A peine tu avais retrouvé la lumière du soleil que tu étais parti dans ton coin, avais suivi ton ombre, mains dans les poches et tête baissée pour aller t'aveugler sous les lueurs artificielles des néons colorés. Ceres et Callum pouvaient bien aller se faire voir le temps d'une soirée - tu te vengerai de la première une autre fois, et tu sais que le second ne tarderait pas à se ramener (dans tous les cas).

Dans un salon aux moeurs légères, tu passes ton bras autour d'un cou gracile, laisses ta tête choir sur la banquette dans un soupire d'aise. Le serveur vient rabattre les rideaux derrière lui et apporte sur un petit plateau doré quelques pillules dont tu rafoles, accompagné d'un verre de champagne. Tu abandonnes la douce créature occupée de défaire les boutons de ta chemise et te lèves pour récupérer le verre et les médicaments que tu gobes littéralement - pour ensuite porter la coupe à tes lèvres. Tu dégustes à peine, pressé de le finir et le reposes brusquement sur le plateau. Tu glisses ta main sur le torse du serveur pour te coller lascivement à lui.

— « Toi aussi t'es au menu ? »

Tu parais offusqué lorsqu'il te repousse poliment, vraiment blessé du fait qu'il ne cache pas son agacement.

— « Le service est vraiment IMPECC ! »

Mais tu déranges Duke. Tu le sais et tu le fais exprès - t'as toujours pris trop de places, chez toi à l'école en prison, partout où tu passes les plus silencieux trépassent face à ta grande gueule de décérébré.
Tu passes ta langue sur tes lèvres en fixant un autre client installé un peu plus loin, occupé de son côté à se faire palper l'entrejambe. Tu voles le briquet coincé dans l'armature du soutien-gorge rouge vif de la demoiselle perché sur toi pour venir allumé la clope que t'as coincé entre tes lèvres.

Dans tes yeux aux pupilles dilatées se dessinent des hallucinations décidément bien réalistes. Cela faisait longtemps qu'une drogue ne t'avait pas procuré un tel effet. Alors que tu appuies sur la tête de cette fille qui s'amuse à passer sa langue sur ton nombril, tu plisses les yeux sur la silhouette imaginaire de Callum.

— « Drôle de rêve, voilà que j'en viens à voir le fantôme de Callum Quinn ! »

Tu plisses les yeux quand ses lèvres bougent et qu'il semble s'adresser à toi.

— « Ah. Mon rêve me parle ! »

Tu repousses la jeune femme d'un mouvement brusque, les doigts en proie à chasser sa poitrine plantureuse de ton visage. La braguette défaite, tu comprends, trop à l'étroit, que le doux rêve se révèle être le réveil brutal et de mauvais goût.

— « Rien qu'à voir ta sale gueule déconfite j'ai débandé. »

Tu écrases la cigarette sur le canapé et la jettes par terre.

— « Tu la regardes me sucer ou je dois te dire expressément de dégager ? »

Sourire perfide, tu fais gonfler ton torse dans une respiration bruyante et te mords la lèvre.

— « Je pensais à des choses commençant par la lettre C. Callum. Ceres... Casse de toi là connard. A toi ! »

Mais c'est pas possible. A te coller comme un petit chien abandonné, tu vas finir par lui passer le collier et la laisse autour du cou. Un joli pendentif avec écrit à retourner à Duke Hawkins. ne mange que des burgers. mord très fort. Tu glousses à cette idée que tu ne partages pas encore avec le principal intéressé et l'écoutes se foutre de ta gueule. Du moins c'est ce que tu crois deviner. Qu'est-ce qu'il veut avec son petit rictus ? Est-ce qu'il te cherche ou est-ce qu'il se venge ? Tu n'arrives pas à deviner.

— « Tu veux pas regarder. Ça va te complexer bébé. C'est pas bon pour ta confiance en toi. »

Tu relèves le menton, glisses tes doigts dans la chevelure argentée de la prostituée, orientes sa tête vers ta braguette ouverte pour l'inciter mais sans la regarder - non tu n'as d'yeux que pour lui, veux voir jusqu'où il pourrait aller.

Duke.
Défoncé.
Dégage ta pute de là.

— « AH ! VOILÀ ! »

Tu éloignes la fille, déposes un baiser sur son front en t'excusant platement (quel gentleman !) et te lèves pour refermer ton pantalon. Tu te diriges vers Callum, tournes autour de lui en titillant son épaule.

— « Moi aussi je pense à des mots en D. Déshabille-toi. Descends ton pantalon ou débarrasse-moi de ces ploucs. »

Tu sais que la punition ne tient jamais longtemps quand il s'agit de lui. Ou peut-être que ta parade est une façade, peut-être qu'il faudrait qu'il apprenne un peu à se méfier (depuis le temps).
A peine tu prononces tes ordres commençant par la lettre D qu'il vient se saisir de ta gorge. Tu écarquilles les yeux, ses lèvres étouffent tes insultes potentielles. Tu réponds à son baiser avec hargne, pousses ta langue contre la sienne.

Tes yeux pétillent de malice et d'excitation. Les orbites s'étirent et écrasent tes cernes, t'as l'air d'un fou, t'as surtout l'air de vouloir faire du mal - et de le faire bien.

— « Demande mieux que ça. Hm... »

Et il te soulève, tu t'accroches à lui pour ne pas tomber. Tes jambes accrochées autour de son bassin, tu lâches son cou après qu'il t'ait mordu l'épaule. Sale cabot que tu gardes coincé entre tes lèvres pincées. Tu te laisses tomber en arrière, le haut du corps perché à l'envers au-dessus du sol. Tu gigotes et retires ta chemise complètement, la laisses tomber en boule sur la moquette. Un regard vers la prostituée qui se recroqueville sur la banquette, ne sachant plus trop si elle doit finir ce qu'elle a voulu commencer ou si les menaces à son encontre sont réelles.

Tu te redresses par une prouesse de souplesse et t'accroches aux épaules de Callum, arraches les boutons de sa chemise et lui enlèves à son tour. Tu déposes des baisers précieux et insolents sur sa peau nue, ton nez entre ses poils, tes ongles dans son dos.

T'as trop de mots en D pour lui, et pourtant tu dis toujours rien. Tu te délivres de son emprise pour venir t'assoir sur la banquette ou tu siégeais avant son arrivée. Tu t'es érigé roi du bordel et prince du chaos. Tu écartes les bras et les cuisses, lui fais signe de s'approcher d'un petit mouvement de l'index. Quand il est à ta hauteur tu déboutonnes son pantalon pour lui baisser et tapotes ta cuisse pour l'inciter à s'assoir.

— « Divertis-moi. Danse, drogue-toi, fais quelque chose qui a du sens, Cal. »

Clairement pas comme avec toi.
Plus qu'avec Ceres.
Tu veux qu'il pense à elle - et au fait qu'il ne l'aura jamais.
Ça pourrait peut-être te consoler Duke, sur le fait que toi non plus tu ne te l'es pas tapé.

— « Démembre-le. »

Tu fais signe d'un mouvement de menton vers l'autre client du club, le seul présent. Si vous tuer l'une de ses filles, c'est la déclaration de guerre (sauf si vous payez assez cher pour en faire ce que vous voulez) que tu n'es pas sûr de vouloir déclencher tout de suite. Les pauvres ne font que leur métier ! Et lui perd du temps à se faire sucer.

— « Dépêche-toi. »

C'est plus soufflé comme une provocation. Tu n'es pas encore décidé à le laisser s'échapper d'entre tes griffes (cuisses).

C'est clair que dire s'il te plait c'est loin d'être son genre. Si t'étais d'humeur cassante tu lui rappellerais qu'il a pas besoin de supplier pour s'aligner. Mais t'es d'humeur massacrante et t'as juste envie de tous les aligner.
Tu l'accueilles sur toi alors qu'il se fait plus vorace, s'impose à tes lèvres et à ta peau. La débauche n'est pas encore à son paroxysme - il sort des pilules colorées de sa poche de jean. Tu te demandes d'où il les cachait depuis le début. Tu chopes son visage entre tes doigts.

— « Dis-moi où tu les as trouvé, petit cachotier. »

Il en gobe dix comme si de rien n'était. Tu écarquilles les yeux, exalté à l'idée qu'il puisse véritablement perdre pied. Les conséquences n'ont plus lieu d'être, tu ne les craignais pas hier, tu ne les craindras aujourd'hui - demain est un autre jour.
Tu avales goulument celles qu'il glisse entre tes lèvres de deux doigts aventuriers, dévies ton attention vers une victime potentielle. Tu grognes légèrement quand il tire tes cheveux, plaques une main sur son torse pour le garder à distance.

— « Détends-toi toutou. »

Mais le voilà déjà parti. Tu déboutonnes ton pantalon comme il l'a demandé, redressé et à l'affut du moindre geste démesuré qu'il ferait. Du coin de l'oeil, tu remarques que la fille qui te cajolait quelques instants auparavant s'est enfui de la banquette pour aller prévenir l'autorité du club. Tu fronces les sourcils et râles.

— « Callum ! Je crois qu'ils ne sont pas d'accord avec notre petit projet ! »

Tu constates un peu trop tard dans un soupire exaspéré que tu as brisé la règle le premier. Tu t'étais juré que tu lui donnerais un gage - c'est toi qui va devoir t'y plier.

— « Pousse-toi de là. »

Ordonnes-tu alors que tu l'as déjà rejoint de quelques grandes enjambées. Face au client bruyant et ses deux belles-de-nuit, tu te penches brusquement pour tirer sur les cheveux de l'une d'entre elle. L'homme, qui n'avait rien entendu jusqu'alors, concentré sur sa propre débauche, vous demande très exactement c'est quoi votre problème ?.
Et comme si la réponse était déjà toute tracée... tu te jettes sur lui pour l'étrangler.

Tu n'entends pas le reste. Quand tu presses tes mains sur la gorge du type, tu vois son visage à elle, gonflé et violacé par le manque d'air. Tu appuies un peu plus fort, mu d'une rage chaotique. Tu veux qu'elle souffre ! Tu veux qu'elle supplie, tu veux qu'elle te dise qu'elle est désolée - et pourtant ses lèvres ne parlent pas. Tu ne perçois qu'un gémissement rauque.

L'illusion se déforme quand ton corps se soulève brusquement. Puis retentissent les impacts des balles. Tu plisses les yeux, griffes les jambes de ta victime, qui se redresse difficilement en se massant le cou, crachant une gerbe de sang sur son costume mal taillé.

— « A BIENTOT ! »

Baisses la tête pour éviter des tirs. Vous voilà échappés de l'enfer (ou du paradis, chacun sa vision). Tu retombes sur tes pieds, encore sonné par ta dissociation infernale. Tu souffles par le nez, remontes la tête vers Callum pour que vos regards se croisent. Tu ne prêtes pas attention au compliment qui fleurit ses lèvres, réponds sèchement (frustré) et éloignes ton visage quand il joue avec tes cheveux.

— « Pourquoi tu es parti ? On aurait pu... On aurait pu faire un massacre. »

La question n'a aucun sens - parce que tu connais déjà la réponse. Mais tu n'acceptes pas, Duke, la réalité de votre échec. Si vous étiez resté, vous seriez morts. Et à votre retour, ils vous auraient tué encore.

— « Non. Il respirait quand nous sommes sorti. »

Tu trembles de rage, tentes de calmer ta haine par une vague d'euphorie. Tes traits s'assouplissent et tu le colles contre le mur, une main sur son torse, les ongles plantés dans son t-shirt.

— « Si je me souviens bien... Tu as échoué tout à l'heure. A notre petit jeu ! Tu mérites un gage Callum. Allez. A genoux. »

Il aurait pas voulu que tu prennes ton pied avec un autre type. Tu tiltes sur le moment, étires un rictus malsain et possessif. T'es fier de l'effet que tu lui fais, non sans te demander comment vous en êtes arrivé là. Il y a encore cela de peu, il n'était que le chien que tu sifflais, le cabot qui te mordait. Quand est-ce que l'animal a totalement remplacé l'Homme ? Quand est-ce que tu as lâché la laisse ?

— « J'étouffe dans cette ville de merde. »

Tu clos tes paupières, le souffle erratique. Le bout de tes doigts détaille les coutures de ton costume. Dans ton esprit s'érigent de grandes machinations au rythme de ton imagination. Tu ne souhaites rien de plus au monde que tes rêves les plus fous deviennent réels. Malheureusement pour toi (et pour eux), le destin semble aussi capricieux qu'existentiel.

— « Je veux que ça soit elle qui explose. NON ! Implose, de l'intérieur. On en placerait un peu partout... Sous les immeubles, sous l'hôpital, sous le quartier principal. »

T'as juste à te pencher pour lui voler sa cigarette, la glisses entre tes lèvres et en tires une latte. Au vu de sa tête, tu t'occupes de lui remettre dans la bouche, comme si elle ne l'avait jamais quitté.
Tu t'offusques ensuite qu'il retourne la situation contre toi.

— « Pardon ? Tu dis que j'ai perdu ? Tu sous-entends que j'ai triché Callum Quinn ? »

Dramatique, comme toujours.

— « Ouai... C'est bien ça... Je ne suis pas un tricheur. »

Tu l'es totalement (assurément).
Lèves la main comme pour céder, bien trop vite comme d'habitude. Ça cache toujours un subterfuge.

— « Très bien très bien je me sacrifie. Donne-moi ce gage. J'ai bien compris que tu n'avais pas les épaules pour supporter la pression du tien ! »

Tu tournes les talons, au crépuscule d'une nuit qui ne fait que débuter. Le soleil qui se couche épouse l'acier des bennes à ordures. Les mains calées derrière la tête, tu attends que la sentence ne tombe, espérant au même rythme que cette ville.

C’est exactement ce que je dis. Tu répètes après lui ses mots d'un ton moqueur, comme un enfant voulant décrédibiliser un adulte. Tu te nourris de son exaspération, tu te venges de l'apothéose apocalyptique qu'il t'a volé en vous sauvant d'une fin tragique chez vos ennemis.

Il te demande si tu as perdu ton entêtement. Tu fronces les sourcils, ne comprend pas où il veut en venir. T'as des remontées acides dans la gorge putain. Tu t'alignes mais tu t'énerves.

— « En tout cas, j'ai pas perdu ma belle gueule. Ni mes qualités indéniables. T'es toujours fou de moi Quinn. »

Mais pas totalement.
Pas assez, putain pas assez.

— « Tu veux savoir ? »

Tu te glisses derrière lui, murmures à son oreille.

— « Je veux que tu la tues. »

Vous êtes tous les deux fous (l'un de l'autre). C'est une certitude maintenant, mais elle ne résout pourtant aucun de vos problèmes. Au contraire, elle en créé une multitude d'autres, chaotiques et dangereux. D'assassins solitaires, vous êtes devenu une paire. Inséparable, immuable et inéluctable. Duke et Callum. Callum et Duke. Pourtant dans ton esprit résonnent encore les affres amers de son prénom. Ceres. Une épine dans ton pied qu'il te fait mal d'arracher. Tu t'es habitué à la douleur.

— « Pourquoi ? »

Tu aurais pu deviner jadis.

— « Avant je l'aurais su. Aujourd'hui ça m'échappe. »

C'est avoué si bas que tu n'es pas sûr qu'il t'ait entendu. Tu inspires lentement, marches à ses côtés jusqu'à ce que ses doigts emprisonnent ta mâchoire. Tu serres les dents et lui transmets toute la hargne que tu as en réserve, avant de capituler.

— « Tu ne peux pas me tuer. »

Passes ta langue sur ses lèvres, effleure ses doigts.

— « T'es devenu mou Callum. Un tapis qu'il est facile de retourner et d'écraser. Tu le sais n'est-ce pas... à quel point je t'ai rendu impuissant. »

Tu fronces les sourcils.

— « Si tu la tues vraiment je te couperai en milliers de petits morceaux. Je les mangerai un par un s'il le faut mais jamais tu ne reviendras. »

C'est faux.
Tu es fou de lui, il a dit non ?