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Aux farandoles de tissus onéreux et aux dentelles légères, aux gloussements habituels et manières dévergondées, Blanche ne prêta aucune attention. La visite qu'ils recevaient en leur antre avait de quoi faire frémir, un simple passage, un contrôle de routine ; Caelus Moore en personne qui parlait avec leur garant à tous et toutes, même pas dissimulés, là en plein milieu du salon. Si les autres s'étaient habitués à sa présence - ou faisaient semblant de s'en accommoder - Blanche, quant à elle, ne cacha pas son intérêt.

Sauf qu'il n'était pas porté sur Caelus et ses grands airs.
Mais sur une personne bien plus discrète, et pourtant hautement remarquable, d'une stature parfaite, et plantée là comme un piquet.
Qui sembla tout à coup errer comme un fantôme lorsque Caelus quitta la pièce.
Un automate auquel on avait donné aucune autre directive.

Blanche était habillée d'une une robe noire, légère, d'une transparence partielle qui laissait entrevoir ses courbes, ouverte devant pour laisser deviner sur ses cuisses les porte-jarretelles. Les pieds habillés seulement de ses bas en nylon, elle s'était approchée à pas félins de ce qu'elle imaginait être le garde du corps de la plus haute tête de ces lieux.

On dirait un chien qu'on aurait abandonné sur le trottoir.

Elle rigola, d'un rire léger et balaya à côté d'elle d'un mouvement de la main comme pour faire passer ce qu'elle venait de dire pour une plaisanterie.

Oh, ne vous y méprenez pas, je crains seulement, en constatant votre air, que vous ne vous sentiez pas très à l'aise.

Elle passa un doigt sur ses propres lèvres, et détailla de haut en bas son vis-à-vis, un sourire narquois s'esquissant au creux de ses joues.

Je craindrais alors que vous ne partiez trop vite, si c'était le cas. Peut-être aurais-je la chance de vous convaincre de rester un peu ?

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Echo.

La tête penchée sur le côté, le regard parti défier celui de l'autre. Un sourire éclatant s'érigea à ses lèvres qui semblaient rire mais ne laissèrent échapper aucun gloussement. Elle lui demanderait son prénom plus tard.

Je ne me permettrais pas d'accompagner une personne de votre élégance en une tenue si outrageuse. Vous me laissez une minute, que je me change ? Et si la nouvelle tenue venait à ne pas vous convenir, vous seriez toujours habilitée à me la retirer...

Elle s'habilla d'un léger rire, pour ne lui laisser aucune fenêtre de réponse. En une seconde, elle avait tourné les talons, et agita sa main devant elle pour lui dire de l'attendre.

On fait comme ça, alors. Mais ne partez pas sans moi !

Il lui fallut trois minutes, avant de revenir dans une robe noire qui s'arrêtait au-dessus des genoux et au décolleté pigeonnant, d'un tissu plus épais et parcouru de quelques lueurs brillantes comme si elle s'était habillée d'un ciel étoilé. Elle avait gardé les mêmes bas nylon par dessous, avait chaussé ses escarpins cirés, et arriva à hauteur de Jules pour minauder.

Je vous suis, nous pouvons rejoindre le bar dès que vous le souhaitez.

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Vous allez me faire rougir.

Sans se faire prier davantage, elle glissa son bras dans celui de Jules, le dos droit et l'allure fière. Ce n'était pas tous les jours qu'on se pavanait au bras du garde du corps du capitaine. Elle se délectait du prestige éphémère auquel elle goûtait.

Une table. Et celle-ci.

Elle désigna une petite table pas trop isolée, mais pas trop exposée, dans un cadre pratiquement intime, tamisé, loin des poivrots du bar et de l'entrée du casino. Finalement installée, elle posa ses deux coudes sur la table, ses mains croisées devant elle et son menton posé dessus.

Ce sera un kir pour moi.

Elle pencha la tête vers le serveur.

Et...

On ne l'avait jamais invitée à manger. Sans doute cela faisait-il un trop gros investissement pour l'histoire d'une nuit ou de quelques heures seulement. On n'invitait pas sa putain au restaurant. On la payait, lui payait un verre éventuellement, et on l'oubliait lorsque l'affaire était bouclée.

Non, ça ira, merci.

Mais Jules n'avait même pas envisagé de rester profiter de ses services, le verre n'avait pas été nécessaire pour les lui accorder.

Je suis impolie, vous...

La tutoyer. Elle s'arma d'un sourire.

Tu m'as demandé mon nom, mais je ne connais pas le tien. Suis-je sotte.

Comme si tout ça n'était pas calculé. Les verres furent rapidement servis, et elle fit tourner le sien entre ses doigts.

Avec qui ai-je l'honneur de partager cette soirée ?

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A l'initiative de sa commande, le regard s'était levé vers Jules, les lèvres scellées dans un silence reconnaissant, mais pudique. Blanche sembla plus touchée qu'elle ne voulait en témoigner, et elle cadenassa cette émotion à l'intérieur d'elle-même, précieusement, de peur de la laisser déborder et la projeter sur elle. Inquiète de se montrer vulnérable.

Elle trinqua avec elle, un sourire plus sincère à ses lèvres. Quelques lumières dans les yeux, des promesses de tendresses qu'elle préservait habituellement de ceux qui lui offraient simplement un verre. A sa proposition, Blanche s'habilla d'un rire.

J'aime la pluie !

Elle semblait amusée à l'idée de répondre à une questions aussi futile.

Elle me rappelle des jours heureux.

Les jours où sa mère parlait de la Terre et des fleurs qui y poussaient. Et toutes ses jardinières saccagées pour la couronne qu'elle tressait pour son frère.

A mon tour.

Elle prit une gorgée de sa boisson, avant de réfléchir pendant quelques secondes.

Alors... Ton parfum de glace préféré, et plutôt café ou thé ?

Deux questions pour le prix d'une, et aucune n'était posée au hasard.
Si la conversation avait l'air innocente, chaque élément était important pour Blanche qui voyait toujours plusieurs coups en avance.

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A son interrogation, Blancha hocha la tête.

Non, bien sûr.

Si elle ne fumait pas elle-même, elle vivait en permanence dans un club où le brouillard piquait les yeux et prenait à la gorge. Elle s'y était habituée.

Elle posa ses coudes sur la table, visiblement intriguée par la question posée.

Me battre ?

Elle n'y avait, pour ainsi dire, jamais pensé. Toujours choyée, protégée, elle n'avait jamais eu besoin de se défendre elle-même. Elle n'avait qu'à chouiner et son monde se pliait en deux pour la venger.

Non. Je ne sais pas me battre. Mais je plains le malheureux qui se risquerait à ce genre de jeux contre moi...

Un instant, elle hésita. Et puis elle adressa un sourire à Jules. Blanche ne se l'expliquait pas, mais elle lui avait accordée une confiance naturelle, et se sentait en sécurité, davantage qu'avec n'importe qui d'autre. Alors elle n'eut aucun mal à lui avouer.

Attends, je vais te montrer.

Elle attrapa un cure-dents, activa sa faculty, et se le planta dans le bras. Pas assez pour que ce soit trop douloureux, mais suffisamment pour que ça la fasse réagir.
Jules pouvait le sentir.

Je n'inflige pas de dégâts. Mais personne n'aime souffrir, n'est-ce pas ?

Elle retira le cure-dents qu'elle déposa sur la table, devant elle.

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La question la prit de court, et Blanche resta muette pendant quelques secondes. Le cure-dents partit à la conquête d'une olive, la première qu'elle mangea depuis le début de leur échange, comme si une certaine honte l'habitait.

Elle regarda, pensive, le contenu de son verre.
Se battre ? Se défendre ? Pourquoi faire ?
Et l'altercation qui précéda sa rencontre avec Nathanaël lui revint soudainement. Presque aussitôt, elle leva son regard vers Jules, et la réponse ne traîna pas.

Oui.

Elle se racla la gorge, peut-être gênée d'avoir eu l'air si enthousiaste, ou précipitée. Avait-elle laissé tomber ses manières ?

Oui, je viendrais.

Elle pencha la tête sur le côté.

J'imagine que la question était intéressée, pas vrai ?

Elle lui adressa un sourire.

Est-ce que tu me proposes un second rendez-vous ?

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Blanche resta quelques secondes en silence, le regard en suspends, comme si la question l'avait mise mal à l'aise. Mais la question était loin de lui poser problème.

Alors.

Elle déposa son verre sur la table, et jaugea si la nécessité de faire sa remarque était suffisamment grande que pour rompre le charme de la gentille prostituée docile. Mais elle songea que Jules n'était pas là pour ça, de toutes manières.

"Alléchante" et "sueurs" dans la même phrase c'est non.

Elle finit par rompre le malaise en arborant un sourire moqueur, secoua la tête pour reprendre la gorgée qu'elle avait interrompue.

Ceci étant dit...

En redéposant son verre elle prit un stylo et inscrivit sur un dessous de verre en carton son numéro de com.

Tu m'enverras l'adresse, le jour et l'heure. Et je viendrai ... m'allécher d'une salle de boxe pleine de sueurs.

Elle rit doucement, adressant un regard complice à Jules de l'autre côté de la table.

Quant à ta question...

Elle leva les yeux, comme pour réfléchir.
Que faisait-elle de ses journées ?
Quelles étaient ses passions ?
Pourquoi se sentait-elle si vide, tout à coup ?

Hum...

Sa vie tournait-elle exclusivement autour de son frère ?

J'aime la musique. J'ai essayé d'apprendre le piano, mais...

Mais elle avait eu trop à faire entre ses frères, les gangs, les histoires, ...

Ce n'était peut-être pas pour moi. Les animaux, aussi. Mais mon frère ne veut pas que j'aie un chien. Je ne sais pas pourquoi...

Elle posa un coude sur la table et déposa son visage dans sa main, un air boudeur sur son visage pensif.

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Elle fronça les sourcils. Elle était si frustrée par l'idée de se faire refuser quoi que ce soit que même la flatterie de Jules ne l'avait pas réconciliée avec la situation.

Allergique. Soi-disant.

Elle déposa ses deux bras sur la table, visiblement très concernée par la conversation tout à coup. Si jusqu'à présent elle avait roulé des mécaniques et fait des ronds de jambes, elle était réellement passionnée par son sujet désormais.

Mais je l'ai jamais vu en présence d'un chien. Je suis sûre qu'il se trouve des excuses.

Elle tapa d'une main nerveuse sur la table.

Je suis sûre qu'il a juste peur. Alors je vais lui tendre un piège, et prouver qu'il n'est pas allergique.

Elle haussa les épaules, se redressant pour que son dos épouse le fond de son siège.

Et au pire s'il est vraiment allergique, je ferai ça à l'hôpital où il travaille. Comme ça il ne craint rien, pas vrai ?

Elle adressa un regard en coin à Jules, avant de lui adresser un sourire. Elle avait complètement oublié de répondre à sa première question.

On vit ensemble. En quelques sortes.

Elle baissa les yeux.
Blanche n'avait jamais eu honte de sa situation.
Mais tout à coup, face à Jules, ça n'était pas si fièrement qu'elle la détaillait.

Je lui donne ce que je gagne... Et il s'occupe de moi. On a toujours fonctionné comme ça et... Je ne sais pas comment faire toute seule.

La triste réalité d'une enfant à qui on avait jamais appris à se débrouiller.
Si elle n'avait pas Cecil pour prendre soin d'elle, elle serait perdue, et n'aurait personne.