra à l'intérieur de sa poitrine.
Quelque chose qui voulait croire qu'elle avait une chance de vivre autre chose, quelque chose de différent, qui ne soit pas signé de la marque maudite qui semblait la poursuivre depuis tant d'années ; perpétuellement destinée à revivre encore et encore les mêmes relations malveillantes et intéressées, où on l'approchait dans le but de lui nuire, ou d'en retirer un bénéfice unilatéral.

Oh. Tu as apporté des gâteaux ?

Quelque chose à l'intérieur d'elle hésita.
Elle n'était pas obligée de faire ça. Elle pouvait aussi décider de passer la soirée qu'il s'apprêtait à passer en sa compagnie, elle pouvait tout abandonner, et profiter une dernière fois de la fable de laquelle elle tentait de se bercer.
Mais quelque chose, au fond d'elle-même, murmurait.
L'obsédait.

Tu veux te venger de ceux qui ont assassiné Solar Brooks.

Un large sourire.

Viens, je te débarrasse.

Elle attrapa la boîte de gâteaux, et les déposa dans la pièce d'à côté, sur un buffet à côté duquel elle avait laissé le pied de biche utilisé la veille. Elle en attrapa le manche, et ses yeux s'illuminèrent. Se téléporta derrière Callum, comme elle s'était téléportée derrière Duke.

Et le corps de son invité tomba dans un bruit sourd à son tour.

Mais aucun cri cette fois. La poigne serrée sur le pied de biche rejeta l'arme dans un mouvement brute. Elle serrait les mâchoires à s'en faire mal, et resta debout quelques secondes devant son oeuvre.

Ecoeurée.

Cette fois, pas de temps de repos, elle attrapa directement son corps et le traîna jusqu'à l'ascenseur, puis dans sa cave, se plaignit en chemin qu'il était nettement plus lourd que le précédent.

Arrivée sur le béton froid et fermant la porte derrière elle, elle n'adressa pas un regard à Duke lorsqu'elle commença à attacher Callum sur la poutre à côté de la sienne - trop éloignés pour espérer un contact, mais assez proches pour se voir et discuter clairement.

Elle regrettait de ne pas avoir deux caves, mais soit. Lorsqu'elle eut terminé, elle s'essuya le front et soupira. L'effort était conséquent, bien plus que l'avait été de porter Duke jusque là.

Elle se retourna, attrapa la chaise pour la remettre à sa place initiale (devant eux, à une distance raisonnable) et s'assit dessus, les bras appuyés sur ses jambes, le corps penché en avant. Enfin, elle regarda Duke ; le regard noir, sévère. Silencieuse.

Attendait que Callum se réveille comme elle avait attendu la veille.

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Ceres resta silencieuse pendant de longues secondes.
Les laissa échanger, le regard froid, les scrutait avec attention.
Et lorsqu'elle en eut marre de les entendre, sa voix claqua dans l'air.

Fermez-la.

Son regard alla de Duke à Callum, puis de Callum à Duke.
Puis à Callum.
La voix de sa sœur revenait la hanter.

Fermez-la j'ai dit !

Avaient-ils seulement continué de parler ? Ou avait-elle imaginé ? Elle déglutit, et fit claquer sa langue contre son palais. Se leva de sa chaise pour rejoindre la table où le téléphone de Callum avait rejoint celui de Duke.

Je vous laisse une heure.

Elle se retourna vers eux, le dos droit, la tête haute. Elle grattait l'intérieur de ses paumes avec ses ongles, mouvement parasite pour rassurer son système nerveux au bord de la rupture.

Dans une heure, vous aurez décidé lequel de vous deux je tue.

En attendant, elle avait une casserole sur le feu.
La vérité, c'était que Ceres ne voulait en tuer aucun des deux.
Ne voulait plus voir mourir personne, encore moins par sa faute.
Elle maudissait Mars et ses maudites règles ; celle qu'elle aurait aimé tuer c'était elle-même.
Elle prenait la fuite, pour ne pas perdre la face, éviterait de leur montrer l'angoisse qui lentement prenait place.

Ses yeux s'illuminèrent.
Elle disparut et ne laissa derrière elle plus que son souvenir, quelques particules de lumière.

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Elle déposa la gamelle au sol, et la chienne vint dévorer sa pâtée. Et pendant que le bouillon mijotait sur le feu, son téléphone en haut-parleur transmettait une heure de conversation entre ses deux invités. A la cave, parmi toutes les affaires entassées et confondu aux bibelots abandonnés dans une caisse en carton se trouvait un ourson en peluche destiné aux chambres des nourrissons : un écoute-bébé avec caméra, que son ex-mari lui avait offert un jour, pour se racheter d'une dispute de la veille, lui promettant qu'ils auraient un jour un enfant.

Qu'est-ce que tu perdras si tu meurs encore une fois mon amour ?
Sur le calepin, à côté du nom de Callum, elle prit des notes. Mort une fois. Relation avec Duke Hawkins.

J'ai juré de n'investir ni ses bras, ni ses draps.
Ceres arrêta de noter.
Ou il était sincère ou il savait qu'elle les écoutait. Mais ils n'avaient pas regardé une fois en direction de l'ours en peluche.
Comment pouvait-il être sincère, alors qu'il l'avait manipulée ?
L'avait-il fait ?
Elle ne comprenait rien.

Et toi qui disais que t’étais le seul à avoir le droit.
Elle inscrivit à côté du nom de Duke : meurtre de Callum Quinn.

Je m'en suis servi. Elle est très déterminée à se venger des types qui ont tué Solar Brooks.
Elle fronça les sourcils.
Son désir de vengeance ne pouvait pas être de son fait, ni de celui d'une faculty. Elle aimait Solar. Il était normal qu'elle veuille se venger. Alors que voulait-il dire ?
A côté du nom de Duke, et du mot "faculty", elle inscrivit tout un tas de points d'interrogation.

Tu t’es dit que le must c’était de l’envoyer me buter.
Elle éteignit le feu sous sa casserole.
Alors c'était ça ?
A côté d'un point d'interrogation au sujet de la faculty de Duke, elle ajouta : "incitation au meurtre", et elle regarda l'heure. Il restait encore trop de temps.

Parce que t’as compris que t’es pas le seul que je peux pas tuer ?
Elle referma son calepin. Regarda d'un air grave son téléphone.
Aucun des deux.
Aucun des deux n'avait cherché à la tuer.
Pourquoi deux assassins envoyés pour démanteler les gangs n'avaient, à aucun moment, cherché à lui nuire ? Quand bien-même ils savaient qui elle était ? Pourquoi disait-il qu'il ne "pouvait pas" la tuer ?

Elle resta plusieurs minutes en silence, à regarder son calepin fermé.
Les mâchoires crispées.

Et tout à coup, prise dans une tempête émotionnelle, son appartement devint un carnage.
Hurlait à pleins poumons tous les sentiments qui restaient au travers.
De la rage à la frustration, de la confusion à l'obsession, de l'amour à la haine, intensément.

Après une heure, elle se téléporta à nouveau dans la cave. Sa main était en sang : elle s'était vraisemblablement coupée avec du verre, ou de la faïence. Elle semblait décoiffée, et sa respiration était tremblante. Elle avait attrapé son pistolet.
Elle n'entendait plus rien d'autre que ses acouphènes, un sifflement strident qui lui prenait la tête.

Elle reste une seconde debout, là, en silence, le regard dans le vide. Puis ses yeux assassins se levèrent sur lui.
Le mouvement était rapide, et sans appel.
Elle tendit le bras devant elle, et tira une balle, en plein dans la poitrine.

" Alors c'est comme ça ? "
Sa sœur était toujours là.
" Tu ne peux pas t'empêcher, il faut toujours que tu butes les mecs que t'aimes. "

Qu-

Le regard figé sur son oeuvre.
Qu'avait-elle fait ?
Son cœur s'accéléra. Elle secoua la tête, frénétiquement.

Non...

Elle avait tiré sur Duke Hawkins et il était mort.
Tu veux te venger de ceux qui ont assassiné Solar Brooks.
Callum Quinn en lui faisant contempler la mort de celui qu'il aime.
Duke Hawkins en lui faisant perdre la face.
Ceres Montgomery en la torturant avec le meurtre perpétré.

Qu'est-ce que j-

Elle n'avait jamais voulu le tuer.
Mais obsédée par l'idée de se venger, elle avait agi comme un automate.

Non non non non

Elle se précipita devant Duke, et ses mains s'agitèrent autour de la balle, cherchèrent un quelconque espoir. Mais elle avait touché une artère et le sang ne s'arrêtait pas de couler.

Duke, reviens. Je t'en prie. Tu dois revenir, promets-moi. Promets-moi de revenir ici. Je suis désolée, pardon pardon pardon.

Et Ceres pleura.
Pour la première fois depuis deux ans, elle versa des larmes.
Essuya ses joues avec le sang plein les mains : qu'importe.
La respiration trop forte.

Elle murmura,
Sa finalité première.

En absence d'une réponse immédiate, elle hurla,
C'ÉTAIT QUOI SA PUTAIN DE FINALITÉ PREMIÈRE ?
En direction de Callum.

Dis-moi que tu n'en sais rien, et qu'elle n'a pas été accomplie.
Dis-moi qu'il va revenir.

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Le bourdonnement sourd à ses oreilles était revenu bien vite. Alors que la voix de Callum s'élevait dans le silence que Duke laissait derrière lui, Ceres resta immobile. Le visage éteint, elle flottait dans le brouillard, prise d'une accalmie soudaine, signe de son exil au fond d'elle-même.

Tais-toi.

Sa voix était calme. Elle ferma les yeux, et ses mains glissèrent du visage de Duke, pour échouer près des siennes. La douleur était innommable, déchirante. Et elle ne sut si elle était triste ou apaisée. La culpabilité l'envahissait. Une honte profonde l'accablait, de ressentir autant de paix alors qu'elle venait de le tuer.

Libérée, mais jamais autorisée à l'être.
Jamais autorisée à embrasser pleinement sa légitimité.

Je ne voulais pas le tuer. Mais tu te trompes si tu penses que je ne lui en voulais pas.

Elle baissa la tête, ouvrit les yeux. Elle avait attrapé la main de Duke entre ses doigts, et un sourire las se dessina sur son visage affable.

Je nous en veux. A lui, à toi. A moi.

Elle essuya ses larmes d'un revers du bras, lâcha la main de Duke qui retomba dans sa stase. En relevant le regard sur Callum, elle avait un air sévère. Amère.

Je t'aurais tué. Et après quoi ?

Elle pouvait imaginer Duke se marrer, et Callum revenir le lendemain, blasé. Rien n'aurait changé. Et rien n'aurait apaisé son obsession, cette idée lancinante de se venger. Ils n'auraient souffert qu'à moitié. Elle commençait à comprendre.

Pour le meurtre de Solar Brooks...

Car c'était de ça qu'il s'agissait, pas vrai ?
Il l'avait tué, "assassiné", c'était le mot que Duke avait employé.

Tu méritais de souffrir autant que j'ai souffert.

Elle se leva, penaude.
Attrapa ses affaires sur la table avant de diriger son pas, lourd, vers la porte de sortie.

Je te laisse avec son cadavre.

Ainsi tu seras puni.
De la même manière qu'elle devait porter son propre fardeau et ne dormirait pas avant d'être certaine qu'il reviendrait à la vie.