L'apocalypse évitée, t'avais méritée une bonne nuit de sommeil. Une vraie nuit, comme t'en avais pas eu depuis longtemps. Dans un lit, avec des draps propres et un matelas confortable, en position couchée, fesses bombée, tête dans l'oreiller. Qu'il est bon de dormir à poings fermés pendant que la ville continue de vivre au loin. Le quartier dans lequel Swan vous a installé est aussi mort que l'est sûrement ta grand-mère dans sa tombe. Où sont les bars, les restaurants de burger, les dealers au coin de la rue ? Où est le chaos ?

Le bras pendouillant dans le vide, tu sens une voix au loin qui t'appelle. Tu bouges tes phalanges, le bout des doigts effleurant le parquet. Grognes contre l'oreiller. Tu baves sur le tissu de la taie et tournes légèrement la tête pour libérer ta bouche.

— « Casse-toi Popeye. Olive est en train de pioncer. Et elle rêve d'autres olives bien fraiches. »

Mais t'as pas besoin d'ouvrir les yeux pour sentir sa présence. Tu râles et te redresses, le drap glissant contre tes fesses.

— « Putain. Pourquoi on est en coloc' déjà ? Ah oui, je me souviens. Parce qu'à cause de toi j'ai plus mon bel appart. »

Clairement dans l'abus. Celui-là est tellement plus grand et spacieux.
Tu te lèves, ignorant le fait que tu es totalement nu face à lui. Tu attrapes un caleçon pour l'enfiler en baillant.

— « J'ai envie d'une clope. »

Tu sors de la chambre en le bousculant.

Tu relèves pas quand il t'intime de pas sauter tout ce qui l'énerve. Qu'est-ce qui l'énerve ? Ce que tu sautes ? Ou le fait que tu sautes ? Il n'est pas clair Callum quand il parle... la communication ce n'est définitivement pas son truc. Tu étires un sourire glacial à son encontre avant de lui tourner le dos pour rejoindre l'immense pièce à vivre. Les parties communes sont spacieuses, ça vous change de la cage à lapin dans laquelle vous étiez depuis plusieurs mois, ça change de la prison, ça change du bordel chez les AS, ça change de la cave de Ceres et de celle des BB. Ça change tout.

— « Ma faute ma faute... Toujours ma faute... Change de disque Quinn. A t'entendre tu es la malheureuse petite victime de mes machinations. Qui a tiré sur Ceres et a attiré cette bande de loups dégénérés sur nous ? »

Tu te joues de son absence de sang-froid. Le torturer est devenu la seule manière de tromper l'ennui dans ces quartiers insipides. Tu ouvres les placards à ton tour, constates qu'il a raison.

— « Vide. Vide ! TOUT EST VIDE ! »

Tu pestes et serres les poings, les bras le long du corps. T'as tellement la dalle que t'en as mal au bide.

— « Je te suis. J'ai les crocs. »

Mais tu vas pas sortir dans cette tenue. Tu le bouscules de nouveau (faut dire que cette grosse brute est dans le passage) pour rejoindre ta chambre. Tu enfiles désormais le seul vêtement qu'il te reste.

— « J'aimerai aller récupérer des affaires à l'ancien QG. »

C'est peut-être une mauvaise idée mais qui sait ? Tu aimes les mauvaises idées.

— « Mais soit, allons d'abord manger un burger. Et tu conduis. »

A chaque réflexion tu lèves les yeux au ciel. Ce que Callum Quinn est susceptible ! Sourire fourbe maquillé sur les lèvres, tu te mords la joue en roucoulant, insolent. Il est PEUT-ÊTRE vrai que tu t'arranges toujours pour semer le chaos partout où tu vas, que tu fais exprès de ne pas comprendre les conséquences de tes propres actes alors que c'est délibérément que tu les provoques. Tu adores le rendre fou - mieux, qu'il se pense fou !

— « J'enverrai un message à Swan pour qu'il récupère nos affaires. Après tout, il passe inaperçu et l'appartement est peut-être sous surveillance. Ça lui fera du travail à ce bâtard. En dehors de celui de nous tenir en laisse comme ses petits chiens. »

Tu craches dans l'évier puis inspires profondément pour te calmer. Heureusement que la modération (absente et fictive) de Callum suffit à t'apaiser. Il va voler un véhicule. Parfait. Tu n'attendais pas moins de lui. Tu ne veux pas marcher jusqu'au quartier suivant.

Les mains dans les poches, tu attends qu'il pille la moto d'un inconnu, puis montes derrière lui pour qu'il t'emmène dans votre restaurant préféré.

— « Voyez-vous ça... »

Annonces-tu dès que tu passes la porte du fast-food.

— « On dirait presque tu m'emmènes en date, Quinn ! »

Le manque commence à se faire ressentir, au vu comme tu transpires. La différence de température est rude à supporter, et c'est la tête qui tourne que tu t'assois vulgairement à une chaise. Tu ne commandes pas, considères que tu voleras dans le menu complet de Callum. Cet abruti ne compte pas dévorer la carte à lui seul ?

— « Quel était le compte des morts la dernière fois ? Ah oui ! Le serveur réduit en miettes, les civils... Les civils ? Les civils. »

Tu soupires, le patron vous surveille. Qu'est-ce qu'il va faire ? Appeler la milice ? Non, il va gentiment vous servir en priant pour que vous vous teniez tranquille.

— « C'est LONG ! Plus vite ! »

Tu tapes du pied sur le sol.

— « Je me languis de ce goût si juteux dans ma bouche, ah. »

Tu réalises très bien le tendancieux de ta phrase. Tu le regardes.

— « Et toi ? »

Quand il répond à ta remarque provocatrice, tu étires un sourire salace et ne le quittes pas des yeux. Ça t'amuse qu'il réponde, ça t'amuse qu'il joue avec toi. Tu te détournes de lui seulement quand on vous apporte la nourriture. Le serveur a les bras qui tremblent (tu remarques la finesse de ses poignets) quand il dépose les plusieurs plateaux devant vous, tous remplis à ras bord des éléments de la carte. Tu fais exprès de l'ignorer, et c'est seulement quand il tourne les talons que tu glisses ta jambe sur le côté pour lui faire un croche-pied. Le pauvre s'étale par terre et le patron passe sa tête au travers de la petite fenêtre de la cuisine, celle qui donne sur la pièce à manger.

— « AH NON ! Vous allez pas recommencer ! Je vous préviens, j'ai un contact chez les AS, si vous m'emmerdez je les appelle pour vous botter le cul ! »

Tu pouffes de rire et lèves ta boisson pour trinquer à leur honneur.

— « Qu'ils viennent ! »

Marmonnes.

— « Ça nous fera un joyeux spectacle. »

Callum s'est déjà jeté sur la bouffe comme un affamé. Tu sirotes bruyamment sous les gémissements plaintifs du serveur ayant embrassé le carrelage, puis chopes une frite par une frite, les croquant avec subtilité et délicatesse.

— « Hm ? »

A la question de ton complice, tu réfléchis. Qu'est-ce qui lui prend de se demander ça, d'un coup, maintenant ?

— « J'sais pas. Les évènements sont partis en couilles. C'est Ceres qui a proposé de venir avec moi si je l'épargnais. Elle m'a pris la tête... j'ai pas eu trop le temps de réfléchir. »

Tu fais craquer ta nuque.

— « Le tuer c'était pas trop mon objectif. »

T'en dis pas plus, toujours l'expression insolente et mystérieuse au visage. Tu tapes du poing sur la table soudainement.

— « GARÇON ! »

Le chef tourne la tête vers vous au loin dans sa cuisine (tu le vois vous surveiller dans sa petite interstice) et tu lui fais coucou. Le serveur reste à une certaine distance, vous demande ce que vous voulez.

— « Cinquante balles si tu me fais un massage du dos. »

Il a l'air un peu terrorisé, surtout confus. Pourquoi est-ce que tu lui ferais une demande aussi absurde.

— « Alleeeez. »

Il retourne en courant dans l'arrière boutique et tu soupires. Voles un burger sur la pile de Callum et en fourres un gros morceau dans ta bouche. A mesure que tu mâches, tu lui demandes.

— « Achors... Cha t'exchites non ? »

Tu t'étrangles dans un rire étouffé par tes déglutitions. C'est vrai que ces burgers sont excellents, putain. Ça te ferait chier de perdre cet endroit. Si vous refaites un carnage, il y a moyen qu'il ferme définitivement. Il va falloir vous contenir cette fois-ci... Pour Callum tu pourrais faire l'effort. Mais tu ne promettras pas, il y a toujours l'éventualité d'un craquage.

— « Décidément Quinn... »

Tu glisses la paille de la boisson entre tes lèvres, aspires bruyamment sans le lâcher des yeux.

— « Aaaah... Un grand romantique. »

Tu lui donnes un coup de pied sous la table, soudain d'avantage outré qu'excité. Tu cognes son genou et relèves le menton.

— « Ça serait bien qu'on inverse les rôles non ? T'en as pas marre d'être rigide comme ça ? Tu devrais te laisser aller, je suis un très bon coup même derrière. »

Hausses les sourcils.

— « Ou devant, c'est comme t'es à l'aise mon ami. »

Tu t'ennuies, tu sais déjà qu'il répondra pas. Callum est passé de la brute sans saveur à un gentil petit donuts. Malléable et soumis. Tout tes caprices sont des ordres, et même le reste fait désordre. Tu lui voles un deuxième sandwich, mets quelques secondes à réfléchir à ta réponse. Avant de parler de sexe, vous parliez de chaos.

— « Les BB ne m'intéressent plus. »

Tu sais déjà que Ceres n'y restera pas. Pas après tout ce qu'il s'est passé.

— « Et ils ne l'intéressent plus à elle non plus. J'irai où elle ira. C'est ça l'amour non ? »

Penches la tête avant d'éclater de rire.
Tu n'es pas amoureux de Ceres. Sûrement que tu le seras jamais. C'est elle que tu veux faire chier au final. Elle, lui (Callum).

— « Les CG, les CC... Mon nouveau terrain de jeu. »

Et sous la table, tu lui fais du pied.

— « Mais tu me suivras quoi qu'il arrive hein ? »

Tu éclates d'un rire sardonique quand il reparle du bon vieux temps... Ah... C'est vrai que cette nuit-là était dantesque. Le poison une idée de génie comme il t'en arrive souvent ces derniers temps. Tu réalises que vos vies sont trop précieuses désormais pour les gaspiller sans raison précise - et que tes stratégies doivent se concentrer sur la domination et le chaos. Tu as des têtes à faire tomber, dommage que celles du staff soit aussi dans tes projets. Il n'y a qu'une seule chose qui t'importe désormais : on ne te volera plus ta liberté.

— « Moi j'ai la queue qui me démange, et pourtant je t'impose pas de me la sucer, hein ? Alors calme tes ardeurs Hulk, parce que ton haleine de bouledogue m'indispose. »

Ton sourire risible s'éteint d'un seul coup quand il refuse l'invitation. Tu hausses un sourcil, forces un rictus menaçant quand tu joues l'incompréhension.

— « Quoi ? »

Tu te gausses d'un rire mauvais et vexé.

— « J'ai du mal entendre. »

Tu reposes le sandwich, à moitié grignoté. Tu poses ton poing sur la table et le dévisages avec colère.

— « Allons bon... Qu'est-ce que je vois là, si ce n'est un gamin vexé et jaloux. C'est quoi le problème ? Tu souffres du fait que j'ai la vedette ? J'ai pourtant essayé de te mettre en avant tu sais Quinn. Si tout le monde te connait dans cette fichue ville c'est parce que j'ai toujours signé mes méfaits de ton blase. »

Tu vous désignes tous les deux du bout de l'index.

— « ON EST UNE TEAM ! »

Mais face à sa rage sourde tu repousses violemment la nourriture au sol pour t'accouder vulgairement sur la table.

— « Très bien, très bien. Je vais me démerder seul maintenant. J'irai tuer Cosmo Blum tout seul, d'abord. J'irai donner mon amour à quelqu'un d'autre. »

Vipère.

— « Quelqu'un qui le mérite. »

Et qui n'attend que ça.

Il n'avait pas suffit de beaucoup de mots pour que Callum explose. Comme d'habitude, le chaos génère le chaos. Tiré vers l'avant par une poigne de fer, tu ne te débats pas le moindre du monde, le regard vicieux et le sourire goguenard. Tu es amoureux de son charisme Duke, obsédé par sa colère. Quand il questionne tu réponds d'un simple rire dément :

— « HAHAHA. Bah quoi, Callum ? Il me fallait une couverture... et tu t'es toujours assuré de couvrir mes arrières. Alors j'ai présumé que tu me rendrais ce service volontiers ! »

Il te postillonne à moitié dessus quand il crache sa rage. Tu grimaces, il parle trop, trop vite, trop fort. Tu encaisses ses mots sans en comprendre le sens pour certains.

— « Ouaf. »

Ses doigts imprimés sur ta gorge, tu commences à suffoquer. Fermes à moitié les paupières dans un gémissement plaintif.

Il te repousse finalement. Tu retombes lourdement sur ta chaise, les pieds de celle-ci chevrotant vers l'arrière. La table vient te bloquer contre le mur, coupant ton souffle alors qu'elle heurte ta poitrine.

— « ENCULÉ JE VAIS TE FUMER. »

A le voir se lever, te tourner le dos comme s'il t'abandonnait... Tu repousses la table d'un élan capricieux. Tu grimpes dessus, t'accrochant au lustre pour te balancer et ainsi projeter tes pieds dans son dos. Tu le regardes s'étaler par terre, et te jettes sur lui pour le plaquer au sol. Des clients se mettent à crier, tu sors ton couteau pour le glisser sous sa gorge.

— « Tes affaires ? Quelles affaires ? Ose seulement te barrer et je les brule. »

Ton autre main parsème son dos de caresses, se heurte au cuir de son blouson.

— « J'en ai pas fini avec toi. »