Rejoins moi dans la Butter Avenue demain à 20h au niveau du bar qui fait l'angle. Cosmo Blum ne s'était pas trompé de numéro. Cosmo Blum connait Ceres et Ceres connait Cosmo. Il n'a pas fallu longtemps Duke, pour que tu fasses le rapprochement un peu trop évident. T'avait-elle vendu à son supérieur ou te faisait-elle une fleur en te l'offrant sur un plateau d'argent ? Si tu es tenté de considérer la deuxième option, Ceres t'avait trahi suffisamment de fois pour te faire douter de sa bonne foi. Ta petite tueuse était capricieuse ces derniers temps, peut-être qu'un nouveau cadavre en cadeau serait une offrande suffisante pour resserrer vos liens.

((La vengeance est un plat qui se mange froid))

Mais ce qui te motive le plus à agir, c'est tout que Cosmo Blum est ta nouvelle cible désormais. L'échec de Pheme et la mort de Solar Brooks ont rendu les banana breads le gang intéressant. Bien sûr, c'est elle qui les élève à sa façon. Et tu tiendras peut-être Swan suffisamment à distance si tu fais au moins semblant d'aller dans son sens.

Ta journée avait commencé à quinze heures, horaire auquel tu avais embranché ton service. La tenue de serveur te sied à merveille Duke, même si tes collègues ont du mal à te regarder en face. Tes cheveux roses, les cicatrices sur tes lèvres scarifiées, ton sourire dérangeant et ta bonne humeur inquiétante... Et tu assures ton service, sers naturellement les clients comme si tu avais travaillé là toute une vie. Pourtant c'est bien la première fois que tu enfiles ce tablier dans cette enseigne-ci.

Dix-neuf heures cinquante, tu le vois s'installer en terrasse. Tu le surveilles pendant de longues minutes et laisses ton collègue prendre sa commande.
Un café, il a forcément pris un café. Pas très original penses-tu, déçu qu'il n'ait pas trahi tes anticipations. Tu lui portes alors pour le déposer sur sa table.

— « Et voici, monsieur. »

Tournes ensuite les talons pour retourner au bar. Tu t'adosses à celui-ci, les coudes vers l'arrière. Le scrutes de loin, priant pour qu'il se retourne - que vos regards se croisent, qu'il comprenne ! Mais rien, il attend sûrement que tu viennes.

((Alors tu viendras))

Un peu plus tard en début de soirée, tu viens débarrasser la table derrière lui, tires une chaise pour s'assoir dans son dos. Soupire bruyamment, comme s'il était temps d'arracher le pansement. Et tu jubiles, Duke ! Comme un enfant qui veut se révéler après un trop long jeu de cache-cache. Tu te retournes, et lentement approches ta tête du creux de son épaule. Le regard écarquillé tu glousses à son oreille.

— « Tu comptais m'attendre longtemps comme ça ou est-ce que j'ai failli te rater ? »

Tu t'écartes immédiatement après qu'il ait senti ta présence et te faufiles avec rapidité pour réapparaitre debout face à sa table. Tu gardes ton tablier (tu te doutes qu'un garde du corps doit trainer non loin) et passes une main devant ta bouche pour bailler.

— « Y'a pas à dire, c'est un métier crevant. »

Ricanes, léger.

— « Je dois te dire un truc méga important. On discutera de tout ça, à demain. »

Tu tapes du poing sur la table.

— « Bordel Cosmo ! On ne prévient pas à la dernière minute ! J'ai eu un mal fou à m'organiser. »

T'es un peu trop serein Duke, surtout pour un assassin en cavale à quelques centimètres de sa cible principale. Heureusement que Swan Wallace ne lit pas les pensées - tu auras bien des choses à inventer pour ton prochain rapport pour combler la potentielle erreur que tu t'apprêtes à commettre. Délibérément.

Et qui voilà en face de toi !
Cosmo Blum. Fondateur des Banana Breads devenu second par la suite. Tu es curieux, Duke, de découvrir le profil de l'homme qui a volontairement abandonné sa place de leader pour devenir un suiveur. S'était-il lassé du pouvoir ou en avait-il été éjecté ?

— « Premier service ? »

Tu fais non de l'index, le visage maintenant déposé contre la paume de ta main, le coude sur la table.

— « Détrompe-toi, j'ai beaucoup d'expérience. Je suis devenu expert pour prendre les commandes, pour porter plusieurs assiettes en équilibre, pour préparer les cafés aussi. »

Tu étires un demi-rictus narquois, penches la tête sur le côté en plissant les yeux. Tu roucoules, te fais agréable. Tu tentes même de coller ta jambe à la sienne dans l'espoir de le brusquer un peu - qu'il se déride !

— « Hm... »

Tu fais mine de réfléchir à sa question pendant plusieurs secondes, faisant tes doigts contre ta tempe.

— « Pas vraiment, non. Toi par contre... Tu es très intéressant. J'ai appris beaucoup de choses sur toi récemment ! Mais je suis avare de détails, j'espère que tu m'en diras un peu plus. »

Tu te redresses hâtivement sur ta chaise, tends le dos droit et croises les bras sur la table.

— « Et si tu me demandais ce que tu brûles de savoir, Cosmo ? Parce que le temps presse et ... j'aimerai profiter de toi un maximum. »

Flatteur, mais menteur.

— « Mais ! Mais mais mais. Ça serait déplaisant de devoir négocier avec un cadavre. »

Il n'y a que la vérité qui blesse.

La personne en face de toi reste calme et imperturbable. Si ça te frustre un peu Duke, tu sais au fond que c'est exactement ce qui est censé se passer. La panique et les cris mettraient à mal ton plan - tout ce que tu cherches, c'est une discussion paisible entre deux personnes civilisées.
Et dieu sait à quel point tu peux l'être quand tu le veux. Au diable le jeu de jambe sous la table ou les sourires mielleux, tu penches la tête sur le côté pour l'écouter.

— « Évidemment que j'ai enquêté sur toi. Je voulais savoir qui était le célèbre Cosmo Blum qui déchainait les passions ! »

Et tu es à peine moqueur (à peine). Cosmo est peut-être bien à la hauteur de tes espérances.

— « Je ne suis pas spécialement déçu... »

Mais ton regard se ferme peu à peu, se fait moins avenant. Tu es sur la réserve Duke, traques ses réactions comme un chasseur - manquerait plus que tu sois en proie à toi-même.
Il ne te pose pas LA question, celle que tu crèves d'entendre. Que sait-il au juste ? Sans doute qu'une épée de Damoclés au-dessus de la tête lui délierai la langue.

Ça tombe bien parce que tu as déjà tout prévu.
C’est le café c’est ça ?

Ton visage s'éclaircit soudainement d'une fausse compassion. Tu pousses un long soupire attendri et étires un petit sourire en coin, aussi conciliant que condescendant. Hoches la tête l'air de dire silencieux ; c'est évident non ?

— « Maintenant tu sais ce qu'il te reste à faire. »

Coopérer.

— « Ça, c'est un problème différent. Vois-tu, je n'ai pas lu correctement le mode d'emploi. Ça peut agir en quelques heures comme ça peut provoquer un arrêt brutal du coeur d'une minute à l'autre. Je ne l'ai jamais vu à l'oeuvre. »

Le menton déposé avec grâce sur tes mains accoudées, tu le scrutes, te nourris de ses réactions, essaies de percevoir un semblant de peur ou d'appréhension derrière son sourire forcé et poli.

— « Tout ce que je veux pour le moment c'est que tu ne fondes pas en larmes devant moi, si possible... »

Tu fais la moue.
Qu'est-ce que tu veux vraiment, Duke ?
Tu t'es pourtant préparé - c'est pour user du chantage (sous la pression et la peur) que tu as délibérément verser un poison dans son café tout à l'heure au moment de le servir.

— « Je te donnerai le remède, tu sais. »

ALORS QU'EST-CE QUE TU VEUX EN ÉCHANGE ?

— « Je veux Ceres Montgomery. »

Testons d'abord sa loyauté.

— « Et je veux une statue à mon effigie aussi au centre de Venus Ville. Fier et brandissant... Hm. Qu'est-ce qui irait le mieux sur moi ? »

Et son sens du raffinement.
Pendant que les minutes s'agitent sous le poids de son testament.

Merde. Il est drôle Cosmo, il est parfait. Il est absolument parfait ! Le regard assassin devient langoureux, presque amoureux. Comment un diamant aussi brut a pu t'échapper jusqu'alors ? Tu ne l'avais pas perçu de cette manière lorsque tu l'observais de loin... Merde merde merde. Ton intérêt devient maladif, tu te gausses d'un rire sonore et sincère quand il se fout de ta gueule. Il transpire d'incertitude, tu sens la peur qui suinte de ses pores - et pourtant sa dignité atteint des sommets qu'il t'est difficile d'atteindre.

— « Tu as totalement raison ! Je t'ai sous-estimé Cosmo Blum. Ça a été ma première erreur. »

Tu croises les jambes pour te mettre plus à l'aise, ne cesses cependant pas de le scruter passionnément. Ta fascination n'est pas totalement sincère cela dit, mue par une volonté intrinsèque de le mettre mal à l'aise pour le déstabiliser.

— « Tu ferais mieux de ne pas me croire, je suis un putain de bon menteur. Mais je ne veux pas te voir mourir ! Je te le jure. Je ne veux seulement qu'on trouve un terrain d'entente. »

Tu continues de sourire, malgré que ta demande ait pu jeté un froid sur votre discussion pourtant si chaleureuse. Son non tu t'y attendais depuis le début et pourtant sonne comme une véritable déclaration de guerre.
Tu plisses légèrement les yeux, roucoules et répètes pour être sûr d'avoir bien entendu.

— « ... Nooon ? »

Tes traits se durcissent, mais tu ne perds pas pour autant ce petit rictus amusé qui fend ta bouche. Tu l'écoutes sans le couper détruire les fondations même de votre échange.
Tu aurais pu en pleurer, Duke, si tu avais pu le prévoir - pourtant la perte de ton seul biais cognitif social remet tout en question. Il est possible que cela dérape plus vite que prévu.

— « Je vois. »

Non. Non non non non.
NON.
Tu ne laisseras pas Cosmo Blum te mettre à terre aussi facilement.

— « Si tu fermes les négociations aussi facilement, je vais peut-être te laisser faire face à ta nouvelle amie. »

Tu tapotes la poche de ton costume comme pour faire deviner la forme d'une micro fiole dans le tissu. Te penches au-dessus de la table pour que vos souffles se frôlent. La tentation embrase ton élan vengeur. Tu louches sur l'arme qu'il a posé sur ses cuisses.

— « Si j'étais toi j'éviterai de faire ça. »

Allez dis-le, dis-le, dis-le.
DIS-MOI DE RESTER.

— « Je sais ce qu'elle t'a dit. C'est pour ça que tu es ici. Tu ne veux pas avoir la confirmation ? »

Tu crèves autant de le tuer que de l'obliger à te le demander.

Oui... Oui... C'est ça que tu veux voir. C'est ça ! Aaaah... Si seulement Cosmo Blum pouvait se voir dans un miroir, si seulement il pouvait avoir affaire à ce que tu as en face de toi. Dans le reflet de son regard courageux se noient tempêtes et cyclones orageux. Ta colère s'est évaporée en fascination malsaine et tu le détailles comme s'il était devenu le plus appétissant des desserts.

— « J'aurai été déçu que tu te laisses mourir sans même chercher à te battre, je dois bien l'avouer... »

Et pourtant tu le dissuades toi-même de tout acte irréfléchi et déraisonné. Il te serait aisé de lui prendre son arme pour lui trancher la gorge d'un seul coup. Cependant, malgré tes suppositions à son égard tu ne saurais évaluer si Cosmo est le genre d'homme à tuer son prochain - même celui qu'il considère comme son ennemi. Ce doute s'insinue dans ton esprit Duke, et te force donc à gagner du temps.

Il tire sur ta veste, se hisse pour que vos souffles se mêlent et se fait plus menaçant. Il y a quelque chose qui t'échappe Duke, et tu ne sais pas mettre le doigt dessus. Tu roucoules, arrogant, et restes immobile face à lui - ne cherches même pas à te défaire de sa prise (lui reste sous ton emprise).

— « Jamais. Je ne m'échapperai qu'après m'être assuré de ton agonie. »

Passes ta langue sur tes lèvres, ton coeur s'agite à mesure que ton regard s'écarquille. Lentement, tu portes deux doigts à la poche extérieure de ta veste pour en sortir un petit flacon contenant des pilules roses.

— « C'est ça qui t'intéresses ? Je pourrais t'en donner, si tu le souhaites. Si tu n'es pas habitué, un seul suffirait pour te promettre l'extase. »

Tu souffles sur sa bouche et la ranges de nouveau. Raté Cosmo.

— « C'est quoi qui t'intéresse le plus ? Je te laisse le choix entre deux possibilités : Alfred et ce qui est arrivé à Solar Brooks. »

Tu te colles un peu plus, cognes ton front contre le sien alors que tu laisses échapper un soupire d'aise.

— « Tu devrais te décider, le poison ne devrait pas tarder à faire effet. Tic tac, tic tac. Si tu ne me donnes rien je ne peux pas t'aider. Et je crèves de le faire ! Je te jure... Ça m'embêterait de lui faire du mal encore une fois. Tu ne veux pas lui faire du mal n'est-ce pas ? A Ceres ? »

Il n'a pas l'air très sûr de toi, Cosmo - et pourtant il reste très sûr de lui. C'est à ça qu'on reconnait un vrai leader, un homme qui a confiance en ses capacités, qui croit en lui-même avant de compter sur les autres. Et c'est ce que tu perçois vaguement dans le fond de son regard déterminé : il n'abandonnera pas facilement.
Tu t'en nourris, Duke. Tu as besoin de ce sentiment pour continuer votre histoire. (ou du moins pour la démarrer).

— « L'extase est toujours de mise mon coeur. »

Mais c'est quand il entend le nom de Solar que son expression change du tout au tout. Pris du grand frisson, tu écarquilles les yeux et étires un sourire fou.

— « Très bon choix... »

Sa main qui se resserre à ton col, ton souffle se fait plus prononcé. C'est encore la mention de Ceres qui le fait vriller. Et ton regard qui se met lui, à briller. Tu actives ta faculty, insuffles en lui une volonté qui germera dans son esprit au gré des heures ou au gré des jours. Cosmo sous hypnose, tu murmures.

— « Laisse-la partir. »

Car qui sait quand est-ce qu'elle arrivera.
Ferme les yeux pour rompre le contact, tu éclates de rire quand il te propose des offrandes en échange d'informations.

— « Cosmo. Come on... La moto t'es au courant que je peux la voler à n'importe qui ? Et les pilules, c'est pas ça qui manque dans cette ville ! Regarde autour de toi ! »

Tu balaies les alentours, fais signe au serveur de reculer alors que tu ouvres ta veste subtilement, dévoilant l'arme attachée à l'intérieur. Tu te racles la gorge.

— « Très bien. Je vais te faire crédit. »

Et sans trembler (comme si tu n'avais pas peur de lui) tu provoques de nouveau sa colère. Le poison agira plus vite.

— « Solar Brooks est mort et a rejoins les labos du staff. Qui sait ce qu'ils lui ont fait... Malheureusement je n'ai pas cette information. Mais ce dont je suis sûr par contre, c'est que tu ne le reverras pas. »

Tu fais la moue, boudes d'une mine triste et nostalgique.

— « Nous sommes là pour vous anéantir. Peut-être sommes-nous déjà infiltrés dans vos gangs, tu devrais te méfier de ceux qui t'entourent Cosmo. »

Éclates d'un rire glaçant. Tu glisses ta main lascivement sur son épaule, que tu époussettes d'un geste tendre. Tu actives ta faculty de nouveau.

— « Mais tu n'en parleras pas à ton gang, parce que tu ne fais confiance à personne. »

Soupire.

— « J'ai été généreux avec toi mais je pense qu'il est temps de se dire adieu. Et je déteste les adieux... »

Ça te rend incroyablement mélancolique.
Et instable.
Surtout instable.

Quand il réalise l'inéluctable de ce qui lui arrive, c'est un sourire pervers qui t'habite. D'abord Solar Brooks, puis lui-même... qui sera le prochain, ou la prochaine ? Tu n'as qu'un prénom en tête parmi la foule qui compose les banana breads : Ceres Montgomery. Face à la menace de Cosmo, tu ricanes.

— « Mais je t'attends de pied ferme, je me languis déjà de toi et nous ne sommes pas encore séparés. »

Au moment où tu vas chercher à te dégager, un filet de lumière surgit de votre droite. La silhouette essoufflée de Ceres apparait au milieu des particules. Ton regard s'écarquille lentement, époustouflé d'un revirement de situation que tu avais pourtant espéré dès le début de votre conversation. Peut-être que c'était ça, le véritable objectif - si elle ne te laissait pas venir à elle, tu la ferais venir à toi.

— « CERES ! »

Tu t'exclames avec un grand sourire, ne faisant pas fi de son état ni du sang qui s'écoule de son nez, perle jusqu'à son menton pour s'écraser sur le sol de la terrasse. L'arrivée de Ceres avait perturbé plusieurs clients autour de vous, et le serveur courut à l'intérieur, sûrement dans l'intention de prévenir son boss de la pagaille.

— « Ceres ! » Tu répètes, fasciné. « Tu m'as tellement manqué ma belle... »

Mais le sourire s'efface bien vite lorsque que Cosmo tente de s'échapper, notamment avec elle à ses côtés. Qu'il veuille se soustraire à son sort... soit - mais qu'il n'essaie pas de t'éloigner d'elle une seconde de plus. Tu fais la moue, ignorant l'insulte qui fuse entre ses lèvres que tu rêves d'embrasser.
Alors que le bras de Cosmo s'accroche à celui de Ceres, tu fronces les sourcils et te racles la gorge.

— « Hop hop hop. On reste ici. »

Tu dois les retenir mais l'instinct obsessionnel cherche juste à l'empêcher de fuir.

— « Nous avions juste une petite conversation. Rien d'alarmant... Je lui disais seulement ce que tu avais omis de lui confier. Hein Ceres... Est-ce que tu as raconté à Cosmo ce que tu m'as fait dans la cave ? Quand tu m'as tué pour me punir du meurtre de Solar Brooks ? »

Tu as l'air soudain triste, mimes grossier une larme au creux de l'oeil. Tu sors de la poche arrière de ton pantalon une petite fiole.

— « Vous n'aurez pas le temps d'atteindre le centre antipoison. Pas le temps de le drainer. »

Tu le fais jouer entre tes mains, à une certaine distance d'eux.

— « Et je n'ai toujours pas ce que je veux. »

Vengeance et aveux.
Allégeance avant les adieux.