Blanche n'est clairement pas dans son état normal. Alors que son visage s'illumine quand elle t'aperçoit - l'euphorie retombe comme un pancake sans levure. Tu peines à dissimuler tes émotions, mu d'une culpabilité aussi évidente qu'elle s'affiche clairement sur ta figure, aussi grosse qu'une pancarte.

— « Je... Non, je t'attendais. »  

Tu te refermes immédiatement à sa question. Sa possessivité et sa jalousie sont mal accueillies. Tu as l'air mauvais tout à coup, et descends les deux marches qui séparent l'espace cuisine du grand salon.

— « Non. Je n'invite pas de filles à la maison. »  

Sous-entends que tu les voies en dehors. Tu sais comment la rendre folle, mais c'est une vengeance légitime alors qu'elle joue à te rendre fou. Tu secoues la tête et vérifies que ton pantalon est bien boutonné, pris d'une angoisse irrationnelle. Tes doigts caressent nerveusement les coutures de ton bas et tu te couvres le torse. Merde, c'était quoi ton excuse déjà ?

— « Je sors de la douche. »  

Pues le parfum pour homme et la sueur.
Tu secoues la tête et traverses la pièce de plusieurs grandes enjambées pour la rejoindre, ainsi lui tourner autour comme un prédateur - à peine crédible Cecil, Blanche n'est la proie que des vautours qui la vampirisent.

— « N'essaies pas de détourner la conversation sur MOI ! »  

Furieux d'être remis en cause, tu lui attrapes le bras. Les pupilles dilatées de ta soeur trahissent son état. Tu détestes la drogue Cecil, considères que c'est une souillure au corps.

— « Je rêve ou tu... tu as pris des stupéfiants ? C'est ce Ace qui t'a forcé à consommer ?! »   

Quand il s'agit de ta soeur tu deviens tendu très rapidement. Il n'y a pas grand chose qu'elle t'autorise et c'est sûrement pour compenser la liste des choses que tu lui interdis. Si tu avais toléré (supporté) de la laisser vendre son corps pour obtenir des informations te permettant de grimper les échelons, se droguer était une toute autre chose.

Blanche est prise au piège. Tu serres ta prise sur son bras quand elle te repousse. Tes yeux s'écarquillent de stupeur et tu restes figé un instant, butant sur un mot en particulier.

— « L'autre ???! »   

Quel autre ?
Si c'était un client elle s'en serait vanté pour t'énerver.
Si c'était Ace elle l'aurait appelé par son prénom pour t'énerver.
Mais elle avait délibérément omis de te préciser l'identité de cet homme.

— « De quel droit tu... Quoi ? QUI ?! »   

Soudain pris d'un vertige, tu manques de vaciller, te retiens au dossier du canapé pour ne pas t'écrouler. Tu ne supportes l'état d'ivresse, vite dépassé par la perte de contrôle qui désinhibe les plus instables de tes émotions déjà malades.

— « Sale peste... Reviens ici... »   

Tu réfrènes un haut-le-coeur en plaçant ton poing devant ta bouche, la suis en titubant et te prends la marche au moment de traverser l'espace cuisine. Ça permet à Blanche d'entrer dans ta chambre. Sans réfléchir, tu t'exclames comme si vous étiez redevenu deux adolescents.

— « SORS DE MA CHAMBRE !!! »   

Tu arrives à sa suite, agrippes la porte comme si ta vie en dépendant. La voyant chercher sous le lit, tu actives ta faculty en dernier recours. Sa douche froide te permet au moins d'être libéré un instant de la sienne. Tu tiques et tentes de rester le plus naturel possible.

— « Je ne sais pas, moi. Ça doit être l'homme de ménage. »   

Parce que Blanche ne laisse pas de femmes entrer ici.

— « Je t'ai déjà dit qu'il était louche... »   

Mais toi tu ne veux pas d'homme non plus. Il est ton excuse pour tout ce qui tourne pas rond chez vous (chez toi).

— « Mais comme tu l'as dans la poche tu prends sa défense. Tu prends toujours sa défense ! Et voilà qu'il met des couteaux sous mon lit ! »   

Plus c'est gros plus ça passe. Tu claques la porte de la chambre après être entré. Merde, non. Tu devais la faire sortir. Merde, Cecil, merde. Concentre-toi.

— « Tes petites escapades nocturnes, c'est terminé. Demain tu restes à la maison toute la journée. Et ce week-end aussi. Crois-moi que je vais te faire passer l'envie d'aller fricoter avec tous les hommes de cette ville ! Tu m'entends ? »   

Parce que toi tu ne t'entends plus.

— « Qu'est-ce que tu m'as fait... j'ai mal à la tête. »   

Toi ? Méchant ? Ça ne peut être. Comment peux-tu être méchant avec la seule personne qui compte pour toi ? Comment peux-tu être méchant avec la seule qui t'a toujours cru, qui est toujours restée, qui t'a toujours regardé pour ce que tu étais vraiment. Tu te braques et te cognes contre la porte, mutique. Tu l'observes décharger sa colère comme si de spectateur tu devenais victime.

— « Mais Blanche ! »   

Tu veux la rassurer.. et en même temps tes yeux fixent la mouvement instable du couteau dans sa main. Doucement, tu cherches à lui reprendre, lui murmurant de mots doux pour la calmer.  Coup d'oeil vers la penderie pour surveiller que ton animal ne fasse pas de conneries insensées.

— « Je suis très heureux Blanche... Tu me rends heureux. Tout ce que tu fais est parfait. Calme toi, d'accord ? »   

Mais sa menace (que tu prends très sérieusement) ce sont les mots de trop. Tu chopes son poignet pour lui faire lâcher l'arme au sol. Il glisse sur ta moquette un peu plus loin - et alors que tu la serres, ta voix ne change pas de la tonalité douce amère que tu avais un peu plus tôt.

— « Tu ne vas aller nul part. Si tu fais ça Blanche... Je te coupe les vivres, c'est clair ? Ta carte, bloquée. Tes habits de luxe, oubliés. Alors quoi ? C'est ton nouveau petit ami qui va t'entretenir ? Tu veux devenir une de ces clochardes chez les Chili Gaspacho ? »   

Tu ne supportes pas l'idée qu'elle puisse t'abandonner, encore moins te tourner le dos pour aller rejoindre celui que tu t'es juré d'enterrer. Décidément, ce Ace Maxwell commence vraiment à te les briser.

— « C'est ça que tu veux ?! Tu crois que ta vie sera mieux loin de moi ?! Alors que j'ai tout mis en oeuvre pour bien m'occuper de toi... »   

Les larmes aux yeux, c'en est presque risible toi aussi. Tu la prends dans tes bras pour la serrer contre toi.

— « Non non non. Tu vas rester ici comme je te l'ai demandé. Parce que tu veux me rendre heureux et que je ne suis heureux qu'avec toi, moi. »   

Et elle ne peut pas le voir, le menton posé sur son épaule, ton sourire difforme et monstrueux. Mais lui (dans l'ombre du verrou) il peut se rendre compte à quel point tu es heureux. 

Pour la première fois depuis longtemps tu ne la crois pas. Tu sais qu'elle se joue de toi quand elle dit que tu lui fais peur. Tu ne relèves pas, lui pardonnes immédiatement cet écart. Tu es gentil Cecil, alors tu ne fais pas peur. Tout ce que tu fais c'est d'oeuvrer pour son bien, pour son confort et sa santé. Si tu es en colère, c'est uniquement parce qu'elle t'y a poussé. Comment pourrait-elle avoir peur de quelque chose qu'elle a volontairement provoqué ?

Alors que tu la serres dans tes bras, caresses affectueusement ses cheveux (prétends que le contact physique ne t'écoeure pas) c'est elle qui recule brutalement. Tu ne comprends pas tout de suite de quoi il en retourne, la suis du regard quand elle rentre dans ta salle de bain et tressailles quand tu l'entends vomir.

— « Blanche ? Tout va bien ? »  

Grimace discrète alors que tu restes sur le pas de la porte. S'il a bien quelque chose qui te dégoute, ce sont les vomissements. Machinalement tu vas pour lui tendre une serviette tout juste sortie du placard (quel noble sacrifice) quand elle te hurle de rester à distance. Brusqué, tu recules d'un pas.

— « Mais pourquoi ? »  

Je ne t'aime pas comme ça.
Je ne t'aime pas comme ça.
Je ne t'aime pas comme ça.

Les intentions qu'elle semble te prêter te mettent mal à l'aise. Tu ne réagis pas trop, trop gêné pour argumenter quoi que ce soit. Est-ce que c'est toi ? Es-tu dysfonctionnel au point de la désirer de la mauvaise manière ? La honte t'éprend, et toi aussi tu en viens à rougir. Non... Non. Jamais. Jamais ! Pas toi... Pas elle. Alors qui ? Comment ? Tu déglutis, pris d'un vertige.

— « Moi non plus. Moi non plus ! Ce n'est pas moi, quand même ! »  

Tellement troublé que tu en oublies de la rassurer. C'est toi, seulement toi dont il est question.
Comprends trop tard qu'elle a du intercepter les émotions de l'unique personne qui pourrait ressentir des choses pareilles. Mais Samael ne te désire pas toi, il la désire elle. Ils la désirent tous, elle !

Tu tournes la tête vers la porte du placard. Le foudroies du regard (tu sais qu'il peut te voir !).
Est-ce que tu prendrais le risque de vous griller pour lui expliquer ?Tu hésites. Tu ne peux pas...

— « Blanche. »  

Ta voix est plus forte, tonne avec fermeté.

— « Viens-là. C'est rien, c'est sûrement ton pouvoir qui te joue encore des tours. Tu n'es pas dans ton état normal, tu ne le contrôles pas. »  

C'est encore de sa faute...
((à eux deux))

— « S'il te plait, ressaisis-toi. Jamais il ne te viendrait à l'idée d'avoir des pensées aussi vilaines. Et ce ne sont pas les miennes. »  

Tu lui tends la main.
((tu vas le tuer))

Rapidement, elle reprend ses esprits. Elle t'assure que tu as raison (évidemment, quelle idée) et s'essuie le visage. Tu affiches un sourire faussement compatissant, toujours aussi gêné que votre échange ait tourné de la sorte - non pas par empathie à son égard mais par peur d'être encore une fois mal interprété.

Elle s'excuse quand elle passe devant toi. Elle a des allures de fantôme et sa démarche est inhabituelle. Triste, en somme. Tu restes penaud, ne l'empêches pas de partir pour autant - après tout si elle va dormir en haut c'est ta chance pour faire partir Samael sans qu'il ne soit vu. Tant pis, la séance de torture reprendra une autre fois.

— « Bonne nuit, dors bien. »  

Elle aura au moins réussi son coup, tu n'es plus en colère et la punition que tu lui réservais pour demain pourrait bien être levée.
Tu fermes prudemment ta porte une fois sorti et surveilles attentivement le bruit de ses pas dans les escaliers qui mènent à son étage. Une fois partie, tu te diriges précipitamment vers la penderie que tu ouvres.

— « Toi... »  

Tu n'es pas légitime à être en colère, il aurait pu foirer volontairement l'opération un millier de fois. Et pourtant tu le fusilles autant que tu le fustiges.

— « Son état... c'était toi ? »  

Tu ne sais pas pourquoi tu es aussi jaloux... ni pour qui. Mais l'idée qu'un autre homme puisse s'intéresser à ta soeur, surtout lui te rend aussi amer qu'infect.

— « Allez, dégage de chez moi maintenant. »