Tes yeux quittent les pages du livre pour venir se poser sur la porte. Alors que tu reposes le téléphone sur la table basse, tu hésites à répondre en l'entendant t'appeler. Cecil t'es revenu ? Tu te sens puissant. Tu perçois le désespoir et la détresse dans sa voix et tu jubiles. C'est bien fait penses-tu tout bas. Tu lui avais juré que ta vengeance n'attendrait pas.

— « Je ne suis jamais parti. »

Tu fermes ton livre d'un coup sec, faisant s'envoler un petit filet de poussière qui fait s'agiter tes narines. Tu attends qu'il te supplie peut-être, qu'il en vienne à renier sa dignité pour embraser ta propre fierté - et c'est une semi-récompense que tu accueilles, médusé. Samael Moore a miaulé.

— « Hahahaha ! »

Tu es tellement stupéfait que ta première réaction est de rire nerveusement. Tu passes une main dans tes cheveux, effleures du bout des doigts la peau cicatrisée de ta brûlure. Tu avances vers la porte que tu caresses.

— « Je vais m'en contenter. Pour cette fois. »

Le jeu semble terminé. L'excitation relative à celui-ci s'amenuise peu à peu, la pression de la compétition redescend. Tu débloques la chaise (dont tu observes un des pieds fissurés) et la pousses sur le côté. Tournes le verrou et ouvres lentement - la porte coulisse dans un couinement et tu observes son corps recroquevillé. Tu te pinces l'arête du nez en le voyant emmitouflé dans une de tes chemises.

— « Tu as l'air épuisé... Quel idiot aussi, pourquoi t'es-tu acharné sur cette maudite porte ? »

Tu te penches à croupis, toujours penché au-dessus de lui, et non sans mimer une grimace de dégoût, tu replaces une de ses mèches sombres sur le côté.

— « Si tu n'es pas un chien tu es quoi du coup ? Une petite chatte en chaleur ? »

Tu lui accordes un sourire doux et chopes son bras pour le tirer vers toi.

— « Tu ne vas pas rentrer maintenant, je dois te soigner. »

L'extirpes de la penderie, Cecil. Difficilement tu arrives à le hisser sur ton lit, attrapant le couteau pour le projeter dessous. Tu l'installes fermement en le glissant sous la couette.

— « Tu restes sage ? »

Il a plutôt intérêt s'il ne veut pas y retourner.

Il semble avoir des choses à dire, grignoté par l'arrogance et l'impertinence. Et pourtant il se laisse faire quand tu l'agrippes pour le mettre au lit. Tu aurais aimé qu'il pousse sur ses pieds pour t'aider, car avec ta faible force tu es rapidement essoufflé au moindre effort, mais l'adrénaline n'aura de cesse de t'étonner.

— « Tu seras tout ce que je te dirais d'être. »

La voix teintée de miel susurre à son oreille. Quand tu le bordes, tu donnes l'impression de l'emprisonner de la couverture. Tu remontes ta main à son visage, la paume effleurant sa joue. Ça te procure des frissons, jusqu'à la naissance de ta nuque, alors tu recules de deux pas pour imposer une certaines distances.

— « Je vais te les enlever à la pince. »

Tu disparais un instant dans la salle de bain, reviens comme annoncé avec une petite pince à épiler (volée à Blanche) que tu fais jouer entre tes doigts. Tu tires un tabouret pour t'assoir au bord du lit.

— « Hm ? »

Un regard vers la ceinture pliée sur ta commode à côté de toi. Tu hausses les épaules, bien qu'il ait réveillé tes élans sadiques.

— « C'était pour te faire une jolie laisse. »

Tu poses un regard sérieux et intense sur lui. Glisses ta main sous la couette à la recherche de la sienne (effleures ses cotes avant de choper vivement son bras). Tu la poses sur tes cuisses et t'appliques pour ôter les épines une à une - sans douceur.

— « Mais je garde ça pour plus tard. »

Tu hausses un sourcil et relève les yeux pour le dévisager, sévère. Tu tiens un peu fermement sa main, écartes ses doigts avec force pour l'immobiliser - ainsi te faciliter la tâche pour ôter les échardes. Déglutis et louches sur la ceinture, sur lui, sur la ceinture. La tentation devient tellement grande qu'elle se caractérise par des fourmillements dans le bas de ton corps. Tu tapotes nerveusement du pied sur le sol et agites ta jambe pour passer la sensation.

Elle est ou Blanche ?
Tu te figes, reposes lentement la paume du pied sur le sol et plisses les yeux. A mesure de ses questions, tes doigts écrasent un peu plus les siens - lui faisant délibérément mal. Tu n'aimes ni son ton ni ses insinuations.

— « Je te demande pardon ? »  

Ecrases, encore, encore. Jusqu'à lui broyer les articulations.

— « Pourquoi JE te fais ça ? Oh... Hahaha... Mon pauvre Samael... »  

Tu es furieux. Fronces le nez alors que tu lâches son bras, jettes la pince sur la table de nuit dans un tintement sourd.

— « C'est quoi le soucis...? Tu te sens tout seul ? »  

Tu t'approches du lit pour te pencher au-dessus de lui, te grandissant volontairement pour paraitre plus impressionnant.

— « Tu n'as plus personne pour te cajoler entre deux séances de baise ? Personne pour converser pendant que t'écartes les fesses ? »  

Tu te mords la lèvre et avances encore ta tête, intimidant.

— « Reste loin de ma soeur, c'est clair ? Surtout maintenant qu'elle n'est plus dans ce repaire de débauche et de dépravés... »  

Tu as la haine Cecil. La haine parce que tu as moins de contrôle sur elle. Le dénommé Ace Maxwell s'est improvisé comme son sauveur et tu as échoué à l'arrêter. C'est TOI son sauveur ! C'est TOI sa félicité... C'est sur TOI qu'elle peut compter. Pas sur lui, pas sur eux. Juste TOI.

— « Ça serait plutôt à moi de te demander pourquoi est-ce que tu me fais ça... Petite merde. »  

Le visage déformé par la folie se détend peu à peu en un sourire glaçant. Tu approches rapidement ta main de sa joue comme si tu allais le frapper pour lui tapoter doucement.

— « Aaaah... Miaule encore pour moi s'il te plait. »  

Tu cherches à découvrir la vérité dans ses mots crachés. Qu'est-ce que ta soeur a bien pu vouloir lui dire ? L'aurait-il mal interprété, à sa manière d'enfant idiot et autocentré ?
Tu ne veux pas croire qu'elle t'ait rejeté la faute dessus, quand le problème provient évidemment de ces hommes dangereux et abusifs à qui elle avait affaire en trainant là-bas. C'est bien sûr toi qui l'avait placé en ces lieux... mais maintenant que tu es devenu capitaine, il vaut mieux vous mettre à l'abris de ces vipères.

— « Chez un autre...? »  

Et il ose parler de SON repaire.
Sa main dans tes cheveux, l'autre à ton poignet. Tu tires dessus et forces à l'arrière de ta tête pour te dégager, sous tension.

— « Moi... Jaloux...? »  

Tu ne fais que répéter, trop offensé pour réellement appréhender son impertinence.
Il a raison, elle gronde au fond de toi - la jalousie malsaine qui t'étrangle. Tu ne sais plus quoi dire, et seuls tes yeux demeurent furieux. Tes lèvres se tordent et tu grognes. Pourquoi est-ce que Blanche a le chic de s'entourer d'hommes fanatiques et exclusifs ?

D'un coup, elle devient bien plus intéressante que toi.

— « Tu peux crever avant que je ne te dise ou elle est ! Rentre-toi ça dans le crâne... Tu n'es rien pour elle. Elle t'a utilisé pour passer le temps et rendre son travail plus agréable et c'est tout. Tu penses que vous êtes amis ? Ne me fais pas rire. Qui voudrait être ami avec quelqu'un d'aussi insipide que toi ? »  

Le voilà, le vrai poison.

— « Tu ne te démarques ni par ta beauté, ni par ta finesse d'esprit, ni même par ton humour. Rien. Si encore tu étais obéissant... Mais non, Dieu nous a fourni un rebelle à la langue bien pendue. »  

Trop c'est trop. Tu attrapes brusquement la ceinture d'une main et saisit ses cheveux de l'autre. Tu grimpes sur le lit et lui cognes la tête pour le sonner quelques secondes, en profites pour le retourner face contre l'oreiller. Tu enroules le cuir autour de son cou pour en faire une laisse et tires d'un coup pour couper brièvement sa respiration.

— « Peut-être que ça te remettra les idées en place ! »  

Plus aucune limite, si ce n'est celle de te laisser envahir par tes plus mauvaises idées.

Avant que tu ne le maitrises, il te menace de mort. Tu réalises alors que tu as bien fait d'en arriver là. Sinon qui sait ce que ce malade t'aurait fait si tu l'avais laissé t'agresser... Tu resserres ta prise quand il se débat. Il tire sur la ceinture au niveau de sa gorge pour chercher de l'air et tu t'assois sur son dos pour l'écraser un peu plus contre le matelas.

— « Tu vas me QUOI ? »  

Tu tentes d'attraper ses bras pour les immobiliser dans le creux de son dos, maintenant ses poignets d'une main ferme tandis que l'autre s'accroche au cuir. Tu tires tellement fort que t'en irrites ta paume de marques rouges et brulantes. Concèdes à relâcher quand tu vois qu'il pourrait tomber dans les pommes. Tu veux lui faire mal, au fond, pas seulement l'anéantir... juste le détruire.

— « Répète petite chienne, me quoi ? »  

Si quelqu'un vous surprend en cet instant, tu n'es pas sûr de pouvoir maquiller ton sadisme en jeu de rôle immoral et obscène. Absorbé par le son irrégulier de son souffle saccadé, tu murmures à son oreille.

— « Tu me dégoûtes. Renonce à ma soeur immédiatement et je te laisse vivre. »  

Tires d'un coup sec pour l'étrangler.
Relâches pour le laisser reprendre son souffle.

— « Je ne veux pas de toi dans ses pattes et encore moins dans les miennes. »  

C'est pourtant toi qui est allongé sur lui pour le torturer. Tu lui donnes déjà trop d'attention pour ce qu'il en mérite.

— « Une dernière chance. Aboies. »  

Et les menaces fusent encore. Tu gromelles, griffes sa peau et t'accroches à ses cheveux. Tu pestes Cecil, mu d'une rage possessive. Tu ne veux pas partager Blanche... Tu ne veux pas partager Samael - elle est ta soeur et il est ta proie. Tu le détestes autant qu'il te fascine, tu le méprises autant que tu l'aimes, elle.

— « La vie sauve, pour commencer ! »  

Comment ça, toi ?
Il plaisante là ?

— « Petit merdeux... Tu vas te tenir tranquille... »  

Mais il bouge trop, il s'agite dans tous les sens et malgré la laisse tu as du mal à le contenir sous ton poids. Trop svelte pour être musclé, tu peines à résister. Alors avant qu'il ne t'éjecte, tu prends le soin (les mains tremblantes) d'attacher le bout de la ceinture à la tête de lit. Glisses du matelas pour atterrir lourdement sur le sol dans un grondement de douleur.

Tu pourrais jubiler de le voir s'étrangler, mais tu ne parviens pas à gagner assez de temps pour ne pas te laisser piéger. Le voilà qui fond sur toi et ses doigts à ta gorge t'arrachent un hurlement de rage - en écho au sien. Les yeux exorbités, tu le fixes un peu sonné par son élan. T'aimerais bien voir ça ! Qu'il te hante... Comme le font les fantômes... La mâchoire serrée tu marmonnes entre tes dents.

— « La prochaine fois je laisserai mes hommes te tuer... »  

Secoues la tête de droite à gauche, le genoux plié prêt à lui donner des coups dans le ventre. Alors qu'il se penche en avant tu te hisses vers le haut. Cognes ton front au sien pour le défier d'exister.

— « Essaie seulement et je te jure que... »  

Il tousse un peu, semble encore faible de votre affrontement (de tout ce que tu lui as fait subir). La lueur dans tes yeux traduit de l'inquiétude mais c'est un mirage. Tu te redresses pour l'ejecter avec tes pieds, ainsi le faire basculer sur les fesses quand la porte d'entrée claque.

— « ... »  

Et Blanche qui choisit bien son moment pour rentrer.

— « Merde... »  

Tu te précipites vers la porte de ta chambre pour la fermer, temporises un peu. Qu'est-ce qu'elle va penser ? T'es complètement décoiffé.

— « Toi... Toi. Ne fais aucun bruit, c'est clair ? Retourne dans la penderie. Maintenant ... ! »  

Tu le pousses à quatre pattes, appuyant sur le bas de son dos pour le faire ramper vers l'armoire. Enlèves ta chemise pour la jeter avec lui. Tu te précipites ensuite vers le salon, torse nu et débraillé. Un peu essoufflé. N'as aucune idée de l'interprétation que l'on pourrait se faire.

— « Hey. Blanche. Tu... Tu rentres tard. Tu.. étais ou ? »  

Même être en colère parait compliqué.