Tu traverses le Sunset à pas de loup. Dans ta tête, c'est la cacophonie et tu espères qu'elle l'entendra. T'aurais bien envoyé un message via ton com, mais tu préférais donner la nouvelle à voix vive, même si tous tes sentiments étaient mélangé.  La colère et la honte d'avoir succombé et d'avoir baissé ta garde, une rage sourde à l'encontre de la personne que tu pensais coupable, mais sans en avoir la moindre preuve, une forme de déception à l'idée que le voeu qui vous rendait invincible n'était plus... Voilà les sentiments qui te submergent alors que tu tentes de paraitre complètement calme. C'est ce qu'il faut être, calme, quand on est entouré de clients voulant s'amuser, d'ennemis qu'on laisse nous dire bonjour pour qu'ils puissent s'amuser.

Tu portais la main à ton coeur, comme si une douleur fantôme te traversait. Après tout, tu venais juste de revenir. C'était récent, tu ne savais même pas ce que tu avais perdu, ce qui avait changé en toi. Non, tout ce qui importait, c'était donné l'information récolté contre une vie en moins. Une chose était sûre, tu ferais plus attention à l'avenir. C'était ce que tu te disais à ce moment, mais allais-tu réussir à faire vraiment plus attention ?

Dans la cage d’ascenseur, tu bas du pied. C'est presque en rythme avec la musique. Presque, car trop rapide. Tu t'impatientes de ne pas la trouver. Elle doit pourtant bien être ici, non ? Au pire des cas, tu verrais Caelus en premier, même si là dans l'immédiat.... Il vaudrait mieux que tu te calmes réellement.

Alors quand tu quittes la cage de métal dans laquelle tu te trouvais pour changer d'étage, tu appelles une nouvelle fois  son nom dans ta tête.

Astrée !!!!

Soudain sa voix dans ta tête. Un soulagement. Tu inspires un grand coup et expires quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Tu les franchis et tu sais vers où te diriger grâce à elle. Tu frappes avant de pousser la porte et de refermer derrière toi. Tu t'appuies contre le battant clos quelques secondes.

- Salut Astrée. Et désolé de débarquer comme ça.

Tu t'avances, franchis les quelques mètres entre toi et le bureau. Tu devrais t'asseoir pour expliquer, mais tu as du mal tenir en place. Tu ne sais pas non plus comment aborder le sujet. Tes pensées sont toutes mélangées.
Tu penses, encore et encore, à en donner mal a la tête à Astrée si elle voulait entrer dans ta tête pour mieux comprendre ta détresse.
Tu pense...
À ta naïveté, ton orgueil.
À la douleur et à l'obscurité froide qui t'avait saisi.
À ces trois types dans la rue.
Au message sur ton com.
À tes blessures qui saignaient encore et encore.
Qui ne guérissaient pas.
La fin d'une invincibilité.
Le tout dans une confusion sans nom.

Et finalement, tes mots sortent. Rapidement, comme une seule ligne sans pause.

- Je. Hier soir. Le voeu. Il n'a pas fonctionné. Pas du tout.

Au final, le plus important avait été dit, mais est-ce que cela avait été compréhensible ?
Tu t'arrêtes de bouger, de faire des petites pas à gauche et à droite, pour poser tes mains sur le bureau d'Astrée. Tête baissée, tes cheveux cachent ton visage. Tu constates seulement maintenant que l'élastique qui les maintenait un minimum sur ta nuque avait du glisser à un moment où à un autre, car ta chevelure s'éparpille plus que d'habitude.

- J'ai été trop sûr de moi et j'ai merdé.

Cela résumait bien tes sentiments en ce moment.

Tu te forces à respirer le plus calmement possible. Il le fallait. C'était une nécessité, malgré la chaos dans ton esprit. Astrée se veut rassurante, mais également inquisitrice. Tu comprends qu'elle veut ton bien, que tu es chez toi, que tout va bien. Tu passes la main dans tes cheveux en relevant la tête vers elle, pour les remettre en arrière. Tu déplores une seconde la perte de l'élastique qui les retenait, mais ce n'est qu'un détail insignifiant. Ton sourire apparaît enfin sur ton visage. Il est doux, mais fade en même temps. Amer, comme ton humeur.

On allait devoir jouer comme avant le voeu. On l'avait déjà fait, on pourrait recommencer sans aucun problème. C'était juste déstabilisant de se retrouver sans cette protection qui vous rendait tout puissant. Et puis, pour savoir que c'en était fini, il fallait bien que quelqu'un en paie le prix. D'un côté, tu préférais que ce soit toi plutôt qu'un autre, car à tes yeux, cela était moins dramatique.

- J'ai rien senti de particulier. Je ne sais pas depuis combien de temps on l'a perdu.

Sauf si elle voulait parler de ce que tu as ressenti en mourant : le froid, la douleur, la peur, l'obscurité, la solitude.
Cette maudite solitude pour laquelle tu as pris l'habitude d'être accompagné, pour la fuir. Cette solitude qui t'a rattrapé en se jouant de toi. Tu frissonnes un instant, détournes le regard. Tu te sens soudainement mis à nu en te disant qu'elle devait tout lire en pour mieux comprendre. Car il y a des choses qui sont difficiles à exprimer.
Comme ce que tu ressentais.
Tu lui es reconnaissant d'être si douce avec toi. Cela te fait du bien, te touche et apaise tes pensées. Ton corps se détend un peu alors que tu pousses un soupir.

- Pas très bien, je t'avoue.

Mais elle devait s'en douter.

- C'était peut-être personnel. Ou pas. Je dois creuser.

Mais pas maintenant, tu n'es pas en état. Tu devais te reposer, car tu n'arriverais à rien pour l'instant. Sauf que c'était plus facile à faire. La corrélation entre le message sur ton com et le moment de l'attaque. Comme un message, une ironie. Si tu avais répondu aux messages précédents de ton frère, que ce serait-il passé ? Était-ce lui qui essayait d'avoir ton attention ? Ou simplement quelqu'un d'autre parce que tu avais volé une nuit avec sa copine ? Ou un ennemi des AS qui vous testait ? Trop de questions sans réponse cognaient encore et encore.

- Même si tu me dis ça, je me sens quand même coupable. Comme si j'aurai du être plus fort. Ou ... je sais pas.

Alors que tu en avais emporté deux avec toi, ce qui n'est pas rien.

Astrée te tendit un élastique que tu regardas une seconde avant de finalement le prendre. Tu t'attachais les cheveux rapidement, un peu comme à ton habitude, pour que ta chevelure te dérange moins. En même temps, tu écoutais ses propos. Sa voix et sa présence étaient rassurantes. Elle te donnait aussi la marche à suivre pour t'aider à organiser la suite pour attraper ceux ou celui qui t'avait fait ça, trop perturbé que tu étais encore pour y songer toi-même maintenant de façon cohérente. Tu essayais de ton côté de réorganiser tes pensées, tes sentiments, ta réflexion, de te remettre sur pied, en somme.

Le verre fut posé sur le bureau, en face de toi. Tu relevais le regarde vers Astrée, un mince sourire sur tes lèvres. C'est vrai que tu n'étais pas seul. Eux étaient là, bel et bien présents.

- Merci, Astrée.

Autant pour le verre que tu pris enfin en main que pour sa compagnie et ses paroles réconfortante. Avalant cul sec le whisky servi, tu sentis l'alcool s'écouler dans ta gorge, se répandant en une chaleur agréable dans ta gorge et ton ventre. Tu reposais le verre avant de te relever. Bouger, ne pas être inactif, cela t'aiderai aussi, tu en étais persuadé.

- Est-ce que je peux te demander de prévenir Caelus ?

Je n'avais pas le courage à ce moment précis de raconter une nouvelle fois ce qui s'était passé, même si...

- J'irai voir Vega de mon côté.

En allant vers lui, il me demandera sûrement aussi de m'expliquer. Au moins, devrais-je le faire une fois de moins.

- Je vais te laisser, si tu n'y vois pas d'inconvénient. Tu as sûrement beaucoup à faire... Et je te donne encore plus de tracas... Je vais essayer de me reposer de mon côté.

Tu t'approchais d'elle d'un pas ou deux pour la prendre dans tes bras, comme tu l'aurais fait en temps normal. Sauf que quelque chose n'allait pas en toi quand tu le fis. Tu mis rapidement fin à ce contact, sans comprendre ce qui se passait en ton être, pour ensuite t'éclipser.