Astrée appréciait ce quartier.
Déjà par le fait qu’il était neutre mais surtout que, grâce à ça, les personnes qui y vivaient n’avaient pas cette expression légèrement soucieuse. Non, ils existaient simplement et il n’y avait pas plus rafraichissant finalement.

Nullement surprise en entendant la voix de Tiago à son oreille, un sourire étire ses lippes quand elle se retourne pour le regarder, écoutant son impulsion de l’instant.

« Un restaurant ? »

Se tourne pour regarder celui qu’il désigne, réfléchie quant à son programme de la soirée.
Rien d’urgent si elle a bonne mémoire, donc rien qui lui empêche d’accepter.

« D’accord, mais… »

Tête penchée vers lui, un air malicieux au visage.

« Tu as proposé, tu invites. »

Elle recule avant de commencer la marche vers le restaurant dont elle allait découvrir les saveurs. Ce qu’elle appréciait avec son garde du corps, c’était aussi bien sa loyauté que ses idées qui pouvaient rendre une soirée plus amusante, créant de l’imprévu là où l’ennui régnait.

Et jusque-là, elle n’avait jamais regrettée de l’avoir suivi.

Elle lui prend le bras qu’il lui propose, un sourire aux lèvres tandis qu’elle le suit vers le restaurant. Amusée par ses manières exagérées, elle joue pourtant le jeu et c’est ainsi qu’elle se retrouve à table, à observer son garde du corps en train de jouer avec une fourchette. Levant les yeux au ciel à sa remarque, elle se permet un rire à la seconde tout en y répondant avec le même ton.

« Oh ? Qui te dis que ce n’est pas toi qui illumine mes nuits ? Tu as le pouvoir de regarder les songes maintenant ? Et puis, tu peux parler. Je suis certaine que tu dois en faire tourner des têtes, et pas qu’un peu. »

Situation qui reprend un peu de sérieux, elle penche la tête sans détacher ses yeux tout en activant son pouvoir pour capter une possible pensée qui pourrait être suspicieuse. Mais rien, hormis un mari qui s’inquiète pour ses enfants, des serveurs qui se plaignent, un stagiaire content d’avoir quelque chose à faire, un homme qui clairement trop sa femme… La base. Rien d’alarmant.

« Je ne capte rien d’inquiétant de mon côté. Hésite pas à me faire part de tes soupçons quand tu en as sur le moment, juste pour pouvoir se préparer si jamais ils s’avèrent être exacts. »

Ses yeux l’observent avec attention quand il sourit, elle le lui rend avec la même attitude. Elle se sent détendue, prête à voir ce que la soirée leur réserve.

« Très bien, prenons donc leur meilleur alcool pour bien commencer. Pari que tu finiras bourré avant moi ? »

Expression rempli de défi, elle se saisit ensuite de la carte pour tout regarder.

« Hm… Qu’est-ce que tu penses prendre ? »

Prunelles qui le fixent avec attention, attendant de voir ce qu’il va bien commander.

Il n’a pas l’air d’avoir conscience du charme qu’il peut avoir. Astrée se contente de sourire, toujours l’air taquin sur le visage. L’on sous-estime toujours le pouvoir qu’un beau sourire peut avoir, surtout quand l’on traverse une période sombre de l’existence. La phrase clichée concernant les sourires similaires au soleil ou lié à une lumière qui illumine la journée, ce n’est pas forcément qu’une image. Astrée a connue ça, et quand elle y pense, ça lui faisait du bien. Juste de voir quelqu’un qu’elle apprécie heureux.

Parce qu’il n’y a pas plus sincère que le bonheur.

« Il n’y a pas forcément besoin de lire les pensées pour ce genre de situation. »

Le sujet passe au suivant, celui un peu plus sérieux.
Sourcils froncés, sa tête se pose sur sa main qui s’accoude à la table.

« Je compte sur toi dans ce cas. »

Ton nullement accusateur, bien au contraire. Elle sait Tiago fiable, jamais elle n’oserait remettre son investissement en doute quant au travail qu’il a. L’ambiance se fait plus légère ensuite, ricanement d’Astrée quand il commande le champagne alors qu’elle se redresse.

« Ne croit pas que cela sera suffisant pour me vaincre. Le gagnant choisira donc le gage du perdant. »

Et elle ne compte pas perdre Astrée.
Même si pour l’instant, elle n’a pas d’idées en tête, elle compte sur la suite des évènements pour lui donner de l’inspiration.

« Je prendrais la même entrée. En plat cela sera le filet d’agneau en croûte de truffe avec sa sauce spéciale. »

En réponse à sa question.
Repose la carte du menu avant d’activer de nouveau son pouvoir, juste pour consulter les pensées alentours. C’est devenue une habitude, une manière de s’assurer qu’elle n’encourrait aucun danger. Même dans ce quartier neutre où tout devait bien se passer.

Ses yeux tombent de nouveau sur Tiago quand il reprend la parole. Sourire disparu de son visage ce qui fait froncer les sourcils de la Moore, elle le fixe avec une certaine intensité, s’attendant à une nouvelle terrible. Et pourtant, c’est de la surprise qui anime ensuite ses traits.

Le quadrille.
La balle dans la tête.
Le bruit siffle encore dans ses oreilles.

Elle aurait pu mourir une deuxième fois à cause d’un morceau de métal dans le corps qui l’aurait traversé pour lui arracher la vie mais le vœu l’a sauvé.

Il s’en voulait.
De l’avoir laissé à ce moment.
De ne pas l’avoir protégé.

D’avoir failli à sa tâche.

« Je ne doute pas un seul instant que tu m’aurais protégé si jamais tu avais été là. Non seulement parce que c’est ton travail, mais surtout parce que tu es une personne dévouée et loyale, en qui je place toute ma confiance. »

Regard sérieux, mais sourire serein.

« Le vœu m’a sauvé, ma vie n’a pas été prise. Tu n’as pas à t’en vouloir pour quelque chose qui n’est pas arrivée. Donc tu es tout pardonné. »

Même si c’est son job de prendre des coups à sa place, Astrée s’en serait voulu s’il était mort pour elle. Car elle l’aurait mis dans une situation de danger. Et la vie de toutes personnes qu’elle considère comme proche reste précieuse à ses yeux.

« Laisse-moi aussi te faire une promesse Tiago. »

La rousse se lève pour se poster à côté de lui.
L’air solennel, elle tend sa main avant de prendre la parole.

« Sauf cas exceptionnel, je ne mettrais pas ma vie en danger gratuitement. Mon but n’est pas de profiter de toi ou de Lyra pour me permettre des folies, au contraire vos vies sont tout aussi importantes à mes yeux que la mienne. Ma promesse est donc de faire plus attention aux dangers afin que cette situation ne recommence plus. »

Et d’y réfléchir à deux fois avant d’aller dans une soirée alors qu’elle n’a plus sa faculty et où les armes ne sont pas autorisées. Quelle idée aussi, vraiment.

Le champagne arrive mais pour le moment, elle n’en tient pas compte. Elle fixe Tiago en attendant sa réaction, puis en voyant son sourire, elle ne peut s’empêcher de lui répondre par un similaire.

Il a un sourire naturellement communicatif, Astrée devait bien reconnaître que c’était rafraîchissant d’avoir une personne comme lui à ses côtés. Rare moment où il prononce son prénom au lieu de l’appeler princesse, indiquant qu’il prenait en compte ses paroles avec sérieux, elle se saisit de sa coupe de champagne quand il en fit de même.

« À ta santé Tiago. »

Princesse… Ne sachant toujours pas les vraies raison de ce surnom, elle s’y est fait Astrée. Le regardant vider son verre, elle en fit tout autant et à la même vitesse, expression de nouveau narquoise au visage.

« Ne parle pas trop vite, tu pourrais regretter qu’il y ai cette bouteille à vider. »

Il les ressert, la discussion devient plus détendue alors qu’ils s’échangent des propos des plus communs. Les verres descendaient et la moitié de la bouteille était déjà entamée alors que les entrées arrivaient. Regardant son assiette, sa tête lui ordonnant de manger pour palier à ce qu’elle venait de boire, elle prend donc une première bouchée en regardant son garde du corps parler de nouveau, de famille cette fois.

Son rire plus fort après sa question montrant que le champagne faisait déjà effet, elle a un sourire en y réfléchissant. Jules… Elle ne sait pas vraiment, là tout de suite, depuis combien de temps elle est présente. Mais elle comprend bien ce qu’il lui demande et ainsi, quand il la fixe, posture interrogatrice, elle le copie mettant sa main sous son menton, accoudée à la table.

« C’est moi qui suis sur son dos, non pas l’inverse. »

Après tout, Astrée reste la grande sœur de Lyra.

« Elle m’a demandée d'être ma garde du corps. Je lui ai fait passer les tests, elle a réussi et à décrocher sa place. La supporter n’est pas un soucis… »

Air attendri.
Quand il s’agit de sa famille, elle ne peut paraître plus aimante.

« J’accepte qu’elle soit à mes côtés pour que je puisse la protéger. C’est censé être l’inverse, mais ça elle ne le sait pas. »

Expression de nouveau amusée en repensant à ses heures supplémentaires, elle rigole doucement avant de se redresser.

« Serait-ce une plainte ? Si tu ne veux pas travailler plus, n’hésite pas à me le dire. Je peux passer quelques heures sans protection, ce n’est pas un problème. »

Elle sait très bien se défendre après tout.
Et puis, qui pourrait bien les affronter en sachant qu’ils sont invincibles ?

« Mais tu ne pourras pas m’inviter de nouveau dans ce genre de restaurant, c’est dommage. »

Se saisit de nouveau de son verre de champagne qu’elle vide d’une traite en lui adressant un air faussement moqueur.

Elle ne devrait pas être aussi surprise de sa dévotion envers son travail, mais le fait qu’il rajoute qu’il aime son travail particulièrement parce qu’il se trouve à ses côtés était inattendue.

Regard fixe sur son sourire différent, il continue à parler.
Faisant comprendre que sa sécurité importe plus que tout.
Et c’est à son tour de sourire.

« J’admets que c’est un peu des deux. Bien sûr que cela me fait plaisir, n’ai aucun doute là-dessus. Pourtant il y a aussi… »

Réflexion. Comment l’exprimer correctement ?
Elle y pense alors qu’il lui ressert un verre, tapotant ensuite le bout de ses doigts sur la surface fragile, cherchant ses mots.

« Disons que c’est une façon de t’exprimer ma gratitude. Non pas que je me sente forcée à être ici, ce n’est pas l’idée. Mais au contraire, passer du temps avec toi, que ce soit au restaurant ou ailleurs…. Ce n’est pas seulement parce que ça me fait plaisir, mais aussi pour te remercier d’être là, à mes côtés. »

Sourire sincère.
Ce n’est pas que ça, mais elle ne peut pas le lui dire ouvertement.
Que c’est pour s’assurer qu’il aille bien. Qu’il ne se prenne pas trop la tête.
Et aussi pour…

« Effectivement ! Reste à savoir si elle se videra tout aussi vite ! »

Léger rire alors qu’elle trinque, vidant son verre d’une traite avant de le poser sur la table, sa tête commençant à lui faire comprendre qu’elle devrait se calmer un petit peu.

Avant qu’elle ne rigole un peu plus fort face à sa proposition.

« Me porter ? Tu peux toujours essayer mais si tu me fais tomber, je te retire ta prochaine prime. Pari accepté.»

Air de défi avant de faire signe à un autre serveur de ramener une bouteille de champagne pleine, elle se tourne ensuite vers son compagnon de table, l’air curieuse.

« Dis, j’ai une question à te poser. »

Son regard devient intense, s’accroche au sien pour ne pas le laisser filer.
Même s’il n’est pas du genre à avoir le regard fuyant, il serait compliqué de détourner les yeux.

« … Est-ce que tu penses… »

Pause. Laisse la tension monter.

« … Qu’on sera capable de tout manger avec le champagne qu’on a bu ? »

Parce que le serveur qui rapplique avec les entrées et qui repart de suite, dépose des plats qui clairement, n’ont pas l’air d’être là que pour décorer l’assiette.

L’effet voulue de détente est atteint, elle se met à rire aussi en le voyant faire.
Elle oublie, juste une seconde, d’être sur ses gardes.
À l’affut de la moindre chose étrange.
Se sentant réellement en sécurité au point de ne pas y penser.

« Je veux bien te croire pour le coup ! »

Lui rend la politesse en lui souhaitant un bon appétit à son tour.
Puis le temps file, de nouveau, les verres s’enchainent tandis que l’assiette est rapidement remplacée par le plat principal qu’elle entame doucement, ralentissant néanmoins un peu le rythme de la boisson tout en suivant de près celui de son garde du corps.

Puis le champagne est remplacé rapidement par du vin et c’est en haussant les sourcils qu’elle écoute la question de Tiago, penchant la tête sur le côté sans vraiment comprendre.

« De quoi tu parles ? Elle ne t’évite pas voyons ! … Enfin, je me souviens pas avoir vu quelque chose allant à ton encontre dans ses pensées… »

Yeux levés dans une moue de réflexion intense, elle tapote son index sur son menton tout en essayant de se souvenir de ce qu’il en était. Mais non, rien ne lui vient, Lyra lui aurait certainement dit si jamais quelque chose n’allait pas avec son collègue.

« Non… Elle est préoccupée en ce moment mais elle n’a rien contre toi. Au pire, tu peux lui en parler si jamais tu te sens mal à l’aise. »

Sourire.

« Mais ne t’en fais pas, personne ne te déteste, bien au contraire ! »

Il a su gagner sa place dans l’estime de beaucoup de personne parmi les Moores, donc ce n’est pas demain qu’il sera rejeté ou détesté de ses membres. Sauf cas exceptionnel, mais rien d’inquiétant à signaler de ce côté-là.

« D’ailleurs, comment tu te sens ? Est-ce que tu as des soucis ou autre avec Jules ? Tu l’as rapidement évoqué tout à l’heure mais sans en dire plus. »

Astrée a beau avoir de l’alcool dans le sang
Sa mémoire fonctionne toujours aussi bien.

Il s’explique sur Jules et elle laisse un petit rire s’échapper.
Si elle avait été à sa place, elle aurait probablement eu la même réaction.
L’inquiétude qu’elle aurait pour ses frères et sa sœur si la même chose était arrivée aurait été similaire, cette envie de les protéger contre tous les maux du monde est un objectif qu’elle ne peut que comprendre.

Alors qu’elle allait reprendre son verre de champagne, elle le fixe avec curiosité quand il s’adresse de nouveau à elle, mais exprimant son point de vue par rapport à sa personne. Doigt accusateur, il énonce alors tout ce qu’elle fait à son égard, ayant même remarqué le fait qu’elle ai rempli le frigo de berlingots pour lui.

« … C’est donc pour ça que je suis une princesse ? »

Petit ricanement pour accompagner le siens, l’observant toujours avec une douceur naissante dans les prunelles.

« Je fais ça parce que je tiens à toi, tout simplement. Il est normal de se préoccuper des personnes qu’on apprécie, tu ne crois pas ? »

Pause, moue pensive.

« D’ailleurs… Si on part sur ce schéma et au vu de ta position, est-ce que ça fait de toi mon chevalier en armure sur son cheval blanc ? »

Décidément, l’alcool n’aide pas beaucoup et commence clairement à faire de l’effet à la jeune Moore.
Une nouvelle question est posée, elle penche la tête en le voyant… Gêné ? Ou bien est-ce le champagne qui lui monte à la tête ? Moue sur le visage, elle repose son verre en faisant un non de la tête.

« ... Pas sur le dos. »

À son tour, elle le pointe du doigt en plissant les yeux.

« Une princesse ça ne se porte pas sur le dos. Donc soit tu fais les choses correctement, soit tu ne la portes pas du tout. »

Sur ces paroles, elle lève de nouveau son verre et en boit le contenu.

« … Dis, est-ce que tu peux voler avec ta faculty ? »