@Cale H. Carrington

Tête haute, c'est d'un pas assuré qu'il déambule dans les rues du BB district. Il y est venu pour rendre visite à une de ses potentielles futures marchandise. Une pauvre jeune femme criblée de dettes qui ne s'en sort plus et qui ne trouve pas de boulot. Besoin d'argent rapidement, une chose mène à une autre, et bientôt, le désespoir fait qu'elle se jette dans la gueule du loup. Il lui avait dit de le rappeler quand sa décision serait prise et certaine, mais il ne doutait pas que d'ici le lendemain, il aurait une nouvelle prostituée à sa botte d'ici quelques heures.

C'est qu'il aurait des bonnes nouvelles à annoncer à Caelus lors de son rapport. Faut dire que les AS étaient au sommet du réseau de prostitution, qui rapportait pas mal. Récemment, de plus en plus de personnes le contactait pour devenir prostitué(e)s. Ce qui ne voulait dire que plus d'argent qui rentrait pour renflouer les caisses. Pandore n'acceptait pas tout le monde, cependant. Il n'était pas futé de s'enticher de ceux ou celles qui étaient trop hésitants, qui finiraient par vouloir partir et arrêter au bout de deux semaines. Non, il fallait investir dans des produits de long terme.

C'était si simple, presque trop simple. Personne n'est plus manipulable que celles qui sont dans des situations de vulnérabilité économiques ou sociales. La misère amène bien vite à l'acceptation des fatalités que, par le passé, on tente d'ignorer. Pandore était bien placé pour le savoir. Avec cette femme-là, il n'avait pas besoin d'utiliser sa faculté. Il lui suffisait de montrer à outrance l'argent qu'il possède, dans son beau costard avec un air professionnel, un joli sourire qui se voulait bienveillant, et des promesses à en faire tourner la tête.

Qu'est-ce que l'intimité du corps, pour des gens désespérés, contre la promesse d'argent et de sécurité ? L'honneur importe peu contre le rêve d'une vie meilleure. Pandore prenait soin d'établir des liens avec et entre ses marchandises. C'était là tout le secret. Plus la relation était amicale, positive, plus ses prostitués tenaient à rester dans le business. Il s'assurait que rien ne leur arrive, pour qu'ils et elles se sentent protégés, importants. Il leur offrait des verres, il était leur confident, une sorte de grand frère.

Cette partie-là, c'est ce qui scelle la manipulation de base. Parce que cette dernière était trop simpliste. Le désespoir est un bon outil à utiliser au début, mais il est important de donner un peu d'espoir par la suite. Il faut que ses sujets continue de croire à ses promesses, il doit leur donner un goût de bonheur. Et pour ça, il est important qu'il se montre amical et généreux.

Il s'arrêta dans sa marche, son attention capturée par quelque chose, du coin de son œil. Une sacrée beauté. Des courbes magnifiques, étincelante et qui attire le regard. Ce n'est pas une femme, qu'il a repérée, mais bien une moto, garée là. Sa curiosité prenant le pas, il s'en approche. Pandore n'y connaît rien en engins, mais il sait apprécier leur beauté.

Il avait, lui-même, depuis quelque temps le désir d'apprendre à en conduire une. Les sensations devaient être incroyables : le vent dans les cheveux, la vitesse addictive, ... En effet, c'était tentant. Il s'était aventuré à aller voir quelques courses, dans le public du cartel de courses de moto, il mentirait s'il disait que ça n'avait pas l'air extrêmement excitant. Vu l'apparence de la moto, elle appartenait certainement à l'un des membres du cartel.

En entendant des pas derrière lui, il se retourna, pour voir un jeune homme roux s'approcher. Il était familier de vue, probablement qu'il l'avait déjà vu de loin lors d'une course, ou bien au Sunset. Après tout, rares sont ceux qu'il n'avait encore jamais aperçus, au minimum une fois. La ville est grande, mais les clans se fréquentent tous plus ou moins, et les rumeurs tournent régulièrement.

" - Bonjour, elle est à vous ? "
Pandore demanda avec un air curieux, son regard alternant entre l'homme et la bécane, qu'il pointa du doigt.

" - Je regardais juste. J'aime beaucoup le modèle, elle en jette. "

Maintenant plus proche, Pandore remarqua que l'homme portait un sac, qu'il devina être celui contenant des viennoiseries, puisque l'inconnu était en train d'en savourer une. Il connaissait la boulangerie du coin, elle était simple, mais ce n'était rarement une déception. Peut-être qu'il irait, lui-même, un peu plus tard dans la semaine pour se prendre quelques gourmandises qu'il pourrait savourer.

Apparemment, il n'avait pas l'air de prendre mal l'intérêt que Pandore éprouvait pour sa moto, bien au contraire. Il lui offrit un sourire presque aveuglant. Ce type avait l'air d'un véritable soleil, contrairement à certaines personnes qu'il avait pu croiser. Non pas qu'il pouvait nécessairement les blâmer. Sur Mars, la méfiance était de mise.

Alors forcément, quand Pandore s'intéressait d'un peu trop près aux engins qu'il pouvait voir dans la rue, il n'était pas rare que certains le pense à deux doigts de commettre un vol. Ce n'aurait pas été la première fois qu'on l'aurait frappé pour cette raison, d'ailleurs. Il avait la fâcheuse manie de s'approche d'un peu trop près lorsqu'il voulait observer quelque chose qui piquait sa curiosité.

" - Oh, je vois, je vois... "
Il répondit, avec un ton qui trahissait son incertitude. Il est vrai, que s'il en aime l'apparence, et s'adonne parfois à les observer, il manque cruellement de connaissances sur le sujet. Il n'en savait que le minimum, le fait qu'il y ait différents types de motos, et voilà. C'était à peu près tout. Alors, avec un rire vaincu, il décida d'admettre.

" - Honnêtement, je n'y connais rien, vous parlez une autre langue, à mes yeux. Je suppose donc que les Daytona de chez Triumph sont de bonnes motos ? "
Il secoua la tête avec un rire. Il était bien loin d'un collectionneur. S'il devait juger une moto, tant qu'elle pouvait rouler, il dirait que c'est une bonne moto. Il trouve simplement l'apparence brillante et imposante agréable à regarder. La sensation, aussi, est enviable. Il adorerait savoir ce que cela fait, mais il repousse toujours à plus tard le jour où il trouverait la motivation de commencer.

Puis, il a bien trop de fierté pour accepter de monter derrière quelqu'un. Il préfère encore marcher.

" - Non, je m'y intéresse simplement. Je songe depuis quelques temps maintenant à apprendre à en conduire une, mais je n'ai pas trouvé encore d'instructeur qui me convienne. "
Ce n'était pas complètement vrai. Il n'avait pas du tout cherché. Mais ça, l'homme n'était pas obligé de le savoir. C'était toujours moins ridicule que d'admettre qu'il procrastinait. Pandore avait pour règle de toujours essayer de montrer le moins de faiblesses possible, sauf si bien sûr, ça l'avantageait. C'était une des tactiques qu'il employait parfois, pour embaucher ses prostitués, mais même alors, il jouait la comédie plus qu'il ne montrait une réelle faiblesse.

" - Pardon, j'en oublis les bonnes manières. Pandore, enchanté. A qui ai-je l'honneur ? "
Il demanda avec un sourire amical, curieux de rencontrer quelqu'un qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion de rencontrer auparavant. Son visage était familier, mais il n'avait certainement pas eu l'opportunité de faire sa connaissance ou de lui parler.

" - Vous la conduisez pour des courses ? Ou alors, vous êtes client du Sunset ? Je suis sûr de vous avoir vu quelque part, mais je ne peux pas mettre le doigt dessus. "
Se retrouver à faire ami-ami avec quelqu'un après avoir regarder une moto pendant un peu trop longtemps et avec un peu trop d'insistance était loin d'être ce qu'il avait prévu pour sa journée, mais il était de bonne humeur, et il était toujours utile de se faire des connaissance, dans cette ville. Après tout, le savoir, c'est la clef du pouvoir.

Non, vraiment, Pandore n'y connaissait rien. Outre apprécier l'aspect visuel, tout ce qu'il savait des motos, c'était que ça roulait, et que c'était, un peu, comme de gros vélos. Pas vrai ? Il a toujours manqué de connaissances sur les choses plus techniques. Pourtant, s'il se penchait dessus, il pourrait certainement apprendre. Après tout, il connaissait par cœur quasiment tous les mythes grecs, résultat d'une phase d'obsession intense sur le sujet lorsqu'il était plus jeune. Simplement, la mécanique, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui le passionne. Il voudrait juste pouvoir conduire et expérimenter la vitesse sur sa propre moto.

" - Oh, je vois, je vois. Je n'oserais pas voyons. Est-ce que des gens vous proposent vraiment de vous la racheter ? Le culot de certains ... "
C'était facile de voir que le type tenait à sa moto, avec le genre d'attachement que l'argent ne pouvait acheter. Enfin, il est vrai que c'était un peu hypocrite de la part de Pandore de s'offusquer qu'on puisse demander à acheter un objet qui appartient à quelqu'un qui y tient, alors que, lui, fait ça avec des humains. D'une certaine façon, il achète en quelque sorte la vie de ses prostitués, donc il n'est pas bien différent. Mais tout de même.

" - Elle est importante pour vous, ça se voit dans la façon dont vous en parlez. Faut être con pour penser que de l'argent vous convaincrait de vous en débarrasser. "
Il constata, avec un hochement de tête. Parfois, les objets peuvent prendre une valeur qui dépasse bien celle de simples pièces ou billets. Valeur sentimentale qui s'ajoute au fil des années. Dans le cas du rouquin, il avait mentionné qu'un ami avait travaillé dessus, ce qui la rendait probablement spéciale.

Pandore n'avait pas la capacité de lire dans les pensées, mais l'expression de l'homme suffisait à deviner son enthousiasme. Il semblait être quelqu'un d'assez expressif, facile à lire, quelqu'un avec qui l'amitié se fait toute seule, instinctivement. Les gens solaires comme ça, Pandore les appréciaient. Ils étaient rares, dans la ville, et l'étaient encore plus dans les gangs.

Il saisit la main tendue avec un sourire amical. Cale. C'était familier, il l'avait déjà entendu dans deux trois bouches. Certainement, que le dit Cale devait avoir pas mal d'amis, ce qui n'étonnerait pas le proxénète, vu son attitude et ses airs sociables. Il avait la conversation facile, était souriant, semblait amusant, toutes les qualités pour en faire quelqu'un d'assez populaire.

" - Oui, j'ai un petit job là-bas. C'est fort possible. Vous travaillez dans quoi ? Il y a moyen que je vous ai vu aussi au cartel. Je n'en fais pas partie, mais j'assiste à des courses de temps à autres. Ça a l'air exaltant, pour être honnête. "
Pandore remarqua le visage de Cale s'illuminer, alors qu'il semblait avoir une révélation. Un vrai soleil, Pan's aurait dû apporter ses lunettes aux verres teintés. Il l'observa avec une curiosité visible, qui se changea vite en surprise alors que l'autre continuait. Lui apprendre ? Un étranger qu'il venait à peine de rencontrer, qui lui proposait de lui donner des cours ?

Pourtant, l'idée ne lui déplaisait pas tant que ça. Au moins, il se retrouvait mit devant le truc, après des mois à procrastiner sa décision d'apprendre à conduire une moto. Puis, Cale avait l'air sympathique. Le genre qui serait peut-être assez patient pour supporter son niveau proche du zéro pointé.

" - Oh. Et bien ... Ce serait avec plaisir, mais je ne voudrais pas m'imposer ou vous déranger ? Il faudrait qu'on se mette d'accord sur un prix et tout ça. "
S'il devait lui prendre des heures de son temps, les payer était la moindre des choses. En tant que proxénète, il est bien placé pour savoir que lorsqu'un travail est fait, il doit être rémunéré, et ce, en fonction du travail fait et du temps passé.

" - En plus, j'ai un niveau catastro... Ouai, non. J'ai pas de niveau du tout, en fait. Je suis jamais même monté sur une moto avant, faut que j'apprenne tout depuis le début, et je ne suis pas certain d'être très doué. Vous allez vous moquer, c'est sûr ! "
Oui, il avait quand même une fierté, et peut-être qu'inconsciemment, c'est ça qui le faisait procrastiner autant le fait d'aller dans une école et d'apprendre. Légère flemme de se déplacer pour se faire rire au nez dès ses premières erreurs.

" - Et d'ailleurs, on peut se tutoyer ? "
Il demanda, avec un sourire. Oui, autant s'en faire un ami. Il avait l'air agréable.

Pandore sourit à la remarque. Qui était-il pour juger. Enfin, à moins de trouver un moyen de réduire la taille de l'engin, ça semblait quelque peu compliqué de l'enterrer avec lui. Mais ça le faisait aussi réfléchir un peu. Il ne pensait pas, lui, avoir un objet avec autant d'importance sentimentale.

Rien ne lui venait en tête, en tout cas, et il en était presque triste. C'était beau, dans le fond, d'avoir quelque chose d'aussi précieux que l'on ne peut envisager d'en être séparé, même après la mort. Mais comme le disait Cale, ce n'était espérons-le, pas pour tout de suite. Pandore avait encore le temps de trouver quelque chose d'important à ses yeux.

" - Mh, je suppose qu'en demandant à des professionnels, ça doit être faisable ! Ou alors, dans le jardin avec une pelle et de la patience, ni vu ni connu. "
Il ajouta sur un ton de plaisanterie pour, comme Cale l'avait fait, dédramatiser le sujet. Parce que oui, la mort, c'est pas un sujet joyeux. Pas le genre de sujet qui vient dans une première discussion non plus, d'ordinaire. Le proxénète ne songeait que peu à la mort, en vérité.

Quelque chose qui finira par venir, un de ces jours. Personne n'y échappe éternellement, pas même les Marsiens, bien que ces derniers soient plus chanceux que les Terriens sur ce sujet. Enfin. Ce n'était ni le moment, ni le lieu, pour remettre en question toute sa vision de la vie et de la mort.

" - Oh vraiment ? Je ne l'aurai pas deviné. Il faudra que je commande un de ces quatre, pour voir tes qualités de livreur ! "
Il eut un petit rictus amusé, en apprenant ça de son boss. Il lui en proposerait une, un de ces jours. En tout cas, c'est que ça lui mettait un peu l'eau à la bouche. Peut-être qu'il commanderait dans les jours à venir, même si Cale n'était pas celui qui le livrerait, une pizza, c'est toujours bienvenue.

Avec un regard, il observa Cale rapidement, se demandant si Caelus était déjà passé dessus. C'était rude comme façon de dire ça, mais les penchants aux aventures d'une nuit de Caelus étaient loin d'être secrets, et Cale était plutôt agréable à regarder. Alors, ça ne l'étonnerait pas vraiment.

" - Les accidents, ça peut arriver même en marchant après tout. "
Il ajouta, avec un hochement de tête aux paroles du rouquin. S'il ne pouvait vraiment savoir ce que cela faisait, il pouvait l'imaginer. L'expérience la plus proche qu'il avait était probablement de dévaler des pentes en vélo, mais même ça devait être bien insignifiant comparé à ce que Cale décrivait.

Pandore le voit secouer la tête en réponse à son interrogation quant à l'embêter, avant de sembler quelque peu surpris, lorsque l'homme au cheveux blanc aborde le sujet d'un salaire potentiel. Diminuer le prix selon le nombre de bleus ? La remarque le fit rire légèrement.

Il avait encore un peu l'espoir de pouvoir éviter de trop vilaines gamelles dès le début. Mais en étant réaliste, vu ses connaissances abyssales, la chance était plus contre lui, et il s'en prendrait certainement quelques unes avant de vraiment comprendre le fonctionnement de la moto et la bonne balance niveau équilibre.

" - Je vois, ça marche alors, on fait ça ! C'est sympa en tout cas, merci. Et honnêtement, j'en aurai bien besoin aussi, des petites roues. "
Il blagua, même si c'était à moitié vrai. Même le vélo, il n'avait apprit à en faire que très tard, avec un ami AS, puisque sa mère n'avait ni les moyens, ni l'envie de toute manière, de lui permettre d'apprendre à en faire.

Heureusement qu'ils avaient fait ça dans un lieu privé, parce qu'il n'aurait pas assumé qu'on le voit du haut de ses dix-neuf ans à l'époque, sur un vélo avec des petites roulettes, au début de son apprentissage. Bon courage après pour retrouver une image sérieuse et intimidante.

Une question d'équilibre qu'il disait ? Est-ce que Pandore a de l'équilibre ? Bonne question. Émotionnellement parlant, s'il dirait oui, la véritable réponse serait probablement non, mais laissez-le donc être dans le déni. Ce n'est de toute façon, évidemment pas de ce genre d'équilibre que le rouquin parlait.

Ce ne serait pas la première fois qu'il s'essayait à quelque chose qui nécessitait de l'équilibre. Il y avait eu le vélo, qu'il avait réussi à maitriser. Il s'était amusé à aller à une patinoire temporaire aussi, un jour, et après une bonne demie heure à avoir les jambes tremblantes, il s'en était finalement sorti.

" - Je vois, je vois... Avec un petit temps d'adaptation, ça devrait aller pour l'équilibre ! "
S'il s'agissait du sourire étincelant de son nouveau coach improvisé, de ses commentaires encourageants, ou le fait d'enfin concrétiser une envie qu'il avait depuis quelques temps, Pandore ne le savait pas, mais l'excitation montait en lui. Il prenait un peu plus confiance, et malgré un petit stress normal face à la découverte et l'apprentissage de quelque chose de nouveau, il avait hâte d'essayer.

" - Tu sais, pour quelqu'un dont c'est pas le métier, t'es doué pour rassurer ! "
Il ajouta avec un sourire, en l'observant sortir son com. Son numéro ? Bien entendu. Ce serait plus simple pour organiser tout ça. Après tout, c'était très random, très opportuniste. Tout ça venait d'arriver à base d'une simple rencontre dans la rue. C'était presque drôle au final. Avec un hochement de tête, il lui donna son numéro, demandant et prenant celui de Cale en retour.

La demande concernant son métier l'amusa, cependant. Soit Pandore donnait vraiment plus cette vibe qu'il n'en avait l'impression, soit Cale était plus observateur qu'il ne le laissait paraître. C'est qu'il n'était pas si loin de la vérité. Le milieu du hosting et de la prostitution se ressemblent, pourraient même être considérés les mêmes, simplement à des niveaux différents.

" - Pas de soucis, je ne travaille pas jusqu'à ce soir. Le Sunset s'active plus en soirée et la nuit qu'en journée. "
Certes il arrive d'avoir des clients en journée, mais ces derniers sont plus rares. C'est la nuit que la chasse s'ouvre et que le terrain s'élargit. C'est à la nuit que se prêtent le mieux les vices et péchés, parce qu'elle donne une impression d'être caché hors du temps, hors de la réalité qu'est la journée.

C'est pourquoi ceux qui trompent leur moitié avec une des prostitués de Pandore viennent plus souvent la nuit que le jour. C'est une façon pour eux de s'évader un peu de la culpabilité de la vérité qu'ils ne sont que des chiens sans loyauté.

" - Et pour ce qui est du métier... T'as le compas dans l'œil, c'est presque ça. Je suis rarement celui qui offre sa compagnie. "
Enfin. C'était plus nuancé que ce simple constat. Il offrait des services, mais la plupart du temps, ce n'était que de petites choses. Parce qu'après tout, ses prix sont les plus élevés, et que rares sont ceux qui peuvent se permettre de payer 800 crypts par heures passées en sa compagnie.

Mais, après tout, c'est normal que le boss soit plus cher. C'est jouer avec le fait que certains hommes aiment à retirer le contrôle des mains des autres. Rentabilité avant tout. Pandore n'en a rien à faire, il joue le jeu et leur donne cette impression d'être les gagnants.

Mais finalement, ce n'est pas une simple nuit pervertie qui enlèverait la moindre once de pouvoir ou de contrôle qu'a Pandore. Et puis, c'est lui qui empoche l'argent. C'est lui le véritable gagnant, à la fin de la partie. Être hôte aurait pu être amusant.

Mais loin d'être aussi satisfaisant et divertissant que d'être proxénète. Surtout de la façon dont lui l'était, avec le soutien de Caelus et du Sunset qui lui garantissait une réussite certaine. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils avaient si facilement prit la main sur le monde de la prostitution de Mars.

Pandore sort de sa rêverie lorsque Cale mentionne un casque. Oui parce qu'après tout, tout était très improvisé, impulsif, et Pandore n'avait pas le moindre équipement. Hormis la moto et le casque, évidemment, il ne savait même pas s'il y avait le moindre équipement nécessaire.

" - Merci. Est-ce qu'il faut des vêtements spéciaux ? Des protèges articulations, comme pour le roller ? Et pour la moto, il faudrait que j'en loue une je suppose ? Ou peut-être essayer de voir si je peux en acheter une vieille d'occasion, c'est faisable. "
En soit, ce n'est pas l'argent qui lui manquait, il pouvait bien se permettre ça.

Les baleines roses. Au début, il ne comprend pas trop. Et pis, avant même qu'il ne le réalise, il y pense, et se rend compte qu'il vient de donner raison au rouquin. Maintenant, il y pensait, aux baleines roses. Ce serait amusant à voir.

Non pas de toute façon qu'il en verrait, même si elles existaient, il n'avait même pas vu de baleines normales, encore. Il faudrait aller sur Terre, mais finalement, il s'était trop habitué à Mars pour se décider à faire un tel voyage. Surtout juste pour le fun, vu le prix du billet, il n'y voyait pas grand intérêt.

Mais Pandore comprenait la logique. C'est un peu comme les gens constamment trop négatifs, qui finissent par s'attirer les ennuis et ruiner leur propre vie parce qu'ils s'attirent la négativité. Le mieux, c'est de relâcher la pression et de faire le vide, de juste prendre les choses comme elles viennent.

Bon, est-ce qu'il pensera aussi de cette façon lorsqu'il aura le cul sur la moto, ça, il n'en est pas certain. Mais on verra bien, s'il arrivera à faire le vide, et à ne penser ni aux accidents, ni aux baleines roses.

" - C'est pas faux. J'avoue que j'ai écouté qu'à moitié, je suis encore bloqué à imaginer des baleines roses. "
Il plaisanta, même si ce n'était pas vrai, il avait bien tout écouté. On pouvait parfois dire de Pandore qu'il pouvait être coincé par moments, lorsqu'il se considérait en plein travail, mais la plupart du temps, il s'adaptait à ceux qui l'entourait.

Et être avec quelqu'un comme Cale, qui semblait amical, un peu excentrique mais amusant, c'était relaxant. C'est notamment l'une des raisons pour lesquelles il aimait tant les AS, d'ailleurs. Même s'il est de nature plus méfiant en règle général, ça fait du bien parfois, de juste profiter et s'amuser.

" - Après, la trottinette, c'est tout de suite moins badass que la moto. "
Pandore sourit en voyant les méninges de Cale visiblement tourner, au sujet de son métier. Mais puisqu'il n'en dit pas plus, Pandore garde lui aussi le silence sur le sujet. Autant laisser la question en suspens pour le moment. Ce n'était pas le sujet principal, de toute manière.

Il hocha la tête, regardant son com jusqu'à voir la notification, avec le nom et l'adresse du magasin. Il s'y rendrait certainement dans l'après midi. Mieux valait s'y mettre directement, où il risquait de remettre cela à plus tard, encore.

" - Oui, plutôt en après-midi. "
Parce que bon, il est humain. C'est bien connu que les AS, la matin, c'est pas les plus présents. Forcément, à force de faire la fête au Sunset, ça décale le rythme de vie. Ses prostitués ont parfois quelques clients de jour, mais c'est généralement assez calmes pour que Pandore n'ait pas à surveiller, comme il le fait la nuit, quand les clients sont plus nombreux. Alors, il avait tendance à plutôt dormir le matin, sauf quand il avait des choses à faire.

" - Oui, ça me semble parfait ! Et je n'en doute pas, puis, si ça me plais pas finalement, on pourra toujours aller se réconforter avec une pizza, ou un verre au Sunset ! "
Il répondit avec un sourire, à celui qui était certainement devenu un nouvel ami. S'il en jugeait par l'attitude du rouquin. Même si Pandore ne doutait pas vraiment que Cale soit probablement comme ça avec tous le monde.

Observant le sac en papier pendant un instant, il y plongea sa main pour en sortir une brioche. Ce serait mentir de dire que de voir Cale manger sa chouquette ne lui avait pas fait envie.

" - Merci, j'avoue que l'odeur était appétissante, depuis tout à l'heure ! Donc, on se dit dimanche, 15h... T'es sûr que ça te déranges pas, hein ? "