S'il te plait. Le ton suppliant a plus d'effet que prévu. Tu regardes autour de toi, autour de vous pour t'assurer que personne ne peut vous surprendre. Samael incarne désormais cet interdit séduisant duquel il est difficile de se détourner. Ses bras s'enroulent autour de ta nuque, tu glisses une main difficilement dans son pantalon, caresses les rondeurs moites de son caleçon. Susurres d'une voix plus rauque que d'habitude.

— « J'espère que tu te sens d'être rapide. »


Le poignet engourdi et le visage marqué par l'effort, c'est le moment de se demander avec recul par quel sortilège tu te retrouves par la deuxième fois dans ce genre de situation. L'influence qu'il gagne sur toi est aussi plaisante que nocive. Tu te laisses prendre à son jeu sans voir que jour après jour il te fait dépasser tes propres limites.

Tu te laves les mains et replaces tes mèches blondes dans le miroir.

— « Si elle est encore là c'est un miracle. »

Tu te retournes vers lui, évitant son regard.

— « J'y vais le premier. Rejoins-moi dans deux minutes. »

Tu ne lui laisses pas le choix et sors des toilettes, rentrant dans un serveur au passage dans ta précipitation.

— « Désolé. »

Et quand tu te redresses tu vois son visage un peu crispé qui te fixe, toujours assise, le nez relevé de son com. Tu tires ta chaise, le sourire figé et le malaise que tu essaies de dissiper.

— « Je ne me sentais pas bien. Pardonnez l'attente insoutenable que je vous ai fait subir. »

Elle ne semble pas convaincue mais n'en montre pas trop les signes.

— « Votre ami est parti vous aider ? »

Tu déglutis, les mains sur les cuisses. Tu récupères ensuite la serviette pour la plier méthodiquement.

— « On peut dire ça. Mais ce n'est pas mon ami. »

((C'est plus que ça))

— « Je devrais peut-être rentrer alors si vous ne vous sentez pas de continuer la soirée. »

Samael qui arrive dans ton dos. Tu ne sais pas jusqu'où il a entendu et tu ne veux pas lui laisser la chance de te confronter. Tu en as assez bavé pour aujourd'hui.

— « Je vais vous raccompagner chez vous. Une femme seule par ces temps, on ne sait jamais. »

Et tu te lèves pour aller payer, les laissant seuls un instant. A croire que c'était ta plus (bonne) mauvais idée.

— « Vous croyez que je ne vous voie pas ? Vous avez une très mauvaise influence sur Mr. Cooper. Cessez de le harceler. »

Depuis la caisse, tu les surveilles d'un oeil méfiant et curieux. C'est maladif, cette volonté de toujours tout vouloir contrôler. Tu serres le poing pour articuler tes doigts encore engourdis. De loin, tu crois entendre que Samael propose à Molly que son chauffeur vous raccompagne. Comment s'assurera-t-il de rentrer, lui ? L'échange avec le serveur t'empêche d'écouter la suite.

De leur côté, Molly hausse un sourcil presque outré. Elle est sceptique, même carrément amère. Elle qui espérait passer une soirée à deux avec son patron, elle ne supporte pas qu'un gamin puisse s'imposer avec une telle attitude.

— « Ne jouez pas à l'idiot avec moi jeune homme. J'ai eu votre âge avant vous, et je sais que la fougue nous rend vite envahissant. »

Elle n'aime pas du tout ce qu'elle voit, et encore moins ce qu'elle constate. La façon dont Samael parle de toi, abuse de toi.

— « Je vais rentrer volontiers, oui. Mais je me souviendrai de votre impolitesse et de votre arrogance. Monsieur Cooper s'en apercevra bien vite, lui aussi ! »

Elle tourne les talons, la tête haute et le sac sur l'épaule. Tu jettes un dernier regard à Samael, le toisant comme pour lui demander silencieusement quelle connerie il a pu encore dire - avant d'emboiter le pas de ta secrétaire. Dans la voiture, elle ne parle pas beaucoup. Lorsqu'elle essaie de s'exprimer, elle est confuse et triste. Tu ne sais pas quoi dire pour la rassurer, aussi froid qu'une tombe. Après tout, vos rapports sont strictement professionnels.

Devant chez elle, elle te regarde langoureusement pendant dix bonnes secondes avant de te souhaiter la bonne nuit. La porte de l'immeuble claque et tu décides de marcher jusqu'à chez toi. Quinze minutes plus tard, une voiture s'arrête et la silhouette de Samael s'en extirpe. Tu claques ta langue sur ton palais, agacé.

— « Combien de voitures as-tu à ta disposition ? »

Tu fronces les sourcils.

— « Peut-être bien que tu me harcèles, oui. Tu es encore là à ce que je sache. »

Toujours dans tes pattes, comme si vous ne deviez faire qu'un.
Tu reprends ta route sans l'attendre, les mains dans les poches de ton manteau.

Tu avances et accélères un peu le pas, inconsciemment peut-être pour le semer un petit peu. Mais Samael te rattrape vite et tu ne sais que dire face à ses revendications, face à ses complaintes. Il n'aime pas Molly, elle lui aurait mal parlé. Qu'en penser ? Tu fixes devant toi, tournes à l'angle sans prévenir avant de te racler la gorge. Samael te fait penser à un adolescent capricieux qui aurait du mal avec l'autorité et la critique.

— « Toi ? Adorable ? Laisse-moi en douter. Peut-être que ton jeu d'acteur n'a pas fait mouche. »

Tu ne l'encenses pas, mais ne le contredis pas non plus. Vous vous engouffrez tous les deux dans une rue plus résidentielle. Vu l'heure, les lampadaires éclairent un désert humain.

— « Mais vas-tu cesser de te plaindre ? Tu me casses les oreilles, Moore. »

Va-t-il continuer de te suivre longtemps ? Tu dépéris, Cecil. Pourtant dans l'intimité du silence bercé par vos pas sur les pavés, tu glisses ta main à son poignet pour le tenir prêt de toi, et ce, sans le regarder.

Le silence et le paisible des lieux est vite souillé par un compliment à peine murmuré. Tu ne sais pas comment réagir, resserres un peu la prise de tes doigts à son poignet. Ton visage se teinte d'une jolie couleur rosée, c'est qu'il a le chic pour te mettre dans tout tes états en un quart de seconde. Ça t'agace d'être aussi vulnérable quand il est dans les parages. Suis-moi je te fuis.

Tu ne comprends pas s'il se moque de toi ou s'il perçoit vraiment ta beauté. Mais évidemment que son regard est important. Tu ne peux le nier ! Venant de lui ça n'a pas le même effet que dans la bouche de Molly. Tu le sens se coller un peu plus.

— « Pourquoi tu me poses la question alors que tu n'as clairement pas l'intention de partir ? »

Puis à mesure que vous vous rapprochez de ta résidence, tu te serres un peu plus au bord du trottoir. Tu lèves la tête vers les lumières qui scintillent aux milles fenêtres des immeubles environnent et réfléchis à sa question piège. Fuis-moi je te suis.

— « Le silence. »

Tu tournes la tête vers lui et t'arrêtes brusquement. Tu ne prêtes même plus attention aux alentours - pourtant le danger guette et Seth surveille surement au travers de ses caméras.

— « Tu ne devrais pas être là. Tu ne devrais pas me suivre comme tu le fais, sans te soucier des conséquences. »

Tu voudrais pouvoir lui hurler à quel point tu es dangereux - et pourtant une partie de toi craint qu'il s'éloigne à jamais. Il pourrait bien être le premier à accepter et valoriser ta véritable nature.

— « Tu es parfait. Si seulement tu pouvais être un peu plus mature. »

Il veut t'inviter au restaurant. C'est lâché naturellement et c'est tellement hors propos que ça te décontenance. Tu serres les dents et tournes les talons, furieux d'avoir été ainsi berné. Il n'est pas parfait, il est affreusement remarquable.

— « Suis-moi et arrête d'ouvrir la bouche, par pitié. Tu dormiras sur le canapé et nous irons au restaurant une autre fois. »

Evidemment... Il a beau ne pas devoir être là, il est là quand même. Samael semble amoureux du danger, et vraiment piqué. Tu mentirais si tu lui avouais être indifférent à son égard (à son regard). Ses yeux qui dévorent les tiens, tu ne peux pas t'en détacher pendant plusieurs longues secondes. Enfin, tu déglutis et te tournes pour continuer ton chemin.

— « Des exemples ? J'en aurai des tas. Pister mon téléphone pour venir me retrouver, me suivre aux toilettes. Te filmer avoir des ébats sexuels, par l'amour de dieu ! »

Rien que d'y repenser, ton coeur s'affole. Puis c'est enfin le silence, Samael ne conteste pas. Vous rentrez à pieds jusqu'à ton appartement. Tu espères que Blanche (pour une fois) se terre chez Ace Maxwell. Tu ne sais pas si tu assumerais même devant ta soeur que tu fréquentes Samael Moore. De plus, leur proximité (tu lis les messages qu'ils s'échangent) te met mal à l'aise.

La porte claque et tu retires ton manteau, ouvres le placard pour le ranger puis tends le bras pour qu'il te donne le sien.

— « C'est presque effrayant quand tu tiens ta langue. »

Ce n'est pas naturel. Mais soit ! Tu ne vas pas non plus lui donner l'occasion de pointer avec allégresse tes contradictions.

— « Mais ce n'est pas pour me déplaire. »

Tu sors ton téléphone pour vérifier la géolocalisation de Blanche. Bien, son téléphone n'est pas ici.

— « Tu veux que je t'installe un petit coin dans la penderie ? »

Grand sourire, tu es d'humeur à te venger.
De bonne humeur à le martyriser.

Cecil. Tu hausses un sourcil, concentres ton attention sur lui de nouveau pour l'écouter. Il est calme quand il t'accule, quand il met en lumière tes paradoxes. Tu te sens piégé, jugé, jaugé. Et par conséquent tu n'aimes pas du tout. Tu préfères quand il est stupide et influençable. Quand tu peux le manipuler aisément pour qu'il se range dans ton camp (qu'il se soumette). Tu fais claquer ta langue sur ton palais.

— « Tu mélanges tout. »

Il s'approche pour glisser ses mains autour de ton bassin. Les bras le long du corps, tu restes immobile, la tête un peu relevée. Tu fixes le mur par dessus son épaule et frissonnes. Son parfum est si puissant qu'il t'hypnotise.

— « Ça dépend. Tu préfères le lit ou la penderie ? »

Tu étires un sourire narquois. C'est qu'il te donne des idées, maintenant. Tu l'entraines avec toi dans la chambre. Elle est comme à son habitude impeccablement bien rangée. Aussi froide qu'impersonnelle. Tu traverses la pièce pour rejoindre une commode en bois vernis et en sors des couvertures propres.

— « Alors, viens. »

Tu ouvres ta penderie, fais couiner la porte au ralenti.

— « Ça te rappelle des souvenirs ? »

C'est lorsqu'elle est ouverte qu'on peut remarquer les traces de griffures contre le bois. Un souvenir agité que tu n'as pas pris le temps de colmater.
Tu jettes les couvertures à l'intérieur.

— « C'est ta niche, maintenant. »

Et la tienne aussi si tu décides d'y aller avec lui.

Il n'a pas l'air vraiment là. Il est ailleurs, pensif. Et quand il est comme ça il ne t'appartient pas vraiment. Tu perds lentement ton sourire en le voyant s'offusquer de la sorte. Il n'a pas le mordant de d'habitude. Il n'est plus en symbiose avec toi et ça te heurte. Tu te sens incompris et jugé dans ta propre maison. Et ce n'est pas acceptable. T'es tellement piqué que tu peux pas t'empêcher de répondre avec méchanceté :

— « Oui. »

Tu t'accroches nerveusement à la porte de la penderie, la faisant grincer en la poussant, la tirant, la poussant, la tirant. Tu finis par lâcher la porte et passer à côté de lui.

— « Tu n'es pas amusant. Je me demande bien pourquoi tu es là. »

Tu sors de la chambre, faisant jouer la carte de la culpabilité toxique comme seule arme possible en cet instant. Tu ne peux pas l'abimer... Tu ne peux pas le toucher... Alors tu le punis autrement.

Tu te glisses derrière le comptoir de la cuisine ouverte, ouvres le frigo pour chercher quelque chose à boire. Tu sors une bouteille de lait et te verses un grand verre. Tu ne lui proposes pas. Descends le verre d'une traite, un peu salement. Des perles de lait coulent le long de ton menton, viennent tâcher ta chemise.

— « J'ai putain de chaud, pas toi ? »

T'as surtout grave la haine.

Comment ça tu cherches les problèmes ? T'as pas le temps de demander (ni même de réagir) qu'il sort son com pour te prendre en photo. Tu t'empresses de t'essuyer la bouche avec le dos de ta main, fronçant les sourcils d'embarras. Tu te colles un peu plus au plan de travail, le regard perçant. T'as vraiment chaud, tu mens pas... Encore plus quand il vient se coller à toi. Tu protestes de petits bruits rapidement étouffés par son baiser.

Arrête d’être beau putain.
Tu t'empourpres, non sans essayer vainement de sourire.

— « Et toi, arrête de mentir. Je t'ai déjà dit que je n'étais pas beau. »

Tu sais que tu parles à un mur sur cette question. Samael te trouverait beau et le déclarerait quand même au monde entier, même si tu portais un sac poubelle sur la tête et un simple short rose pour cacher ton intimité.

— « Quoi ? »

Tu as bien entendu ?
Tu clignes des yeux Cecil, papillonnes des cils. Ton coeur s'accélère à mesure qu'il se colle à toi. Tu déglutis, attrapes sa tête pour venir entremêler tes doigts dans ses cheveux bouclés. Tu le forces à se pencher en avant, pour que ses lèvres puissent effleurer le creux de tes clavicules.

— « Commence par me nettoyer mieux que ça, alors. »

Tu l'incites à lécher les résidus de lait sur ta peau, serrant un peu plus ta prise pour le punir d'avoir osé croire que ça serait acceptable de te mettre en fond d'écran de son téléphone. Jamais de la vie.

— « Et après on ira se coucher. »

Dans la niche, donc.

— « Une objection à ce propos ? »